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Slide to Survive

2020 Internazionali BNL d'Italia ROMA © Ray Giubilo

Andy Murray, relayé par la plume de l’excellent Laurent Vergne sur Eurosport.fr, l’avait déclaré en décembre 2021 : le tennis devrait avoir son propre Drive to Survive, du nom du documentaire Netflix qui a rappelé aux générations post-baby boom que la Formule 1 n’était pas forcément réservée aux résidents des maisons de retraite et autres patients à risques et que la course ne s’achève pas (forcément) après le carambolage du premier virage. Aussitôt dit, aussitôt fait : le géant américain du streaming a entendu l’Ecossais dont l’humour grince presque autant que les hanches et l’a carrément pris au mot.

 

Il était temps. En effet, au lieu de s’acharner à raccourcir et simplifier le format du tennis ad nauseam, pourquoi ne pas simplement braquer les caméras sur ce qui existe déjà ?  L’humoriste suisse Thomas Wiesel abondait dans nos colonnes l’année dernière : « Le tennis a la chance d’avoir des joueurs et des joueuses qui sont charismatiques. C’est un sport dans lequel il n’y a pas d’équipement qui cache les visages […] on les reconnaît, ils sont expressifs : capitaliser à mort là-dessus serait malin pour eux. » Dont acte. Alors que le tournage de la première saison a débuté à Melbourne, ni le nom de la série, ni son casting n’ont encore été dévoilés. L’occasion pour nous de laisser libre cour(t)s à notre imagination. Il va sans dire que le label Serve & Volley to Survive, impossible à comprendre pour le public cible de Netflix dont le baptême tennistique est postérieur à la tristement célèbre finale de Wimbledon 2002 et son assassinat du jeu vers l’avant, est d’ores et déjà à jeter aux oubliettes. Alors que la tournée européenne sur terre battue se profile à l’horizon, quid d’un Rally ou encore Slide to Survive ? 

Survivre, dans son sens le plus littéral, c’est un peu ce que le sport de tous niveaux s’efforce de faire tant bien que mal depuis deux ans pour des raisons qui vous ont été rappelées au moins autant de fois que Boris Johnson a menti au cours des dernières 48 heures (vanne certifiée intemporelle). C’est donc un casting par catégories inspirées de cette nouvelle réalité avec laquelle le tennis doit désormais composer qui a été réalisé par nos soins forcément intensifs. Et c’est évidemment sans vergogne que nous avons sollicité l’aide de l’édition 2022 du Petit Larousse et ses 170 nouveaux termes liés à la pandémie. Figurez-vous que selon la Radio Télévision Suisse, le dictionnaire a été « contaminé », alors que France Culture nous rappelle qu’après les deux Guerres mondiales, la langue française avait déjà été « envahie ». Sur cette base, vous nous pardonnerez aisément les quelques calembours plus ou moins avouables qui ne manqueront pas de nous échapper çà et là dans ce qui va suivre. Distribution plus ou moins chronologique et absolument non exhaustive basée sur les deux premiers mois d’une saison déjà riche en rebondissements (ce qui est finalement moyennement renversant pour un sport de balle). Le tout en brûlant un cierge dans l’espoir qu’au moment où vous lirez ces lignes l’enchaînement des Masters 1000 étasuniens du mois de mars n’ait pas trop accéléré l’obsolescence programmée de nos doctes analyses.

Gael Monfils defeated world number 1 Daniil Medvedev © Antoine Couvercelle

La préposée à l’application stricte du couvre-feu :

Aurélie Tourte, la crème de l’arbitrage français. Qui a oublié sa gestion musclée d’une finale du tournoi de Bercy qui ne manquait déjà pas de sel en novembre dernier ? Sûrement pas les quelques olibrius vaguement éméchés priés d’ « aller faire un petit tour dehors » après avoir mis les pieds dans le plat ce jour-là. Celle qui a été la première femme à diriger une finale d’ATP 500 doit également avoir laissé un joli souvenir à Rafael Nadal, qu’elle avait osé avertir pour dépassement de temps en 2020 (et dieu sait qu’ils sont peu à utiliser cette règle qui a habituellement une valeur aussi symbolique qu’un gardien de but de handball). Qu’on se le dise, Tourte ne compte pas pour du beurre. Sans parler de Novak Djokovic, dont elle avait assisté à la disqualification du haut de sa chaise la même année à New York. Une dure à cuire on vous dit. Le jour des auditions, elle ne fera d’ailleurs qu’une bouchée de Mohamed Lahyani, l’autre prétendant au rôle de star incontournable de notre reportage dans les coulisses du circuit. On se dépêche d’appuyer sur la touche « enter », histoire de passer au paragraphe suivant alors qu’on arrive encore à se retenir de lâcher un dernier chapelet de jeux de mots culinaires d’un goût aussi douteux qu’un tweet mijoté par le subtil tandem Tennys Sandgren-Sergiy Stakhovsky.

