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Richard Gasquet, talent caché

Gasquet, À revers et contre tout, aux éditions Stock
Gasquet, À revers et contre tout, aux éditions Stock

Le 18 mai, quatre jours avant Roland-Garros 2022, Richard Gasquet a sorti son autobiographie : À revers et contre tout. Racontant son histoire à Franck Ramella, qui l’a mise sur papier, le Français a notamment révélé à quel point il a toujours eu du mal à être le centre de l’attention. Ce qu’il a été après seulement quelques années d’existence, dès ses 7 ans.

 

« Richard Gasquet est un personnage de roman. »

Avec son sens de la formule, Franck Ramella, plume guidée par les récits de « Richie » pour rédiger son autobiographie, a résumé à merveille la vie de l’intéressé. Et elle a d’abord suivi les lignes d’un roman d’anticipation. Dès ses premiers pas dans le tennis, on a écrit la suite de son histoire : le prodige était né pour remporter un titre du Grand Chelem et devenir le successeur de Yannick Noah. « Richard G., 9 ans, le champion que la France attend ? », titrait Tennis Magazine en Une dès 1995,  avec une photo d’un gamin haut comme trois pommes en pleine exécution d’un revers à la technique touchée par la grâce. Un don semblant tombé tout droit du ciel, comme offert par les divinités du tennis et censé faire de l’enfant de Sérignan leur envoyé sur Terre.

Seul hic, au fond, le génie n’aurait peut-être jamais souhaité sortir de sa lampe. Il aurait voulu rester chez lui. Dans son monde. « De trois à treize ans, j’ai passé toutes mes journées dans un périmètre de deux kilomètres carrés, a-t-il expliqué au cours du chapitre retraçant son enfance. Je n’ai rien fait d’autre, je ne voulais rien faire d’autre : PlayStation, stade (où il jouait au foot et au rugby avec les copains, ndlr), tennis, école. Très vite, après mes dix ans, j’ai dû partir disputer les championnats nationaux ou des compétitions internationales de jeunes. La plupart du temps, je ne m’y sentais pas bien. Je voulais rentrer le plus vite possible. Pourtant, il n’y avait aucune raison pour moi d’être mal à l’aise durant ces voyages : je ne perdais jamais chez les jeunes. »

« En 1999, je remporte les Petits As à Tarbes, la plus grande compétition internationale de jeunes, en battant un certain Rafael Nadal en quart de finale, a-t-il poursuivi. Après cette victoire, je me souviens m’être immédiatement dit : “Super, le tournoi est fini !” La suite, je n’en avais plus rien à faire. La seule chose qui m’importait, c’était de rentrer en voiture le soir même pour être sûr d’être au stade ou sur le court à Sérignan le lendemain. » De quoi donner, aussi, à son histoire, des similitudes avec un conte de fée. Celui du Petit Poucet. À l’instar du héros immortalisé par Charles Perrault, l’Héraultais a toujours voulu revenir à la maison. Mais plutôt que de laisser des cailloux blancs derrière lui, il a semé des revers immaculés partout où il passait. Un geste-signature qui a fait l’objet d’un chapitre. Obligatoire. 

Le premier du livre, intitulé « Revers gagnant », et suivi de : « Paris Match, le poids des maux » – dans lequel est confié qu’en 2004, en plein désarroi, il a voulu tout arrêter et a demandé à son père de lui trouver un stage à Paris Match – « Sérignan », « Maryse et Francis (ses parents, ndlr) », « 2002, année de feu », « Mon Nadal à moi », « Oui, j’ai cru au titre du Grand Chelem », « Génération mousquetaires », « L’affaire », « Seb (Grosjean) et Sergi (Bruguera), juste un peu tard », « BIG 3, le mur », « Forget, Capitaine Fracasse », « La pire défaite de ma vie » – sur la défaite contre Roger Federer en finale de la Coupe Davis 2014 -, « Sarkozy – Noah, mes mentors de l’extrême », « Drôle de goût pour mon plus grand titre » – à propos de la Coupe Davis 2017 -, « Une vie de saltimbanque », « Jeune surdoué et senior avisé », « Ce qui m’a manqué n’est pas ce que vous croyez », « Moi, pas de mental ? » et « Aider le tennis français. »

Richard Gasquet, Roland-Garros 2010
Richard Gasquet, Roland-Garros 2010 (© Ray Giubilo)

« S’il y a un joueur qui peut presque légitimement se plaindre des médias, c’est Richard Gasquet »

« C’est plutôt moi qui a amené les sujets des chapitres au cours des entretiens, a détaillé Franck Ramella. L’éditeur (Stock) intervient dans certains choix, et il voulait, bien entendu, un chapitre sur le revers, ce qu’on aurait fait de toute façon. C’est à la fois un livre grand public, et un livre qui doit plaire et apprendre à ceux qui aiment Richard Gasquet. C’est aussi la difficulté de ce genre de chose, il faut être assez simple pour que ça intéresse les gens un peu nouveaux, tout en apprenant des trucs aux fans. Et j’ai pris le parti de ne pas raconter à nouveau des matchs, parce que je pense que ça ne sert à rien, sauf si le souvenir en est étincelant. L’idée était de se baser sur des périodes, puis les chapitres se déclinent. Par exemple, ça a été au fil de la discussion qu’on a vu qu’il avait des trucs à dire sur Forget. On a vraiment eu une liberté totale pour les chapitres. »

Journaliste à L’Équipe, où il est arrivé en 1989 en tant que secrétaire de rédaction stagiaire, Franck Ramella a toujours été un fondu de sport et d’écriture. Si, dès l’enfance, le petit Richard avait déjà du style grâce à ses figures de revers blanchissant les lignes, le jeune Franck noircissait celles de ses cahiers en travaillant des figures de style. « J’ai voulu travailler pour L’Équipe dès la 6e, a-t-il narré. Un pion me donnait le journal, je le lisais tous les jours alors que mes parents n’étaient pas du tout dans le sport. J’aimais ça, et j’aimais écrire. Je repérais des figures de style et j’essayais d’en faire – mais il ne faudrait pas les relire, c’était sûrement catastrophique (sourire). » Gasquet rêvait de jouer sur les plus grands courts du monde, Ramella de bosser pour le prestigieux quotidien. Les deux y sont parvenus.

