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À Tarbes, de A à S

© Les Petits As

D’après une légende bien plus proche de la fable que d’une quelconque réalité historique, Tarbes naquit d’un chagrin d’amour. Celui d’une reine repoussée par un prophète. Altesse d’Éthiopie, Tarbis, jadis, offrit son cœur à Moïse. Insensible à ses charmes, ce dernier, sans même le saisir, parvint à le briser. S’il était capable d’écarter les eaux de la mer Rouge, il pouvait aussi faire couler des torrents des yeux d’une femme. Inconsolable, celle-ci abandonna son trône pour sécher ses larmes par l’exil. Après avoir traversé fleuves et montagnes, elle mit fin à ses pérégrinations au pied des Pyrénées, sur les bords de l’Adour. Venue avec elle, Lorda, sa sœur, s’établit sur le Gave. Ainsi, en même temps que Tarbes s’éleva Lourdes. Désormais, et depuis belle lurette, les Hautes-Pyrénées ne comptent plus de reines, du moins officielles, parmi leurs atouts. Mais chaque année depuis 1983, on peut y trouver des Petits As. 

Véritable championnat du monde des douze à quatorze ans, le tournoi des Petits As se déroule la dernière semaine de janvier. Venus des quatre coins de la planète, les graines de champions poussent sur les courts du Parc des expositions de Tarbes. Chacun, par sa culture, sa langue, son style, sa personnalité peut sembler radicalement différent de son adversaire, mais un rêve commun les unit : éclore au point de devenir aussi grand et fort que les anciens participants. Ceux qui, au même moment, font crisser leurs semelles sur le dur de l’Open d’Australie dont les matchs sont diffusés sur l’écran géant du complexe. Garbiñe Muguruza, Simona Halep, Cori Gauff, Novak Djokovic, Rafael Nadal, Roger Federer, Dominic Thiem, Alexander Zverev… Performants à Melbourne en 2020, tous sont passés par la Bigorre à l’adolescence. 

Si Tarbaises et Tarbais ont la chance d’applaudir les futures stars du tennis, c’est à l’origine grâce à une idée de Jacques Dutrey. Travaillant dans un magasin de sport, il concrétise le concept avec deux partenaires mordus de tennis jusqu’au sang : Hervé Siméon, le mari de sa frangine, Claudine, et Jean-Claude Knaëbel, son patron, également à la tête de plusieurs supermarchés Leclerc dans la région. En 1990, Hervé est emporté par une foutue maladie à seulement 35 ans. Claudine, membre de l’organisation depuis la création, souhaite faciliter la continuité du tournoi et intègre la direction. Par la suite, elle se remarie. Avec Jean-Claude, que les drames de la vie ont aussi fait veuf. Les Petits As, c’est une histoire familiale émouvante digne d’être adaptée par Netflix pour toucher les spectateurs en plein cœur.

Succès populaire dès ses débuts, la compétition accueille d’abord quatre pays. Sur un court, devant une tribune pouvant recevoir 300 passionnés. « À la base, nous faisions des petits tournois locaux, expliquent Jean-Claude et Claudine. Nous sommes allés voir la Fédération, et nous leur avons expliqué que nous voulions créer un tournoi international minime. Parce qu’en mimine, ce sont encore des enfants mais ils jouent déjà très, très bien au tennis. L’idée leur a plu et ils nous ont donné les coordonnées de plusieurs pays : Espagne, Belgique et Tchécoslovaquie. La première édition s’est jouée avec ces trois nations, plus la France. Dès la première année, le tennis-fauteuil était présent. D’abord sous forme d’exhibition, puis c’est devenu une compétition. Aujourd’hui, c’est un Masters juniors (18 ans et moins, avec les huit meilleurs garçons du classement mondial, et les quatre meilleures filles). » 

© Les Petits As | Rafael Nadal, vainqueur en 2000, est l'un des chouchous des organisateurs.
© Les Petits As | Poing serré avec le pouce posé sur l'index : la marque de fabrique de Richard Gasquet depuis ses plus jeunes années. Il l'emporte en 1999.
© Les Petits As | Lèvres pincées, Andy Murray, finaliste 1991, essayait peut-être de prononcer le nom de son tombeur : Alexandre Krasnoroutskiy.