 

Le joueur qui a le masque à (presque) chaque remise des trophées : 

Félix Auger-Aliassime. FAA porte-t-il des FFP2 ? En tout cas il est resté à l’abri des victoires en finale pendant un bon moment (0 sur 8 sans remporter une seule manche au passage). Oui, huit. On vous voit venir : l’ATP Cup est à peu près aussi crédible qu’une promesse humaniste de Gianni Infantino pour donner de l’eau au moulin de sa Coupe du monde biennale. Ne pensez donc même pas à l’ajouter à l’armoire au(x) trophée(s) officiel(s) du désormais ex-Julien Benneteau québécois. « Ex » ? Oui, car le dimanche 13 février à Rotterdam, le futur du tennis nord-américain (n’ayons pas peur des mots) a décidé qu’il était temps de faire table rase du Tsitsipassé afin de ne pas remettre ce premier titre aux calendes grecques. Personne ne bat Félix Auger-Aliassime 9 fois de suite. Et apparemment personne ne bat Andrey Rublev deux semaines de suite. Bilan : 1-9 après l’Open 13.

 

Le joueur dont les anticorps ne sont efficaces que trois mois : 

Roberto Bautista Agut. On murmure que la saison de celui qui a glané 7 titres sur un total de 10 entre les mois de janvier et mars et qui a encore été finaliste de l’ATP Cup et vainqueur à Doha cette année touche déjà à sa fin. C’est peu dire qu’Andy Murray et Alejandro Davidovich Fokina, balayés respectivement 6-0 6-1 et 6-1 6-1 au Qatar, sont soulagés.

 

Le vecteur de transmission aéroportée :

Novak Djokovic. On vous épargne les détails. Si vous étiez en vacances sur Mars en janvier, on ne peut plus rien pour vous. Avouons que ça nous étonnerait puisqu’on est à peu près sûr que quelques années-lumière de quarantaine sont demandées avant d’entrer dans l’atmosphère de la planète rouge quel que soit votre statut vaccinal terrien. L’homme qui a accumulé les gaffes à un rythme aussi effréné qu’un certain préposé au courrier des lecteurs du Journal de Spirou dans les années 1960 aura probablement des prétentions salariales trop élevées pour notre casting puisque ses frasques de début d’année pourraient lui valoir à elles seules un contrat à vie avec Netflix, Amazon Prime et HBO Max (pour ne citer que des chaînes régionales sans le sou). Voilà qui tombe bien, puisqu’à l’instar de son modèle des éditions Dupuis, notre Spartacus des temps modernes risque de devoir s’habituer au rôle de héros sans emploi dans un futur pas si lointain.

 

L’expert en immunologie (contacté via Facebook) : 

Pierre-Hugues Herbert. P2H, ça fait assez symbole chimique, mais pourtant la science n’a pas l’air d’être son fort. Interrogé (en qualité de quoi exactement, on n’est pas sûr) pour donner son avis sur le cas Djokovic, le joueur français antivax a fait moins de vagues que son illustre compagnon d’infortune puisqu’il n’a pas demandé d’exemption vaccinale et a fini par présenter un test PCR un tantinet moins discutable que le document de celui que les anglophones surnomment désormais « Coronovak » (ça change un peu du mille fois ressassé « Novax Djocovid », non ?) pour rentrer dans le tableau de l’Open 13. On espère que Nicolas Mahut n’a pas été piqué au vif par toute cette histoire.