Après avoir notamment traité de rugby et de foot, l’homme aux initiales inversées de Roger Federer est passé à la rubrique tennis – ce qui était son but – en 2005. « Le premier papier que j’ai fait, c’était un comparatif entre Tsonga qui venait de gagner un Challenger au Mexique, à León (le 3 avril), et Gasquet qui en avait remportés deux de suite en Italie, Barletta (le 27 mars) et Naples (le 3 avril), s’est-il remémoré. Puis, début avril, on m’envoie avec les envoyés spéciaux à Monte-Carlo pour me faire faire un tournoi test, que je voie comment ça se passe, pour apprendre. Et Richard Gasquet, c’est le premier que j’ai rencontré, chez son kiné, pendant qu’il se faisait masser. Il était redescendu au classement, après sa phase de crise en 2004, il avait un peu perdu sa cote de 2002 (de sa révélation, à 15 ans, en passant un tour à Monte-Carlo). Et pour mon premier tournoi, je vois des trucs insensés, et il bat Federer (alors numéro 1 mondial) ! »

« Donc il y a eu ce petit “feeling”, entre guillemets, a-t-il poursuivi. Mais après, ça n’a pas non plus été un long fleuve tranquille. Il y a eu des critiques, de la part d’autres et de moi, sur les matchs qu’on imaginait qu’il devait gagner. Parce qu’il éblouissait vraiment les gens, et pas que les Français, donc il y a eu une attraction. Forcément, qui dit attraction dit “doit” gagner à peu près tout, et il ne gagnait pas tout. Alors il nous envoyait quelques petites piques en conf’, à moi comme à d’autres, mais ça restait sympathique. Il n’est pas rancunier du tout. On avait un rapport journaliste-joueur, pas plus. S’il y a un joueur qui peut se plaindre presque légitimement d’un “dysfonctionnement” des médias, c’est Gasquet. Depuis tout jeune, il  dû supporter ce poids d’un suivi constant. C’est celui qui a eu le plus de papiers à “mauvaises ondes”, on va dire. »

Richard Gasquet, Wimbledon 2015
Richard Gasquet, Wimbledon 2015 (© Ray Giubilo)

« Richard s’est ouvert, il voulait le faire, ce livre ! »

Avant de voir le jour, Richard Gasquet, à revers et contre tout, a d’abord germé dans la tête de Franck Ramella. Grâce à une graine plantée par son entourage. « On me disait : “Tiens, ce serait bien qu’il y ait un livre sur Gasquet”, a-t-il relaté. L’idée a maturé pendant longtemps. Je ne peux pas dire que nous avons des rapports privilégiés (avec Richard Gasquet), mais peut-être un chouia plus qu’avec certains dans le journal (L’Équipe). Je suis moi-même allé voir Richard : “Ce serait pas mal de faire un bouquin autour de toi, les gens m’en parlent, ça intéresse aussi des éditeurs.” C’était il y a un moment, à Madrid ,en 2016 ou 2017 je crois. Il m’avait répondu en temporisant, du style : “Pourquoi pas, mais là bof”. Je n’avais pas senti que c’était le rêve de sa vie à ce moment-là (rires) ! »

 Avec le temps, le poids des ans pesant de plus en plus sur sa carrière de joueur, le « pourquoi pas » a muté en « allons-y ». Lors d’une vingtaine d’entretiens allant d’une à deux heures, Richard Gasquet a raconté son histoire. « 90 % du temps, on s’est vu dans son club, au Lagardère Paris Racing, dans le bois de Boulogne, a relaté Franck Ramella. Julien Cassaigne, son coach-agent, était là aussi et nous a bien aidés pour débloquer des souvenirs. Richard s’est ouvert, il voulait le faire, ce livre ! Il a vraiment été très, très, très disponible. Je n’ai eu aucun problème (pour les rendez-vous). Je ne citerai pas les sportifs, mais pour certains auteurs ça a été l’enfer absolu, au point d’abandonner en cours de route parce que ça devenait une galère insupportable. »

Au fil de son récit, s’il a soldé les comptes – avec les médias, Forget, Leconte -, le natif de Béziers n’a pas cherché à taper inutilement sur des têtes. Aucun nom de journaliste n’est cité, pas plus que celui la consommatrice de cocaïne embrassée lors de la « fameuse » soirée à Miami. Un instant de plaisir qui l’a plongé dans la période la plus dure de sa vie ; où il est devenu paranoïaque. « Il voulait vraiment que ce soit un livre qui résume sa carrière, propre, sans polémique, a révélé Franck Ramella. Ça, ça a tout de suite été clair. Même si tout le monde sait que pour vendre un livre il faut créer du buzz, dire du mal, et que mon mauvais esprit l’aurait peut-être souhaité (sourire). Mais en fait, non. On peut être fier que ce soit un livre qui ne tombe pas là-dedans, les critiques (de Gasquet) sont nobles, elles sont ce qu’il a ressenti. »

Loin d’être une star dans son attitude, discret en dehors du court, le natif de Béziers n’a pas cherché à se fabriquer des projecteurs pour se mettre faussement sous un meilleur jour. « Il n’aime pas du tout se mettre en scène, à révélé celui qui a transcrit ses paroles. Je crois qu’il est un peu “maso” (sourire). Souvent, on n’aime bien se mettre en valeur, lui, il faut qu’il se force pour ça. Il parlait plus facilement de ses tourments, de sa pire défaite, que de ses réussites. » Sans doute parce que c’est ancré en lui. Depuis l’époque du cartable et des bonbons qu’on payait en francs, il n’a jamais voulu être le centre de l’attention. Il a toujours été mal à l’aise avec ça.

Richard Gasquet, Roland-Garros 2010
Richard Gasquet, Roland-Garros 2010 (© Ray Giubilo)

« Je n’aimais pas ces yeux braqués sur moi. Je ne voulais pas qu’on sache que je jouais au tennis » – Richard Gasquet

« Je faisais le spectacle depuis mes sept ans, a rappelé Gasquet dans l’autobiographie. Chaque fois que je jouais dans un club pour un tournoi, on pouvait compter deux cents personnes autour du court. Je n’aimais pas ces yeux braqués sur moi. À l’extérieur, je n’avais pas envie qu’on sache que je jouais au tennis, et que j’y étais bon. En primaire, Okapi était venu faire un article sur moi dans la classe ! Un moment très gênant, surtout lors de la séance de photos : j’avais l’impression d’être un phénomène de foire. » Et les années ne sont pas parvenues à gommer ce trait de caractère, tracé au marqueur indélébile dans son ADN. Lorsqu’il s’est vu, à la grande surprise de sa famille et de lui-même, en couverture de Tennis Magazine à neuf ans, il a eu « honte ». 

