fbpx

Vis mon rêve américain

© Tim Casey

Vivre le rêve américain, c’est ce que beaucoup de facs américaines permettent aux étudiants étrangers qui souhaitent goûter à l’expérience US. Leur meilleure porte d’entrée ? Décrocher une bourse sportive afin d’entreprendre des études universitaires tout en continuant à pratiquer leur passion. Un système qui permet d’accueillir des joueurs de différents niveaux : du joueur régional à l’espoir du tennis mondial, plus de 1 200 universités américaines recrutent, chaque année, des joueurs susceptibles de renforcer leur équipe.

 

Janvier 2009, j’ai 18 ans et avec mes quelques points WTA, certains coaches me conseillent de continuer sur le circuit pro, contrairement à ma maman, qui a toujours donné priorité aux études ! Je viens seulement d’entendre parler des opportunités de bourses pour partir aux USA. Après avoir été en contact avec cinq universités, et réduit mon choix à Duke et University of Florida (UF), j’ai rendez-vous avec le coach de UF à Roland-Garros. Quelques semaines plus tard, je prépare mes affaires pour traverser l’Atlantique et m’en vais vivre ce qui va s’avérer la plus incroyable expérience de ma vie…

Me voilà donc aux USA : les infrastructures me paraissent irréelles, un stade de football américain de plus de 90 000 places se situe au sein du campus ! Une semaine après mon arrivée, la première réunion officielle de l’équipe a lieu dans les vestiaires. Le coach nous explique sa vision, ses objectifs et ce qu’il attend de notre part… L’aventure tennistique peut alors commencer. Après avoir reçu un sac de voyage et un carton remplis de vêtements, un sac de tennis, des chaussures de tennis et de running, ainsi que six raquettes, je me dis que nous ne manquerons de rien !

Nous vivons une vie princière, mais à quel prix ? À l’encontre des idées reçues, la vie de student-athlete est plus exigeante qu’elle n’y parait : entre les sessions de fitness à 6h du matin, l’intensité des entraînements de tennis et la pression des matchs par équipe, le challenge est réel. Mais il en vaut vraiment la peine. En plus de l’opportunité de combiner son sport et ses études, l’expérience humaine est également enrichissante. Car toutes les personnes rencontrées et les amitiés créées, elles, n’ont pas de prix. 

© Tim Casey

Un tremplin vers le monde actif ou vers le circuit pro ?

Le circuit universitaire américain (NCAA) accueille plus de 480 000 student-athletes chaque année, tous sports confondus1. La plupart d’entre eux, américains ou étrangers, va terminer ses études, décrocher un diplôme, et commencer à travailler. En 2018, seulement 4,1 % des joueurs de baseball, de basketball et de football américain ont commencé une carrière professionnelle dans leurs sports respectifs. 

Néanmoins, le système mis en place afin de combiner études et sport de haut niveau reste le plus souvent un pari gagnant. Pour certains étudiants, il s’agit avant tout d’une garantie d’avoir un plan B si leur carrière sportive ne se déroule pas comme ils le souhaitent. Pour les autres, c’est l’opportunité rêvée de continuer à pratiquer leur sport dans un environnement optimal, le tout financé par l’université, tout en préparant leur avenir professionnel.

En tennis, deux anciennes joueuses universitaires sont actuellement dans le top 100 : Danielle Collins (42e à la WTA) et Jennifer Brady (70e  à la WTA). Danielle, la nouvelle star montante du tennis mondial, a terminé ses quatre ans d’études avant de se lancer sur le circuit WTA. « Ma famille n’avait pas beaucoup d’argent, donc si je pouvais recevoir une bourse, décrocher un diplôme universitaire et continuer à jouer au tennis, pourquoi choisirais-je de ne pas le faire ? »2 « Une année à University of Virginia (UVA) coûte plus de 50 000 $, et aller à l’université n’a pas de prix car nous y recevons un enseignement. Je ne veux pas juste être une joueuse de tennis. Je veux être prête pour ce qui m’attend après ma carrière sportive. Ça serait catastrophique d’être gravement blessée et de ne pas avoir de diplôme. De plus, faire partie d’une équipe est une expérience unique qu’une joueuse n’a pas l’occasion de vivre plus tard »3 explique Danielle. 

Chez les hommes, deux ex-universitaires se sont affrontés en demi-finale de Wimbledon cette année : Kevin Anderson et John Isner. À ces deux stars s’ajoutent quatre anciens joueurs universitaires figurant dans le Top 100 : Steve Johnson, Tennys Sandgren, Cameron Norrie et Mackenzie McDonald. 

Il fut un temps où les joueurs, les coaches et les parents étaient convaincus que participer au circuit universitaire américain signifiait l’abandon d’une carrière professionnelle de tennis. Aujourd’hui, ils prennent conscience que le sport universitaire constitue un véritable tremplin pour se lancer sur le circuit pro. Un raisonnement confirmé par de nombreux spécialistes : « 98 % des joueurs qui souhaitent devenir pro tireraient profit d’une carrière de tennis universitaire. N’ayant aucune garantie qu’un joueur ou une joueuse sera top 20 mondial, je pense que l’université aux USA est un super endroit pour devenir plus fort physiquement et mentalement »4 analyse Patrick McEnroe, ancien joueur professionnel et capitaine de Coupe Davis. John Isner a étudié 4 ans à University of Georgia (UGA) avant de se lancer sur le circuit ATP. C’est fort de cette expérience qu’il déclare que « devenir un joueur professionnel avant d’aller à l’université ne m’avait jamais traversé l’esprit. La décision à prendre était de choisir pour quelle université jouer. J’encourage les joueurs à participer au circuit universitaire avant le circuit pro : sachant que la moyenne d’âge dans le top 100 masculin est de 27 ans, les joueurs ont beaucoup de temps et se lancer sur le circuit ATP à 21 ou 22 ans n’est pas trop tard. »5