Plus on est de fous, plus on rit

Aujourd’hui, on dénombre 45 nationalités, 42 tournois pré-qualificatifs, deux phases de barrages internationaux – l’une aux États-Unis, l’autre en Asie –, 64 participantes dans le tableau final féminin, 64 côté masculin. Neuf courts sont répartis dans trois halls. Le principal comprend le central, dont la configuration pour les finales permet de recevoir 3 000 âmes, deux terrains sans couloirs, style vintage, et le village. Là où une odeur de sucre, gaufre, crêpe et autres gourmandises se mêle aux stands des exposants, vient titiller les narines d’enfants tout sourire au milieu des nombreuses activités. Escalade, trampoline, mini-tennis, simulateur de vol, tennis de table… Rien n’est payant. C’est l’un des principes fondateurs des Petits As. « Nous tenons à ce que l’entrée, les jeux, les places en tribunes, soient et restent gratuites du premier jusqu’au dernier jour », insiste Jean-Claude Knaëbel. 

Si cette philosophie tient, c’est en grande partie grâce aux bénévoles. Un essaim de 160 bénévoles qui travaillent sans ménagement pour la ruche. « Les journées commencent à sept heures, voire un peu avant, et se terminent après 23 heures », nous confie un membre de l’équipe des chauffeurs présent chaque année à Tarbes depuis plus de vingt éditions. Comme lui, beaucoup reviennent année après année. Leur mémoire grouille de souvenirs. « Monfils, c’était un sacré zigoto. Il mangeait tout le temps des bonbons et oubliait les papiers dans la voiture. Je lui disais : “Oh ! Faut ramasser !”Et il me répondait : “Oui, monsieur. Pardon, monsieur”, tout innocent. » En plus d’anecdotes rigolotes, certains sont riches d’expériences fabuleuses. À l’instar de Christian Prévost. En 2010, lors de ses débuts comme responsable de la réservation des entraînements après trois années en tant que standardiste, il devient le porte-bonheur de Borna Ćorić.

 « Il avait perdu en finale en 2009 (contre le Serbe Nikola Milojević, lui aussi devenu pro), se remémore celui qu’on surnomme la tour de contrôle. Il revient avec le statut de tête de série no 1 ou 2, et tombe contre un très grand Japonais au deuxième tour. Là, un copain me dit : “Si tu veux voir jouer Borna, dépêche-toi. Il a perdu le premier set et l’autre sert le plomb.” » Christian suit le conseil. Il va se mettre en tribune. Subitement, Ćorić « joue le feu et gagne 3 et 1 dans les deux manches suivantes ». Un peu plus d’une demi-heure après la victoire, le Croate vient voir Christian. Pour réserver un terrain, pense ce dernier. Mais non. « Mon père et mon coach boivent le champagne, ils voudraient que tu viennes trinquer avec eux », lui lance le jeune homme. Champenois d’origine, Christian ne peut refuser. « Dès que tu es arrivé, que tu l’as applaudi, mon gamin a complètement changé, lui dit alors le paternel. Si tu le veux bien, j’aimerais que tu sois assis à côté de moi à chaque match. » 

Avec grand plaisir, le surnommé « Kiki » accepte. Jusqu’en demi-finale. Le futur tombeur de Roger Federer en finale de Halle 2018 affrontant alors un Tricolore, il se sent obligé de prendre du retrait. « Je me voyais mal être vêtu de la tenue des Petits As pour soutenir un Croate sous les yeux du public français, justifie-t-il. Donc j’ai dit au papa que je regarderais depuis la passerelle (plus en hauteur, à l’écart des tribunes), pour que son fils puisse quand même me voir. » Charme rompu. Il s’incline contre Quentin Halys, qui soulève le trophée le lendemain. Sans rancune. En 2015, Ćorić reçoit une wild card pour l’ATP 250 de Marseille. Devenu proche de Nikola Horvat – l’ancien coach du natif de Zagreb – au point d’assister à son mariage, Christian reçoit une invitation de sa part. « J’ai sauté dans une voiture et j’y suis allé, s’enthousiasme-t-il. Borna a perdu au deuxième tour contre Gilles Simon (futur vainqueur), mais c’est un super souvenir ! » Tout comme ceux de Julia Bensoussan. 