« Qu’est-ce que je faisais là, à la place que Boris Becker – sextuple vainqueur en Grand Chelem – avait occupée un mois plus tôt ? », a-t-il alors pensé. Quelques années plus tard, il s’est même mis à développer des stratagèmes pour tenter de rester dans l’ombre. « Au collège, j’avais été exempté d’EPS pour pouvoir me consacrer au tennis, a-t-il dévoilé. Quand ma classe partait faire cette heure de sport, elle passait par un chemin qui surplombait le court. Je les voyais tous arriver, et vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça me dérangeait. Je n’avais pas envie de les voir, pas envie qu’ils me voient. Alors j’allais systématiquement aux toilettes à ce moment-là. Je me cachais ! Et j’attendais que la classe soit loin pour reprendre l’entraînement. Je faisais tout pour que l’on en sache le moins possible. »

 Parmi les heures de discussions, cette anecdote a été celle qui a le plus marqué son confident littéraire. « Ce n’est pas surprenant par rapport à sa personnalité, mais par l’ampleur du détail, a décrypté Franck Ramella. Normalement, quand on est petit, on est super fier de montrer aux autres qu’on est très bon dans un domaine, pour plaire aux copains, voire aux filles. Lui, il allait se cacher. Quand on y réfléchit bien, c’est sidérant. C’est incroyable. Il ne voulait même pas qu’on sache qu’il jouait au tennis. Un autre truc incroyable, c’est ce qu’il dit sur son service. » Parmi les faiblesses reconnues au détour des 283 pages, ce qui lui a manqué pour s’offrir une carrière encore plus brillante, le joueur à l’accent du Sud a notamment pointé du doigt sa mise en jeu.

« Mon vrai problème, c’est le service, a-t-il confessé. (…) Je ne dois pas me cacher derrière une affaire de gabarit. (…) Beaucoup de joueurs au physique similaire au mien ont réussi à servir de manière plus agressive. Non, ce qui m’a manqué, c’est la volonté de progresser sur ce coup-là.  (…) La vraie raison reste que cela m’a toujours royalement ennuyé, d’aligner des gammes de service à l’entraînement. (…) Je me suis toujours régalé à faire des points, à travailler l’adversaire, comme dans un jeu d’échecs. (…) Un bon service, c’est l’antithèse d’un long échange ; le travailler davantage, ç’aurait été, sans doute, me priver des occasions de lancer des rallyes. J’aime tellement le tennis que je me suis peut-être, en me limitant dans ce domaine, inconsciemment freiné dans mon ascension. » Malgré ça, il est allé très haut. Jusqu’au 7e rang mondial, et trois fois en demi-finale de Grand Chelem.

« Tout le monde dit qu’il a raté un truc, comme Monfils, Simon, Tsonga, mais au fond qui sommes-nous pour dire ça alors qu’ils ont été au sommet de leur sport ?, a analysé Franck Ramella. L’une de mes motivations pour l’aider à faire ce livre, c’était de raconter une autre manière d’être un champion. Parce qu’il en est un. »

Pablo Picasso, le tableau d’un monstre

Pablo Picasso, Portrait de femme à la robe verte, 1956
Pablo Picasso, Portrait de femme à la robe verte, 1956

« Monstrueux » est peut-être le mot qui définit le mieux Pablo Picasso. Monstrueux de par l’incroyable abondance de ses créations – il aurait produit plus de cinquante-mille œuvres au cours de sa vie. Tout autant que par la diversité de celles-ci : peintures, gravures, dessins, sculptures, décorations de théâtre… Les beaux-arts n’avaient que très peu de secrets pour lui. Monstrueux comme le poids de son travail dans l’Histoire de l’art. Tantôt porté aux nues, tantôt conspué, il fut au cours de son existence tour à tour considéré comme un génie, un bohémien, un conformiste, un révolutionnaire, un classiciste, un primitiviste, un marabout, un surréaliste, un dissident, un matador, un poète, un communiste ou un faussaire. Il n’a cessé de fasciner et est aujourd’hui quasi-unanimement reconnu par les spécialistes des arts picturaux comme étant le peintre le plus important du XXe siècle. 

La monstruosité du genre humain était également un des thèmes majeurs de son iconographie. Picasso avait effectivement la particularité d’exprimer avec une extraordinaire – et glaçante – justesse certains des aspects les plus abominables de la condition humaine. À travers notamment une série de fresques et de peintures colossales tels que Guernica (1937) ou Massacre en Corée (1951), traductions d’une souffrance universelle engendrée par la guerre. Mais aussi à travers le Minotaure, un personnage mythologique récurrent dans l’œuvre du peintre.  Mi-homme, mi-taureau, la légende raconte que le Minotaure est né des amours de Pasiphaé, la femme du roi Minos, et d’un taureau blanc envoyé par le dieu Poséidon. On dit que Minos enferma ce fils illégitime dans un labyrinthe construit par Dédale, dans lequel il sera nourri chaque année de la chair des enfants. 

La créature symbolise la cruauté, la dévoration mais aussi l’homme en lutte dominé par ses pulsions instinctives. Picasso est fasciné et voit en lui l’incarnation de sa propre frénésie sexuelle et créatrice, une sorte de double obscur qu’il mettra régulièrement en scène dans des banquets bachiques ou en train de s’accoupler sauvagement avec une femme. Il émane effectivement de ces tableaux beaucoup de brutalité, une brutalité si crue que l’on en est à espérer qu’elle se limite seulement à la toile. Malheureusement, la réalité était bien pire, et ce sont celles qu’on appellera ses « muses » qui furent ses plus grandes victimes. Selon Marina Picasso, la petite-fille de l’artiste, ce dernier « assujettissait les femmes à sa sexualité animale, il les matait, les ingérait, et les écrasait sur sa toile. Après avoir passé tant de nuits à extraire leur essence, une fois asséchées, il les jetait. »

L’homme qui n’aimait pas les femmes 

Picasso eut beaucoup d’aventures mais seulement sept femmes partagèrent réellement sa vie, des femmes qui eurent pour la plupart un destin tragique. La première (Fernande) finit dans la pauvreté, deux devinrent folles (Olga, la première épouse, et Dora Maar, brillante photographe et intellectuelle des années d’avant-guerre), deux se suicidèrent (Marie-Thérèse, sa maîtresse des années 30, et Jacqueline, sa veuve), une autre mourut très jeune d’un cancer (Eva, en 1915, qu’il trompait déjà pendant son agonie). En 1954, Françoise Gilot réussit à s’échapper avec leurs deux enfants (Claude et Paloma), à survivre loin de lui, la seule qui eut le courage de le quitter. 