2021 Internazionali BNL d'Italia ROMA © Ray Giubilo

Le dirigeant asymptomatique à toute velléité d’autocritique (à ne pas confondre avec autocratique) : 

Craig Tiley. Interviewé par Channel Nine le 20 janvier dernier sur le thème de l’exemption vaccinale accordée puis retirée à Djokovic, le directeur de l’Open d’Australie a probablement esquivé assez de questions et usé de suffisamment de feintes rhétoriques pour décrocher sa qualification directe pour le tournoi de boxe des prochains Jeux du Commonwealth. Sa langue de bois risque tout de même de poser problème au moment de la mise en place du protège-dents.

 

La joueuse de retour de quarantaine :

Naomi Osaka. Ça tombe bien, celle qui a déjà sa propre série en trois épisodes connaît la maison. Après moult démêlés psychologico-médiatiques en 2021, la plus américaine des joueuses nippo- haïtiennes est de retour et semble se sentir bien mieux dans ses baskets. À l’heure où certains de ses collègues se prennent pour Jésus, Naomi semble en avoir terminé avec son chemin de croix. « Je ne suis pas Dieu », a-t-elle tenu à préciser après sa défaite au troisième tour à Melbourne face à Amanda Anisimova, elle aussi soudainement ressuscitée. Une sortie qui ne signifie pas forcément qu’elle ne sait plus à quel saint se vouer.

 

Le nouveau variant local :

Belinda Bencic. Au sortir de près de deux décennies bouclées sur une moyenne supérieure à un titre majeur par année, le tennis suisse a une sacrée gueule de bois. Son antidote potentiel existe, mais à une condition : ne la faire prendre part qu’à des compétitions par équipes représentant leur pays. En 2021, Bencic a (fièrement) porté le drapeau rouge à croix blanche à 10 reprises en simple pour un bilan de 9 victoires dont un titre olympique et une place de finaliste en Billie Jean King Cup alors qu’elle n’a atteint qu’un quart de finale en Grand Chelem (7 victoires, 4 défaites). Rebelote en 2022 avec une déconvenue dès le deuxième tour à Melbourne et toujours pas une seule demi-finale sur le circuit depuis le mois de juin dernier pour la perpétuelle dernière Suissesse en lice. Vous avez dit vaches maigres au pays du Gruyère (le seul, l’unique, sans trous) ?

 

Le virus préhistorique sorti tout droit du permafrost : 

Maxime Cressy. Non, il ne s’agit pas du fantôme de Taylor Dent, du fils caché de Radek Stepanek ou d’un cousin éloigné de Dustin Brown. Et pourtant il se rue vers le filet comme si 1999 et l’herbe usée du carré de service du All England Club l’y attendaient. Craig O’Shannessy, analyste pour l’ATP, s’acharne à le chanter sur tous les tons : le service-volée n’a statistiquement rien perdu de son efficacité (environ 65 %) malgré sa chute libre en termes d’occurrences sur le gazon londonien (33 % en 2002 pour 6 % en 2018). Si vous profitez de surcroît de l’effet de surprise constitué par le fait que vous êtes le seul à le pratiquer en 2022, il se pourrait même que vous atteigniez votre première finale ATP et votre première deuxième semaine de Grand Chelem en l’espace d’un mois. 

 

La joueuse en isolement au plus haut niveau :

Ashleigh Barty. Tellement seule au monde qu’elle est à un contrat avec Wilson de se prendre pour Tom Hanks. 12 victoires, 24 sets gagnés pour une misérable manche égarée sur l’autoroute des titres à Adélaïde et Melbourne. Comme quoi certains poncifs restent encore et toujours des valeurs sûres : nul n’est prophète en son pays et le circuit féminin n’a pas de patronne. C’est bien connu. L’Équipe la qualifie d’« accessible ». Ses adversaires ne semblent pas avoir été consultées.

 

Les dernières protéines du variant alpha encore en activité :

Rafael Nadal et Alizé Cornet. Novak Djokovic a été déporté, Roger Federer est toujours blessé, on est (presque) sans nouvelles de Stan Wawrinka et Andy Murray ne verra probablement plus jamais une deuxième semaine de Grand Chelem malgré toute sa bonne volonté. Bref, ces messieurs ont tout pour former la catégorie des joueurs sous assistance respiratoire. C’est donc l’Incroyable Hulk de Manacor qu’on a dû ressortir du formol (à l’image de Mariah Carey chaque année à Noël) pour contrarier les plans de la #NextGen. Et accessoirement battre le record absolu de titres majeurs, paraît-il (on a cru entendre un ou deux médias vaguement aborder le sujet). Quant à la romancière des Alpes Maritimes, un premier quart de finale en 60 tournois majeurs consécutifs lui donnera peut-être envie d’ajouter une postface de quelques pages à sa carrière dont elle a annoncé écrire l’épilogue cette saison.