© Les Petits As
© Les Petits As | Brenda Fruhvirtová et Oleksandr Ponomar, duo gagnant de l'édition 2020.
© Les Petits As | Comme sur le court, Martina Hingis, titrée en 1991 et 1992, sait déjà tout faire : tenir le bouquet par le bras, le trophée dans une main, le micro dans l'autre et garder le sourire pendant le discours. #CouteauSuisse

Borg contre Gerulaitis : la bataille de boules de neige

Traductrice des Petits As, c’est elle qui aide à gérer les demandes, le quotidien de Björn Borg et Vitas Gerulaitis lorsque ceux-ci débarquent pour une exhibition. « À la fin de leur séjour, je les ai déposés à laéroport, se souvient-elle. Puis Björn Borg m’a téléphoné pour dire qu’il y avait un problème avec le jet privé. Il trouvait les montagnes magnifiques et voulait profiter de ce retard pour aller skier. C’était une période de vacances scolaires et les routes étaient fermées, mais heureusement le préfet était à côté. Il a dit : “Ne vous en faites pas, on va ouvrir la route.” » Alors ils sautent dans une voiture, direction les pistes. « Un moment, il a fallu s’arrêter pour demander aux gendarmes de relever la barrière. Quand je suis descendue de la voiture, ils (Borg et Gerulaitis) ont fait pareil. Ils se sont mis à jouer comme des gamins en s’envoyant des boules de neige (rire) ! » Une fois arrivés, ils profitent des vastes étendues blanches. Mais le chauffeur, lui, ne peut attendre. Il doit redescendre. Au retour, il faut utiliser un autre moyen de transport.

« Pour partir, nous avons pris un hélicoptère, ajoute Julia. On s’est posé à l’aéroport de Lourdes, où un autre avion privé avait été envoyé. Borg m’a pris dans ses bras en me disant : “Merci pour tout.” Il m’a fallu une semaine pour m’en remettre (rires) ! » Cette folle journée date de 1988. Deux ans après les débuts de Julia comme bénévole, en 1986, l’année du sacre de Michael Chang. Au cours de la semaine, l’Américain se lie d’amitié avec une des filles de Julia, du même âge que lui. Il dîne chez les Bensoussan, fait des sorties avec eux. Les liens tissés sont d’une solidité telle que même le temps ne parvient pas à les desserrer. En mai 1988, Chang, seize printemps, joue son premier Roland-Garros. « Sa mère m’a téléphoné, raconte Julia avec toute la classe de son accent anglais natal. Elle m’a demandé si nous voulions venir, alors nous sommes montées à Paris. Il est allé jusqu’au 3e tour, où il a perdu contre John McEnroe sur le Court no 1. » 

La saison suivante, celle du sacre du « petit Michael », plus jeune vainqueur sur l’ocre parisien, rebelote. L’invitation est renouvelée. Julia et sa fille sont aux premières loges. « En finale, nous étions dans le box des joueurs, à côté de sa maman. C’était extra ! C’est quelque chose que je n’oublierai jamais. » Les directeurs des Petits As sont également de la fête. Quelques années auparavant, ce sont eux qui lancent une invitation au futur numéro deux mondial. De passage en Floride pour assister à l’Orange Bowl et repérer des jeunes talents, ils tombent sur Mme Chang. « Elle était en train de regarder jouer son fils, et j’ai dit à mon mari de l’époque (Hervé Siméon) : “Il faut que tu ailles la voir pour les faire venir à Tarbes”, détaille Claudine Knaëbel. Ça na pas été difficile de les convaincre, il y a eu un très bon contact humain », ajoute Jean-Claude. Résultat, en 89, cette relation privilégiée leur permet de braquer les projecteurs sur les Petits As. 

Curieux de savoir qui sont ces gens aux côtés de Betty Chang, les journalistes surgissent. Ils posent leurs questions en anglais et, surprise, les interlocuteurs répondent en français. Profitant d’une audience colossale, ils racontent leur histoire et font découvrir les Petits As au grand public. Le second coup de projecteur survient grâce au talent féminin le plus précoce de l’histoire : Martina Hingis. Avant de devenir la plus jeune gagnante d’un tournoi du Grand Chelem dans l’ère Open, à seize ans et presque quatre mois – seule Charlotte « Lottie » Dod sacrée à Wimbledon en 1887 fait mieux toutes époques confondues – et numéro un mondiale à un âge record deux mois plus tard, la Suissesse marque les esprits lors de son passage à Tarbes. 