« Chaque fois que je change de femme, je devrais brûler la précédente. Comme cela, j’en serais débarrassé. Elles ne seraient pas toutes là à compliquer ma vie. Et puis, cela me redonnerait peut-être la jeunesse. On tue la femme et on efface le passé qu’elle représente. »

Il était complètement obsédé par l’idée de destruction : « pour faire une colombe il faut lui tordre le cou », « la nature existe pour que nous puissions la violer ». Et c’est à travers l’art cubiste – dont il partage la parentalité avec Georges Braque – et ses portraits de femmes que l’on devine le mieux ce désir morbide. Le cubisme c’est la déconstruction conceptuelle du réel, ça consiste à montrer sur une toile tous les différents côtés d’un même motif, démultiplier les points de vue en abolissant la perspective. 

À chaque fois que Picasso avait une liaison avec une femme, il la peignait des centaines de fois. Il la représentait généralement en même temps de face et de profil dans un jeu de lignes et de bribes acrimonieuses, habillées de couleurs criardes et agressives. « Je fais une peinture qui mord… Un bon tableau, un tableau, quoi ! Devrait être hérissé de lames de rasoir… » La bouche grimaçante, le nez multiple et distordu, un œil dans le front, un sein sur la hanche, souvent triste, mélancolique, ou entrain de hurler de douleur. « Les femmes sont des machines à souffrir… Quand je peins une femme dans un fauteuil, le fauteuil, c’est la vieillesse et la mort, non ? Tant pis pour elle… »

Lorsque l’on regarde le tableau Portrait d’une femme en robe verte, qu’il a peint en 1956 à Cannes dans la villa La Californie, on retrouve les principales particularités de son œuvre. Une femme, très probablement Jacqueline Roque, son épouse de l’époque, assise sur un fauteuil fusionnant avec son corps, si bien qu’on a l’impression qu’elle tient une raquette de tennis. Elle regarde dans le vide en se tenant les mains, l’air penseur. Le ton est plus doux qu’à l’accoutumée mais non dénué de son goût prononcé pour le morbide. En effet, la dame est entourée d’un blanc cassé avec une coloration jaunâtre, rappelant l’ivoire, couleur des ossements dont Picasso s’est fortement inspiré tout le long de sa carrière. 

Pour ce Narcisse qui avait paradoxalement la phobie des miroirs, il ne s’agissait pas d’exprimer la nature profonde de ses sujets mais plutôt de révéler la sienne à travers elles. Leur visage en guise de miroir. C’est pour cela qu’après s’être faufilé dans leur chair, il les déconstruit, les détruit avec fougue, dans une sorte de dépravation artistique. Il se décrit, se raconte comme dans une chronique de sa vie amoureuse. « Si Matisse ne s’intéresse qu’à la peinture, Picasso ne s’intéresse qu’à lui-même », disait Wilhelm Uhde, célèbre marchand d’art des années 1900. 

 

En attendant de jouer…

Carlo Carrá, La Muse métaphysique, 1917
Carlo Carrá, La Muse métaphysique, 1917

Lorsque je regarde les œuvres des peintres italiens Carlo Carrà ou Giorgio De Chirico, je ne peux m’empêcher de penser au cinéaste Dario  Argento (lui aussi italien) et à ses films emblématiques du giallo. Que ce soit dans Les Frissons de l’angoisse, Ténèbres ou Suspiria, le réalisateur avait toujours ce goût marqué pour l’ésotérisme, ce choix de faire vivre ses personnages dans la fantasmagorie, à la lisière du fantastique pour les rendre d’autant plus réels qu’ils ne le sont. Les faire évoluer dans un espace illogique et sans fond, dans sa propre esthétique qui semblait l’obséder, une obsession de la variation formelle et du ressassement de souvenirs indécryptables. Son œuvre transpire la métaphysique par tous les pores. Il puise indéniablement notamment son style esthétique dans la peinture de De Chirico, dont le premier cycle de sa carrière artistique sera consacré à la peinture métaphysique. Sa démarche est la même que celle du peintre, un rapport équivalent à la réalité onirique, et à la puissance d’évocation des formes, des couleurs, de l’architecture et de certains objets déplacés de leur contexte. Leurs œuvres témoignent d’une volonté de fixer l’étrangeté du réel, de révéler sa part énigmatique en rendant sensible sa profondeur. D’où, chez le cinéaste, cette importance accordée aux détails, et ce chromatisme opaque souvent en devant de l’image et ces espaces à la perspective divergente qui donnent le sentiment contradictoire d’un mouvement et d’une stagnation. 

Pour comprendre le symbolisme de la pittura metafisica (la peinture métaphysique), il faut remonter à son origine. En 1917, alors que l’Italie est en guerre, Carlo Carrà part se réfugier à l’hôpital de Ferrare, où sont déjà cantonnés depuis quelque temps déjà Giorgio De Chirico et son frère Alberto Savinio. Ils resteront là-bas pendant des mois et c’est ensemble qu’ils abandonneront le mouvement futuriste, sa célébration de la vitesse de la ville moderne et des mouvements de foule pour inventer une peinture de l’immobilité et de la solitude. Leurs œuvres sont la représentation de leur état d’âme du moment. La Muse métaphysique, La Fille de l’Ouest ou Le Fils du constructeur de Carlo Carrà en témoignent, il s’en dégage effectivement un sentiment d’inquiétante étrangeté. Les mannequins de tailleurs se tiennent debout, face à nous, figés, dans une pièce claustrophobique et font office de présence humaine, complètement dénués de personnalité et sans visage… Métaphore de l’avenir bancal engendré par la guerre ? Ces muses, dont l’existence est si incertaine qu’elle est tristement reléguée au même rang que les objets colorés posés ici et là, des non-identifiables pour certains, moules en plâtre, formes géométriques, et des petites peintures réalistes. Ils attendent tous que tout se termine pour pouvoir rejouer enfin au tennis, librement. 

Carlo Carrá, Le Fils du constructeur (1917-1921) et La fille de l'Ouest (1919)
Carlo Carrán, Le Fils du constructeur (1917-1921) et La fille de l'Ouest (1919)

Anybuddy, bienvenue au club !