Roland Garros 2018 © Ray Giubilo

Le joueur qui ne sera jamais considéré comme endémique :

On doit à Dmitri Ivanovitch Mendeleïev un tableau périodique qui ordonne, classe et organise les éléments chimiques connus. Daniil Medvedev, c’est tout le contraire. Le numéro 2 mondial semble composé d’éléments inconnus et fortement instables qui tendent tous vers l’implosion. Il joue au tennis avec force grands gestes désordonnés à ne montrer sous aucun prétexte dans quelque école de tennis que ce soit, déclasse souvent ses adversaires et l’organisation des tournois y a perdu plus d’une fois son latin. Après avoir traité un arbitre de « petit chat » et avoir quelque peu insisté sur le déni neuronal absolu de certains spectateurs des Antipodes (difficile de ne pas lui donner raison en l’occurrence), pouvait-on vraiment prévoir sa prochaine facétie ? La logique aurait voulu qu’il devienne le tueur de géants assermenté du circuit après la finale de l’Open d’Australie, en gravissant consécutivement les deux sommets hors catégorie que sont Djokovic et Nadal, les privant tous deux d’une 21e couronne record, le tout en trois manches sèches et sonnantes à chaque fois et au grand dam d’un public avec lequel on restera poli en le qualifiant d’hostile. Le hic, c’est que Medvedev s’entend aussi bien avec la logique qu’avec Stefanos Tsitsipas. Du coup il a perdu et promis de ne plus jouer qu’à Moscou. Vous l’aviez sentie venir celle-là ? Enfin ça c’était avant que la finale de la Champions League soit déplacée de Saint-Pétersbourg à Paris et que la Russie soit bannie du concours de l’Eurovision, pour ne citer que les sanctions les plus draconiennes administrées par la communauté internationale en réponse à l’invasion de l’Ukraine. Du coup notre électron libre s’est dit que s’enfuir au Mexique et devenir numéro 1 mondial dans la foulée était aussi une idée qui se défendait après tout.

 

Le joueur affecté par le syndrome de FOMO (Fear Of Missing Out, la fameuse peur de manquer de papier toilette et de féculents en mars 2020) :

Nick Kyrgios. Que le nouveau meilleur pote de Max Purcell ne s’inquiète pas, il ne manquera (de) rien ! Qui pourrait imaginer un casting de télé-réalité sans lui ? Surtout en ce moment, alors que celui dont la présence dans un tournoi de simple est devenue aussi pertinente que celle de Valérie Pécresse comme intervenante dans un cours de subtilité rhétorique a enfin trouvé le moyen de gagner sans (trop) se fouler. Eh oui, diviser la surface du court à couvrir par deux en déléguant l’autre moitié à l’éclopé notoire Thanasi Kokkinakis et transformer le stade en Circus Maximus pour le grand déplaisir de ses adversaires qui dégoupillent à qui mieux mieux : la recette d’une victoire en Grand Chelem ne tenait finalement pas à grand-chose. Plus sérieusement, en tant que passager de longue date de son bandwagon, on est tout simplement content d’apprendre que sa santé mentale meurtrie en 2019 va mieux.

 

Il sert la science et c’est sa joie :

Juan Martin Del Potro. Le retour de Tandil. Ou pas. C’est peu dire que l’improbable comeback après deux ans et demi d’absence de celui qui a subi presque autant d’opérations que Martina Navratilova compte de titres majeurs était scruté par la planète tennis. Et pour cause, puisque la faculté du gentil géant à récolter tous les suffrages est proche de celles de Xi Jinping et Vladimir Poutine réunis. Ce n’était finalement qu’une façon de tirer la prise lui-même, sous la lumière des projecteurs et dans l’ambiance électrique d’une arène garnie de compatriotes plutôt que dans l’obscurité impersonnelle d’un communiqué publié sur les réseaux sociaux. À force de passer sur le billard, d’aucuns auraient perdu la boule. Le sosie d’Eddie Cahill s’est contenté de taper dans la balle une dernière fois. On s’excuse pour cette référence obscure qui ne parlera qu’à quelques Millennials égarés.