 

Hingis et Chang, les projecteurs

« Elle est venue trois ans de suite, en avance par rapport à sa catégorie, les années de ses dix, onze et douze ans, rappelle Jean-Claude Knaëbel. Et elle fait le doublé 1991-1992 (avant même de fêter ses onze et douze ans, puisque née en septembre 1980)! » Julia Bensoussan, elle, garde en mémoire « une petite poupée à peine plus grande que sa raquette, très protégée par sa maman. Elle n’avait pas beaucoup de force, mais elle était très maligne. » « C’était un petit bouchon, ajoute Eric Wolff, cordeur du tournoi depuis la troisième saison, qui reste également marqué par une autre jeune fille. Kournikova (gagnante 1994) : petite emmerdeuse. Avec elle, attention ! Il fallait que le nœud (du cordage) soit toujours du même côté, que la raquette soit toujours cordée dans le même sens. Une casse-pieds. » La superstition, peut-être. Ou le souci du détail poussé à son paroxysme, presque obsessionnel, pour gagner le moindre pas possible sur le long chemin menant au haut niveau.

Tout au long de la semaine, les doigts d’Eric courent, dansent sans relâche pour accorder les instruments des jeunes virtuoses. « La veille du premier tour du tableau final, toutes les raquettes sont arrivées d’un coup, relate-t-il. J’ai cordé jusqu’à une heure du matin, il fallait que tout soit prêt pour le lendemain. » S’il n’a pas une minute pour regarder les matchs, sauf en fin de tournoi, il s’estime privilégié par le contact qu’il a avec les enfants. « Moi, j’ai gardé l’esprit gamin. Quand ils viennent me voir, c’est de la camaraderie. On fait des blagues. Ce sont vraiment de très bons moments avec eux ! » Néanmoins, Eric regrette la raréfaction de ces discussions badines. « Quelques années en arrière, on voyait tous les gamins dans les allées. Tout le temps. Ils étaient avec des glaces, des crêpes et compagnie. Aujourd’hui, ils sont tellement canalisés par leurs entraîneurs qu’une fois le match fini, c’est terminé, on ne les voit plus. On les met “à l’abris”. Mais c’est comme ça. C’est le professionnalisme, déjà, comme je dis. » 

« Cette évolution vers la professionnalisation est énorme, confirme Jacques Dutrey. Au départ, ils n’avaient qu’un coach pour les accompagner. Puis les préparateurs physiques, les agents sont arrivés, et maintenant, depuis quatre ou cinq ans, ils ont aussi des préparateurs mentaux. » Parce que le tennis est de plus en plus concurrentiel. Dure réalité mathématique : le nombre de places dans le top 100 ne change pas alors que la quantité de prétendants ne cesse de croître. L’importance d’un événement comme les Petits As, où tous les observateurs sont présents, couplée à la tension de la compétition, aux enjeux, peut générer une certaine nervosité. « Tu nous as volé le match ! C’est très moche ce que tu as fait, tu es un voleur ! », lâche un entraîneur pris de colère et de déception à l’encontre de l’arbitre à la suite de la défaite de sa joueuse.

Entre eux, les jeunes s’observent, se jaugent. “Why is he so tight? (« Pourquoi est-il si tendu ? »), glisse un espoir américain à un autre au sujet de l’attitude d’un des adversaires de double de leurs compatriotes alors en piste. Dans le hall principal, les rencontres sont filmées et vendues pour quinze euros. Certains futés en profitent. Ils achètent les matchs des rivaux et s’adonnent à des séances d’analyse tactique. Un truc d’entraîneurs, aussi. À Tarbes, ils vivent une expérience professionnelle et humaine essentielle. « Je suis venu avec le numéro un chinois de la génération 2006 – Jingpeng Tang –, qui a malheureusement perdu au deuxième tour des qualifications, mais je suis resté pour la suite », nous précise Jérémy Paisan, responsable des moins de 14 ans garçons au sein de la Rafa Nadal Academy. « J’observe le niveau international, parce que ça m’intéresse, et parce que l’académie me demande de regarder comment ça se passe. »