La Team Anybuddy
La Team Anybuddy (© Anybuddy)

Le monde du tennis se divise en deux catégories : les joueurs qui sont affiliés à un club et ceux qui se creusent la tête pour trouver des courts libres quand ils ont envie de jouer. C’est précisément à ceux-là que s’adresse Anybuddy, une plateforme miracle permettant aux joueurs qui le souhaitent de jouer sur des courts libres habituellement réservés aux licenciés des clubs. Une simple connexion à l’appli ou au site et il est possible de géolocaliser en direct tous les courts des clubs partenaires non réservés par les licenciés, au lieu et à l’heure de son choix. Pratique.

Une ressource nouvelle pour les clubs sportifs

Pratique, oui, et pas seulement pour les joueurs occasionnels. Au lancement d’Anybuddy, en 2018, ses trois fondateurs lillois ont affronté la réticence de certaines structures dont les dirigeants craignaient de perdre le contrôle sur leur planning de réservation. Il a fallu bousculer les habitudes en montrant à quel point l’accueil ponctuel de joueurs extérieurs à un club pouvait bénéficier à tout le monde. D’abord d’un point de vue comptable : pour des associations sportives devenues exsangues avec la crise du COVID et les coupures de subventions, Anybuddy constitue une nouvelle source de financement évidente. Avec deux millions d’euros de chiffre d’affaires reversés à ses clubs partenaires l’année passée, l’application a permis à de nombreuses structures de sortir la tête de l’eau, d’embaucher des employés, de mener à bien des travaux importants, voire de rouvrir des activités annexes, comme la fameuse buvette. Le tout sans avoir à investir un euro préalable. 

Terrain sur les toits du 15e arrondissement de Paris, partenaire Anybuddy
Terrain sur les toits du 15e arrondissement de Paris, partenaire Anybuddy (© Anybuddy)

C’est là le secret de la réussite d’Anybuddy. Pour mettre en place un partenariat, les clubs n’ont pour ainsi dire rien à faire. L’application vient directement se brancher sur leur propre logiciel de planning en conservant la priorité de réservation pour leurs adhérents. Et si le club n’emploie personne pour assurer l’accueil et l’intendance, Anybuddy propose l’installation d’un simple boîtier sécurisé où ranger les clés du court et dont le code est communiqué automatiquement via l’application aux joueurs qui ont effectué la réservation. Les extérieurs peuvent donc profiter du terrain en toute autonomie et le personnel du club conserve son environnement de travail familier. Voilà comment la plateforme a réussi à convaincre 1500 clubs de s’associer avec elle. 

Ramener les pratiquants occasionnels vers les clubs

À cette dimension financière vient s’en ajouter une autre, plus structurelle. En rapprochant les 2,5 millions de tennismen occasionnels des clubs affiliés à la Fédération, Anybuddy se présente également comme un vivier de futurs membres pour les structures sportives : à force de réserver des courts dans le même club, le joueur occasionnel finit par le connaître, s’y sentir bien. De là à acheter sa licence ? C’est ce qu’assure Frédéric Fouco, cofondateur du site, qui se réjouit d’avoir engendré un cercle vertueux à même de ramener vers la pratique officielle ceux qui s’en étaient détourné faute de temps ou d’énergie. 

Or, avec 300 000 joueurs inscrits sur Anybuddy, le réservoir de potentiels futurs licenciés est immense. La démarche est loin d’être anodine à l’heure du sempiternel débat sur la relative baisse d’influence du tennis dans l’horizon sportif français. D’autant que le profil-type du joueur inscrit sur Anybuddy a une approche multisport : il joue au five le weekend, court, est inscrit dans une salle de musculation. Le tennis n’est pas forcément au cœur de sa pratique sportive et il serait regrettable que, faute d’infrastructures pratiques pour taper la balle, il s’en détourne. 

Frédéric Fouco, cofondateur d'Anybuddy (
Frédéric Fouco, cofondateur d'Anybuddy (© Anybuddy)

Les autres sports de raquette ne sont pas en reste

Malgré un ADN constitué autour du tennis, Anybuddy s’est ouvert aux autres sports de raquette : sur la plateforme, il est possible de réserver un terrain de badminton, de squash ou bien sûr de padel. Anybuddy est d’ailleurs aux premières loges pour assister au boom du padel dont la pratique connaît une immense croissance depuis la fin du confinement. Anybuddy crée ainsi des ponts entre les différents sports de raquette en emmenant des joueurs d’une discipline vers une autre et inversement, puisque le site recense peu de pratiquants exclusifs de padel ou de badminton. Tous les sports de raquette trouvent ainsi un écosystème vertueux dans lequel ils peuvent s’épanouir conjointement et nourrir les pratiques des utilisateurs.

Une app tournée vers l’international

Fondée à Lille, Anybuddy a rapidement investi le territoire français, d’abord autour des métropoles puis plus largement. La plateforme est également disponible en Belgique, essentiellement dans la région bruxelloise, et elle s’est implantée en Espagne où elle compte désormais 150 clubs partenaires. Pas besoin, donc, de puiser dans ses souvenirs du jeudi après-midi dans la classe de Madame Reyes pour traduire “louer un court de tennis” pendant ses vacances en Espagne avec des amis.

Et si l’on n’a pas d’amis ? Anybuddy travaille à plusieurs verticales pour socialiser son offre. La plateforme teste en ce moment la possibilité d’inviter des amis à un match avant une éventuelle extension vers la création de profils publics pour jouer avec des inconnus de son niveau. Mais la vraie nouveauté du moment consiste à proposer des cours collectifs sur l’application. Actuellement en test dans la région lilloise, ces cours nouvelle génération sont organisés sous l’égide d’un professeur agréé appartenant à un club partenaire.

En bref, Anybuddy est en train de se positionner comme un pure player des sports de raquette au service des tennismen du dimanche pour rapprocher toujours plus les pratiquants des clubs et du plaisir.