Open-Indian Wells, 2022 © Ray Giubilo

Le variant le plus virulent de l’hiver (on vous avait dit de garder les masques en indoor) :

Anett Kontaveit. L’Estonienne a remporté 5 titres, s’est qualifiée pour les WTA Finals dont elle a atteint la dernière marche et est passée de la 30e à la 5e place du classement mondial en l’espace de 6 mois. Dommage pour ses adversaires que ce genre de fulgurance ne soit pas plus contagieux. Certains esprits chagrins (certainement pas nous, qu’allez-vous penser ?) ne pourront s’empêcher de faire remarquer que le rouleau-compresseur de Tallinn n’a jamais dépassé les quarts en Grand Chelem, un peu à l’image de Rublev et ses 12 victoires en 3 semaines entre Rotterdam et Dubaï. Le genre d’agenda de ministre qui mène tout droit au burn-out en deuxième semaine de majeur.

 

Le joueur qui craint le plus l’assouplissement progressif des restrictions :

Benoît Paire. Malgré son ras-le-bol pandémique apparent, le BFF de Marion Bartoli fait partie des membres plus ou moins intermittents du circuit ATP qui ont tiré le plus gros avantage du gel du classement en 2020. En effet, si les gouvernements danois et suisse ont récemment décidé de laisser tomber à peu près toutes leurs contraintes sanitaires d’un coup en plein hiver (pour ceux qui s’interrogent sur le timing, il n’y a pas d’élection présidentielle ce printemps dans ces deux pays), la fonction defrost du congélateur de l’ATP semble restée bloquée sur « économie d’énergie ». Tant mieux pour Paire qui, avec un total faramineux de 15 victoires en 36 tournois disputés pour 19 défaites au premier tour (sans compter les bye) depuis le début de l’année 2021, émergeait encore à un amour de 52e place mondiale le lundi 14 février. Il n’y a pas que les papys du Big Three qui font de la résistance.

 

Le joueur prisonnier du monde d’avant :

Carlos Alcaraz, tombeur du menu fretin que représentent Matteo Berrettini, Fabio Fognini et Diego Schwartzman et titré au tournoi ATP 500 de Rio. Oui, malgré l’impression d’une décennie écoulée depuis son quart de finale à l’US Open (et aussi celle qu’il ne doit pas rester beaucoup d’épinards dans les supermarchés d’El Palmar), notre homme a toujours 18 ans. Vous vous souviendrez peut-être encore longtemps de ce que vous faisiez quand le freluquet de Murcie est entré dans le top 20. On croit tellement en lui qu’on voulait en faire le visage de notre casting et le coller au sommet de l’affiche avec les frimousses de Barty, Osaka et Auger-Aliassime (on est vendeur ou on ne l’est pas). Pas de bol, une avarie de sa machine à remonter le temps le retient en 2005. Une sombre histoire de couture de son débardeur anachronique qui se serait coincée dans les rouages. Vous vous souvenez quand on se demandait encore quel hispanophone (ou Guga) allait bien pouvoir remporter Roland-Garros cette année ? Et qu’on trouvait que c’était quand même un peu toujours les mêmes ?

 

Le joueur qui maîtrise le mieux les gestes barrières :

Reilly Opelka et ses 12 tie-breaks gagnés sur 17 disputés en 12 matches en 2022 avec au passage son troisième titre à Dallas et une finale perdue (en deux jeux décisifs évidemment) à Delray Beach. De quels gestes barrières parle-t-on ici ? Mais de la distanciation sociale (ou plutôt physique) entre l’échalas du Michigan et un break ou encore un échange de plus de trois coups de raquette, Dieu l’en préserve !