Aux Petits As, tout le monde apprend

« Je regarde tous les matchs, poursuit le Français de 24 ans pour qui le coaching est une vocation, une passion, depuis l’adolescence. Je veux voir ce qui se passe, me spécialiser encore plus, apprendre. Et je prends des informations pour l’académie. Un coach de tennis est tout le temps en formation. Il doit chercher à s’améliorer tous les jours. C’est ce que je pense, c’est ce que Toni (Nadal, directeur de l’académie) pense, c’est ce que tout le monde pense. Je suis là pour m’améliorer en tant que coach, mais aussi en tant qu’être humain. Je peux observer comment ça se passe selon les différentes cultures. Les Tchèques, par exemple, jouent super bien. C’est incroyable ce qu’ils sont en train de faire. Chez les filles, c’est monstrueux. » Bien vu. Trois jours plus tard, une Tchèque triomphe. Brenda Fruhvirtová, pas encore treize ans, succède à sa sœur, Linda, gagnante 2019. Une première dans l’histoire du tournoi.

Semblant capable de claquer une infinité de frappes en cadence avec la régularité d’une machine infaillible qui cherche constamment à déborder l’adversaire, Brenda, petite blondinette membre de l’académie Mouratoglou, doit quand même batailler dès les quarts de finale. Face à Sarah Iliev, meilleure Française de la compétition, elle efface une balle de quatre jeux à deux contre elle dans la dernière manche avant de finir par lever les bras, exténuée. « Les Petits As, ça permet de se mesurer à des joueuses qu’on n’affronte pas tous les jours et de prendre des repères par rapport à elles, analyse Sarah, gabarit léger au jeu malin fait de variations et d’amorties bien senties. On rencontre aussi de nouvelles personnes, on se fait de nouveaux amis. C’est une super ambiance. » Un avis partagé par le protégé de Jérémy Paisan. « Il (Jingpeng Tang) a vraiment apprécié, confirme son entraîneur. J’ai eu un très, très bon retour, y compris du papa qui m’a appelé pour relayer la joie de son fils malgré l’élimination précoce. » 

Chez les garçons, dont certains spécimens aux épaules robustes, comme le Français Théo Papamalamis, quart de finaliste, peuvent déjà faire siffler des premières balles à plus de 190 km/h, c’est Oleksandr Ponomar qui sort vainqueur. Ambidextre de quatorze ans jouant de la main gauche, le longiligne Ukrainien donne l’impression de ne jamais forcer le moindre coup. Grâce à ce style tout en relâchement, il est le premier représentant de son pays à remporter le trophée. Une coupe rappelant le Saladier d’argent, sans son socle lourd du poids de l’histoire, faisant office d’unique récompense. Ici, pas d’intérêt pécuniaire. Seul le prestige prime. Celui du titre officieux de champion du monde de la catégorie. « Les Petits As – Le Mondial Lacoste », tel est d’ailleurs le nom officiel du tournoi. « Nous avons souhaité nous associer à une épreuve de qualité qui rassemble l’élite de la jeunesse mondiale », nous éclaire la marque, partenaire-titre depuis 2015.

 « C’est le championnat du monde des douze à quatorze ans, le tournoi de référence de cette tranche d’âge. Il est synonyme d’excellence. C’est aussi une belle opportunité, pour nous, de rencontrer l’élite de demain. Être partenaire du tournoi, cest loccasion de transmettre les valeurs portées par René Lacoste. Cest important de se connecter à cette génération, à des jeunes que nous espérons retrouver sur de longues carrières. » Dans la cité où Tarbis termina son odyssée, les Petits As poursuivent la leur. Mais tous, comme l’ancienne reine d’Éthiopie, doivent fuir les prophètes. Ceux qui, sentencieux, annoncent en fonction des résultats de l’instant monts et merveilles ou désillusion assurée. Certains vainqueurs épastrouillants comme Carlos Boluda, auteur du doublé 2006-2007, n’ont jamais atteint la gloire prédite. D’autres, à l’instar de Roger Federer, participant « turbulent » – dixit Jean-Claude Knaëbel – battu au 3e tour en 1995, ont vite séché leurs larmes pour bâtir un empire d’une ampleur imprédictible. 

 

Article publié dans COURTS n° 7, printemps 2020.