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(Contenu sponsorisé)

 

Mulholland Drive

David Hockney, Mulholland Drive, la route conduisant à l’atelier, 1980
David Hockney, Mulholland Drive, la route conduisant à l’atelier, 1980

Fin août 1980, le peintre David Hockney rentre à Los Angeles après un séjour d’ordre professionnel à New York. C’est alors qu’il apprend que les musiciens du Metropolitan Opera de la ville qui ne dort jamais sont en grève, et qu’on ne sait pas si le triple opéra « Parade Triple Bill » dans lequel il est metteur en scène pourra avoir lieu. En attendant la reprise, il se met à travailler sur deux nouvelles peintures qui marquent un tournant artistique dans sa carrière déjà sujette aux métamorphoses. Des tableaux aux couleurs saturées et kaléidoscopiques, au large éventail de perspectives, à la veine picturale fauviste et cubiste, complètement inspirés par ses trajets quotidiens entre sa résidence dans les collines hollywoodiennes et son son studio de Santa Monica. 

« Quand on vit sur ces hauteurs, on a une vision différente de Los Angeles. Ces lignes sinueuses sont entrées dans ma vie, il fallait qu’elles entrent également dans mes tableaux. J’ai commencé Nichols Canyon. J’ai pris une grande toile et j’ai dessiné une ligne sinueuse au centre pour figurer la route. Je vivais dans les collines et j’avais mon atelier dans la vallée, donc je passais d’un endroit à l’autre tous les jours, souvent deux, trois, quatre fois par jour. Ces lignes sinueuses je les sentais réellement. J’ai continué à explorer cette idée avec la grande toile – de plus six mètres sur deux – Mulholland Drive : The Road to the Studio, dans laquelle tous les repères du décor de l’ondulation de la route sont peints de mémoire… On parcourt la toile, enfin l’œil parcourt la toile à la vitesse de la voiture sur cette route. On fait la même expérience. » Ce qui conduit le peintre à une expérimentation de l’espace : « Tout est une question de mouvement et de changement de perspective. Ce que j’étais entrain de d’apprendre était incroyable. Je me suis vraiment rendu compte de la liberté que j’avais en découpant l’espace, en jouant à l’intérieur de cet espace, que ce jeu le rendait vivant, et que ce n’est qu’en devenant vivant qu’il devenait réel. »

 

Wimbledon the Centenary Year,

Where Heritage Meets Innovation

© Anna Britton

Great Britain is in its centenary year. The Queen’s Platinum Jubilee, 100 years of the BBC (British Broadcasting Corporation), and 90 years of the BBC’s presence at Wimbledon all celebrate their respective achievements in 2022. Wimbledon itself commemorates its own centenary year—although it is the 135th staging of the Championships, 2022 marks 100 years since the opening of the Centre Court, designed by British architect Stanley Peach, and the transfer of the tournament site from Worple Road to its present location at Church Road. This year, Wimbledon will mark the celebrations and uphold the old traditions. It will also embrace modern changes that aim to enhance the Championships experience.

 You feel the AELTC knows the importance of holding tradition whilst also having innovation at the forefront of its mind. When you approach the All England Club, and walk through the magnificent gates, engraved with the gold lettering of AELTC (the All England Lawn Tennis Club), you are engulfed with an overwhelming and unique sensation of tradition, respect, and historical culture. Entering the club through any of the incredible gates, you are welcomed by thought provoking monuments, such as the silver waterfall enriched by heartfelt and inspiring words: “In pursuit of greatness.”

© Anna Britton

 Throughout the grounds of the All England Club there are many historical sculptures that have been created in remembrance of British achievements, they uphold the memories of the Championships. The bespoke sculptures include the head-and-shoulder busts of the five British ladies singles champions—Kitty Godfree, Dorothy Round, Angela Mortimer, Anne Jones, and Virginia Wade—created by the acclaimed British sculptor Ian Rank Broadley, the magnificent sculpture of the former world number one, Fred Perry, created by David Wynne, and the most modern addition, the Alchemilla—a plant sculpture created by William Pye, and unveiled by the Duke of Kent on the first day  of the 2016 Championships.

As traditions and iconic features go, Wimbledon is well known and associated with its present dark green and purple colour scheme. These colours were introduced in 1909 after it was felt that a change was needed to previous colours of blue, yellow, red, and green—they were too similar to those of the Royal Marines.

© Anna Britton

The 2022 Championships celebrates traditions of the AELTC whilst simultaneously bringing new additions. To mark the Queen’s Platinum Jubilee, the All England Club has been working with the World Platinum Investment Council to create a set of beautiful and memorable platinum coins to be used at the final weekend for the coin toss whilst a host of other enhancements have been prepared for this year’s edition of Wimbledon. The player entrance to the Centre Court has received a modernised look, refreshing the traditional feel but making sure it remains steeped in history and culture of the event. The umpires, an integral part of the tournament, have received an update of their own with a redesigned umpires chair on the Centre Court and Court 1. In 2023, the change will expand to all courts thus completing the look.

© Anna Britton

With a combination of modernisation and progress in mind, there is no other tournament that can compete with the heritage and look of the Wimbledon’s line umpires’ uniforms. Ralph Lauren will once again update their attire—a unique and valuable tradition of the Championships. In keeping with environmental changes, the tournament is working with Sports for Climate Action, a UN Climate Change initiative for the global sports community to combat climate change, encouraging a shift in spectator habits that help the environment—the new Wimbledon reusable cups will definitely be ones to hold onto!

Speaking of Wimbledon being an innovating platform, the Championships understand its strength, both nationally and internationally. In the tennis community, Wimbledon sparks passion in every corner of the world. As part of the new format, from this year onwards, the Championships will not pause play mid-tournament, and will instead continue through the middle Sunday. The AELTC will emphasise this momentous change by making the middle Sunday the focal point of its centenary celebrations. The club is also surrounded by a big and involved community, and it plans to give back on this day by making Sunday a community day—with tickets distributed to local schools, residents, charities, and community groups. To further enhance the celebrations, there is a special moment planned before the start of play on the middle Sunday taking place on the historic Centre Court. This event will celebrate the epic matches and historic Championships moments, inviting past players onto the court. I am sure it will, yet again, remind us why Wimbledon is so much more than just a tennis tournament.

As part of the 100-year celebrations, Wimbledon will mark the event by introducing a new centenary logo, therefore creating imagery that moves the Centre Court into the next century, visualising its future for the next 100 years. Aesthetic additions to the club grounds include refurbished elements to the Lawn Tennis Museum, and, in commemoration of the centenary year, a special exhibition featuring 100 years of change. Never failing to keep up with the ever-evolving modern world, the museum has also introduced a new interactive gallery which explores the Open Era of tennis.

Investing in the future remains a key priority for the All England Club, and the next century will mean investment into the AELTC Wimbledon Park project, providing year-round significant public benefit to the local community.