© Antoine Couvercelle

Le sous-variant BA.2 qui se bat pour exister dans l’ombre d’Omicron :

Clara Tauson (à laquelle on pourrait adjoindre Emma Raducanu, Leylah Fernandez, Iga Świątek ou encore l’ancêtre Coco Gauff, du haut de ses 4 ans de carrière pro à tout juste 18 ans). La Danoise de 19 printemps, coachée par le bien nommé Olivier Jeunehomme, championne nationale à l’âge de 13 ans (mieux que Caroline Wozniacki) et vainqueur de deux tournois WTA en 2021 est la nouvelle pépite du circuit. Si on ne s’y connaissait pas, on lui prédirait des titres majeurs par dizaines dans les années à venir. Sauf que. Sauf que le firmament du tennis féminin a connu tellement de météorites qu’on préfère tourner sept fois notre langue dans notre bouche avant de se prendre pour Elizabeth Teissier pour briller en soirée. Combien de futures stars ont vu leur étoile pâlir immédiatement après leur(s) première(s) grande(s) victoire(s) ? Jelena Ostapenko (Roland-Garros 2017) n’a atteint la deuxième semaine d’un Grand Chelem qu’une fois depuis. Sloane Stephens (US Open 2017) n’était plus dans le top 50 au moment de mettre sous presse. Bianca « IKEA » Andreescu (Indian Wells, Toronto, US Open 2019) est actuellement en pièces détachées. Sofia Kenin (Australian Open 2020) est 90e mondiale. Un peu plus et les sœurs Brenda et Linda Fruhvirtova, titrées aux Petits As en simple et en double et titulaires de points WTA à respectivement 14 et 16 ans feraient passer tout ce petit monde pour une maison de retraite en goguette. On n’est certes pas à l’abri de voir l’un des astres éphémères susmentionnés nous faire une Paula Badosa (n.d.l.r. : expression consacrée qui désigne une ancienne prodige précoce remportant un grand titre 6 ans après avoir été définitivement enterrée par tous les spécialistes) au cours de la prochaine décennie. On espère pour ces demoiselles qu’elles n’auront pas à faire une Jiří Veselý (n.d.l.r. : variation sur l’expression précédemment citée qui consiste en une victoire sur un numéro 1 mondial 6 ans et une éjection du top 100 après la première).

 

L’ex-joueuse immunisée contre tout futur lancement d’alerte sur les réseaux sociaux : 

Last but not least. Peng Shuai, vous vous souvenez ? Probablement pas, et on ne vous blâmera pas pour ça au vu de la durée moyenne de l’attention médiatique accordée à tout ce qui n’a rien à voir avec le covid, Eric Zemmour ou le chat de Kurt Zouma. Petite liste non exhaustive (et fortement occidentocentrée) d’événements somme toute mineurs qui ont fort brièvement retenu notre attention au cours des 24 derniers mois : urgence climatique, incendies en Australie, menace d’une troisième guerre mondiale en Iran, urgence climatique, double procédure de destitution d’un président américain, morts de George Floyd et Ruth Bader Ginsburg, urgence climatique, élection de la première femme vice-présidente des États-Unis, insurrection à Washington, urgence climatique, Simone Biles et l’affaire Larry Nassar, séisme en Haïti, urgence climatique, reprise de l’Afghanistan par les Talibans, COP26, urgence climatique, Djokogate, possible implosion de la Bosnie, urgence climatique, convois de la « liberté » (sic), Partygate au 10 Downing Street, urgence climatique. À l’heure de mettre un point final à notre tapuscrit, le conflit russo-ukrainien faisait la une de tous les vecteurs médiatiques européens depuis bientôt une semaine. Si votre lecture printanière de ces lignes n’est pas rythmée par un fond sonore de bottes militaires russes traversant votre village, il y a fort à parier que l’opinion publique de notre chère francophonie aura tourné son trouble de l’attention vers d’autres cieux. S’il nous a été impossible de rester concentrés sur ne serait-ce qu’une seule de ces occurrences pendant plus de temps qu’il n’en faut à une levée du Grand Chelem pour arriver à son terme, difficile d’imaginer accorder plus de temps de cerveau à la jeune retraitée du tennis chinois dont la résidence actuelle est probablement digne de faire frémir les locataires les plus endurcis du Park Hotel de Melbourne. On essaiera tout de même de la contacter pour notre casting, il paraît qu’elle répond volontairement aux e-mails et qu’elle fait parfois des vidéos de manière tout à fait spontanée. Ah et elle adore apprendre des scripts par cœur, surtout si le scénario est réaliste. 

 

Article publié dans COURTS n° 12, printemps 2022.