Looking towards the future, the club plans to move the qualifying event onsite and away from the Roehampton courts. Improvements will also be made to the junior and practice facilities, whilst also providing a third show court, increasing and enhancing the world-class facility. As Wimbledon say, they want to ensure that the event remains a premier tennis tournament, with all the associated social and economic benefits that it brings, locally and nationally.

This year’s Championships will be a celebration of not only a welcoming-back after the Covid-19 pandemic, but also of a centenary tournament filled with memories—welcoming a new era, enhancing the tournament, and moving it towards the future.

The combination of esteemed heritage and productive innovations will ensure that Wimbledon remains a tournament that players aspire to compete in, and spectators want to experience—in essence, a piece of history. May inspiration be the driving force of this unique and valued tournament, and keep Wimbledon a sporting event of unrivalled quality.

Tennis géométrique

Marcelle Cahn, La Femme à la raquette, 1927
Marcelle Cahn, La Femme à la raquette, 1927

Même si le travail de Marcelle Cahn reste encore confidentiel, il est d’une richesse rare… À la croisée du cubisme, de l’expressionnisme et du courant puriste, la peintre s’est émancipée dans un monde de poésie et de musicalité tout en assemblage et en géométrie. Pour le critique d’art Otto Hahn, elle n’a rien à envier aux plus grands noms du XXe siècle et a sa propre identité : « Finalement, elle a une place qui n’est qu’à elle. Elle ne se place ni au-dessous de Léger, ni au-dessous de Mondrian, mais dans le petit espace qui sépare Arp de Mondrian, et Mondrian de Léger. C’est-à-dire que Marcelle Cahn est un petit maître, entièrement personnel et irremplaçable. »

En 1923, Marcelle Cahn passe quelques jours à Zürich dans le même hôtel que le créateur du célèbrissime Cri, Edvard Munch ; alors qu’elle le croise plusieurs fois, elle reste muette sur sa profession et ne se présente jamais à lui comme sa consœur. Voici le plus gros trait de personnalité de la peintre racontée en une anecdote. Elle était effectivement d’une grande discrétion et d’une infinie délicatesse qui transparaissaient jusque sur la toile.

Cahn est surtout connue pour son travail dans le courant de l’abstraction géométrique. Et son œuvre la plus citée est justement La Femme à la raquette, dans laquelle elle conserve encore son influence figurative, une œuvre extrêmement sobre, douce et linéaire, au caractère secret, où la raquette, derrière laquelle se cache une femme (l’élément figuratif), apparaît comme une passerelle vers le géométrique. 

Tennis Beautiful

The Tennis Party by Sir John Lavery © The Medici Society, London

Tennis, more than most other pastimes, brings together the worlds of sport, travel, fashion, and romance. It has an enduring style which outlasts the functional fads of contemporary equipment and clothing, and the classic modes of the Victorian and Art Deco periods are often revisited by artists and designers wishing to connect with the masses who love the game today. Tennis, as we know it today, was launched in 1874 and for the first century was known as “Lawn Tennis”. Its history is well documented and well known, the principal allure of the game being its aspirational nature, making tennis appealing both to athletes and the “in-crowd”. It has long been fashionable to wear tennis-style clothing in everyday life, and since the mid-20th century, many an envious eye has been cast in the direction of a person carrying a tennis racquet.

Tennis Shoes by Leslie Ellis © British Shoe Corporation

What is less well known is the appeal of tennis to artists, designers, and companies wishing to promote their products and services, all attracted by the same aspirational qualities that have made the game so popular with players and spectators. When tournament tennis first began in the 1870s, newspapers and magazines commissioned artists to go along and capture the scene. Paintings, such as Sir John Lavery’s The Tennis Party (1885), further legitimised tennis as a subject worthy of the serious artist’s attention. It was only in the early years of the twentieth century, however, that tennis imagery became “public art”, seen and appreciated by millions everyday, on hoardings and in advertisements in magazines, newspapers, buses, and trains. Sometimes, as in Roger Broders’s Monte Carlo (1930), a poster commissioned by the Paris-Lyon-Méditerrannée Railway to advertise its famous “Blue Train” service, tennis was the main subject of the painting. Another good example is Leslie Ellis’s undated advertisement for tennis shoes made and sold by the Leicester-based British firm of Freeman, Hardy and Willis. In Broders’s work, the train is not even in the picture, which is all about the destination, the aspiration. In the FHW advert it is the scene that is appealing, making the shoes seem de rigueur. More often than not, however, sporty types wearing tennis clothing and carrying racquets were included in more general scenes to add glamour and sophistication, as in Delamere Francis’s 1922 poster for the Belgian seaside resort of Blankenberge, famous for its sandy beach and long Art Deco pier. The cover of the 1952 Kleber-Colombes motor tyres calendar by Geo Ham and the 1950s BSA Bantam motorcycle advert both use the now-outdated symbolism of the pretty girl attracted by the handsome man in control of a fast, powerful machine. A crossover between the two styles can be found in Ferdinand Lunel’s 1896 Chemins de Fer de L’Ouest railway poster for Etretat. The poster, which extols the virtues of this French resort, which is just “4 Heures de Paris” using the company’s services, shows a modern young lady riding a bicycle and carrying a tennis racquet, the words “Tennis Club” exceeded in size only by the name of the resort itself. When the All England Lawn Tennis Club moved from Worple Road to Church Road in 1922, the London Underground Railway’s Managing Director Frank Pick was quick to commission a series of stunning Art Deco posters advertising travel to the Wimbledon Championships and Davis Cup ties via the District Railway to Southfields station. Unfortunately, these posters cannot be reproduced here for copyright reasons, but they are amongst the most striking and familiar tennis art ever produced. Probably the biggest tennis artwork ever was David Larks’s 60 x 100 feet mural showing John McEnroe wearing the Nike tennis shoes he made famous, with the Manhattan skyline in the background. The mural was painted in oil on an office block on Hollywood Boulevard, Los Angeles, and stared down over the city for nearly four years until it was replaced by another giant Nike image in 1988.

However, not all tennis art is produced for advertising purposes. Italian artist Luigi Castiglioni’s striking 1976 study of Bjorn Borg has an almost ethereal quality. In the early years of the 21st century, multiple grand slam winner Martina Navratilova hit paint-soaked tennis balls onto works created by artist Juraj Kralik. Their creative partnership was the subject of a special exhibition in the Tenniseum at Roland Garros in 2007. 

Monte-Carlo by Roger Broders © Editions Clouet
Blankenberge by Delamere Francis © Tennis Gallery Wimbledon Collection
Kleber-Colombes by Geo Ham © Tennis Gallery Wimbledon Collection
Etretat by Ferdinand Lunel © Tennis Gallery Wimbledon Collection
Sauvion's Brandy © Tennis Gallery Wimbledon Collection
Bjorn Börg by Luigi Castiglioni © Tennis Gallery Wimbledon Collection
John McEnroe by David Larks © Moreimage Productions
Navratilova / Kralik © Tennis Gallery Wimbledon Collection

Story published in Courts no. 3, Summer 2022.

Le court abstrait de Zao Wou-Ki

Zao Wou-Ki, sans titre, 1945

Toute la poésie de Zao Wou-ki est puisée dans les préceptes du vieux sage Lao Tseu : « Grande musique peu de notes. Grande peinture sans image. »

Chez le peintre, il y a effectivement très peu d’éléments figuratifs tels qu’ils sont dessinés dans les travaux picturaux occidentaux, mais des conceptions plus abstraites dans lesquelles jaillissent des influences taoïstes. Établissant un entrelac subtil faisant correspondre le yin et le yang, la lumière et l’obscurité, le cœur de l’homme et celui (ou ceux) du monde qui l’entoure. Il ne s’agit pas pour lui de dessiner un paysage, mais plutôt de révéler, à l’aide d’un éventail de pouvoirs orientaux s’échappant de son pinceau, toute l’harmonie et la vie intérieure de la nature. 

La plupart de ses œuvres « ont pour thème la nature. Je n’aime pas le mot paysage […]. Je préfère le mot nature. Il évoque un univers plus large : de multiples espaces enchevêtrés y prennent un sens cosmique où circulent l’air, le souffle du vent… »  

« Je voulais comprendre la nature au sens large du terme et tout mélanger, la montagne, les plantes, les architectures. J’étais si pressé que je n’attendais même pas que l’encre soit sèche pour tourner les pages. Je chauffais le papier avec la flamme d’un briquet. » 

Dans Tennis Players, on peut constater que l’abstraction lyrique pour laquelle Zao Wou-Ki sera vénéré n’en est encore qu’à un stade embryonnaire. Les éléments figuratifs sont bien présents, cependant, il y a la volonté – volonté caractéristique de la peinture chinoise – de réduire l’aspect narratif du paysage. Un aspect qui n’est là, la plupart du temps, que pour servir de passage, de tremplin à l’immersion dans la spiritualité infinie du monde. Ici, la maison, les arbres et même le court de tennis placé au centre (sport qu’il a pratiqué pendant 40 ans et dans lequel il excellait au point d’avoir la réputation d’être meilleur joueur parmi les artistes) sont peints avec délicatesse et légèreté, et semblent se fondre dans un espace régit par des forces vibratoires faites de frémissements de couleurs et de lumières. Quand on lui posa la question : « Acceptez-vous qu’on dise de vous que vous êtes un peintre abstrait ? », il répondit en sachant parfaitement se définir : « Ce qui est abstrait pour vous est réel pour moi. »

 

L’homme au chapeau

Anton Räderscheidt, Die Tennisspielerin, 1926
Anton Räderscheidt, Die Tennisspielerin, 1926

Vers 1921, après s’être essayé à la fois à la peinture expressionniste et constructiviste, l’artiste allemand Anton Räderscheidt s’aventure avec succès dans le mouvement de la Nouvelle Objectivité et crée des œuvres telles que « Begegnung I » (Rencontre 1). On y découvre une rue tout à fait déserte et cliniquement propre avec en arrière-plan un immeuble de style industriel apparemment inhabité. Au centre de l’image et de ce décor oppressant est placé un couple. L’homme coiffé d’un chapeau en feutre, qui semble représenter l’artiste, fait face à la « femme pur-sang », celle-ci est calquée sur l’artiste Marta Hegemann, la partenaire de Räderscheidt de l’époque. Mais contrairement à ce qu’indique le titre de l’œuvre, il n’est pas question d’une rencontre entre les deux personnages. En effet, ceux-là se tiennent à des angles opposés, ils ne se regardent pas. Une ambiance tendue et inhibée prévaut.

Une ambiance qu’Erich Kästner a capturée dans la première strophe de son poème « Sachliche Romanze » (Romantisme factuel) en 1928 : « Après s’être connus pendant huit ans / (et on ose dire qu’ils se connaissaient bien) / Leur amour s’est soudainement perdu. / Comme les autres perdent une canne ou un chapeau. »

Les peintures de Räderscheidt ne se concentrent pas toujours sur des couples solitaires et détachés, mais durant les années 20 et sa période Nouvelle Objectivité il va explorer sa relation avec sa compagne, Marta Hegemann, et plus généralement la relation entre les sexes à travers une vision froide et cynique de la société. Souvent, les images sont dominées par une figure masculine solitaire. Parfaitement vêtu, peut-être trop – le costume fait penser à une armure -, l’homme se tient dans un décor architectural angoissant, et semble tellement perdu qu’on aurait presque envie de se précipiter vers lui pour l’aider. Selon l’historien de l’art Günter Herzog, les images de Räderscheidt sont considérées comme « des modèles de l’objectivation et de l’isolement des personnes dans la société industrielle moderne ». Il s’en dégage une tension particulière. On sent que ses œuvres pourraient facilement glisser dans un comique qu’on retrouve dans le cinéma muet et burlesque de Buster Keaton ou Jacques Tati. On pourrait aussi penser aux paysages urbains monumentaux de Giorgio de Chirico, ou aux peintures de personnages surréalistes de Paul Delvaux ou de René Magritte. 

Au milieu des années 1920, comme beaucoup de ses contemporains, Räderscheidt a produit un petit nombre de peintures sportives telles que « Die Tennisspielerin » (La joueuse de tennis), de 1926. Trois ans plus tard, l’artiste féministe berlinoise Lotte Laserstein peint elle aussi une joueuse de tennis. Alors que la joueuse de Räderscheidt se tient totalement nue sur le court, surveillée et sous le contrôle d’un homme (l’homme au chapeau), la protagoniste de Laserstein incarne l’émancipation et la confiance féminine.

Lotte Laserstein, Die Tennisspielerin, 1929.
Lotte Laserstein, Die Tennisspielerin, 1929.