Steve Johnson, le joueur universitaire de référence de ma génération, a marqué l’histoire du College Tennis. En mai 2011, nous arrivons au championnat national à Stanford. Steve, qui termine sa troisième saison, a décidé de ne pas se raser la moustache jusqu’à la fin du tournoi. Vainqueur du championnat par équipe et en individuel, son slogan était clair : « Fear the Moustache ! » Avec une carrière universitaire unique en son genre, Steve reste à ce jour le meilleur joueur universitaire de tous les temps. Sacré champion quatre fois avec University of Southern California (USC) et deux fois individuellement, il détient le record du nombre de victoires d’affilées en simple : 72 ! Aujourd’hui sur le circuit pro, il est solidement installé dans le top 40. 

© Tim Casey

Un budget astronomique

Le budget d’une université américaine – qui peut atteindre plus de 100 millions de dollars par an – permet aux institutions d’investir tant dans les infrastructures que dans le staff et le recrutement d’athlètes. 

Les infrastructures colossales, quelque peu intimidantes à première vue, permettent ainsi aux joueurs d’évoluer dans des conditions optimales. Il en va de l’espace personnel dans un vestiaire commun muni de plusieurs douches, aux canapés ou à la salle de musculation et de soins, jusqu’au stade pharaonique : rien, absolument rien n’est laissé au hasard. 

Aux USA, dépenser un budget astronomique afin de devenir la meilleure équipe universitaire et remporter des titres nationaux, voilà qui ne semble pas tout à fait fou : les universités avec de bons résultats sportifs attirent non seulement les bons athlètes, mais également les autres étudiants. En effet, ces derniers suivent de près les performances des équipes de leur université, et ils aiment aller les encourager, fiers d’étudier dans une institution qui est bien classée dans différents sports. Après un super championnat national de basketball en 2013, les candidatures à Florida Gulf Coast ont augmentées de 27,5 %. Un résultat similaire a été constaté à Lehigh University en 2012. 

Dans les universités les plus renommées, les stades se remplissent régulièrement lors de rencontres des sports les plus populaires aux USA tels que le football américain et le college basketball. De bonnes performances lors des Bowl Games et March Madness, championnat national des deux sports respectifs, provoquent un réel engouement au sein des universités et dépassent les frontières du campus : les matches sont retransmis à la télévision et sont suivis par l’ensemble des amateurs de la discipline. 

Avec un salaire pouvant atteindre les six chiffres, dans les meilleurs programmes tennistiques, les universités se donnent aussi toutes les chances d’attirer un excellent head coach, l’un des éléments les plus importants pour devenir une Power House. Le coach est responsable de former son staff qui comprend, pour les mieux lotis, un coach assistant, un coach bénévole, un kiné et un team manager.

Au salaire de ce staff, le département athlétique doit également prévoir le budget pour les bourses des joueurs et des joueuses. En offrant une bourse complète, l’université prend à sa charge le loyer, les déplacements en compétition, les nuits d’hôtels et les repas, sans oublier le matériel tel que les sacs de voyages, sacs de tennis, raquettes, cordages et vêtements… Difficile de se plaindre dans de telles conditions !

Alors d’où ce budget provient-il ? Tout d’abord les universités génèrent différentes rentrées d’argent directement liées à ces activités : la vente des tickets pour certains sports tels que le football américain, le basketball et le baseball. Ensuite il faut compter avec les dons de boosters qui sont souvent des anciens de l’université. Puis il y a les droits de la télévision et du streaming. Enfin s’ajoutent le minerval des étudiants partiellement ou non boursiers, ainsi que le soutien des différents sponsors. À titre d’exemple, en 2017, University of Texas a généré de cette manière plus de 214 millions de dollars de revenus !

 

Un sport individuel ou un sport d’équipe ? 

À la faveur de son caractère collectif, le college tennis, incomparable avec le circuit pro, fait du tennis un véritable sport d’équipe. Le tennis, souvent perçu comme un sport individuel, y développe une toute autre dimension, plus humaine et plus altruiste. Les joueurs et les joueuses représentent désormais leur équipe et les enjeux s’en trouvent forcément différents. Car les étudiants et les étudiantes partagent durant ces quelques années plus qu’un sport : les entraînements de tennis et de fitness, bien entendu, mais aussi les voyages, les activités organisées par l’université et bien d’autres choses encore. Ils passent beaucoup de temps ensemble et deviennent naturellement plus que des teammates. Dans ces moments-là, gagner son match demeure bien entendu important, mais la victoire de l’équipe prime désormais. Le fait d’enfiler l’uniforme de son équipe et de s’aligner face à son public aux côtés de ses coéquipières procurent  un agréable sentiment de fierté. 

 

Un diplôme universitaire reconnu ou sous-estimé ?

Nombreux sont les étudiants étrangers que j’ai entendu critiquer le système universitaire américain. Souvent décrit comme plus ou trop facile, on se gardera de comparer des conceptions si différentes de l’enseignement. Peut-on d’ailleurs affirmer en Europe que nous avons de meilleurs ingénieurs, de meilleurs docteurs ou de meilleurs dentistes, pour ne citer que certains métiers ? 

Et puis, n’oublions pas qu’en tant que student-athlete, trouver une stabilité entre les études, le sport et la vie sociale relève bien souvent du challenge. Les universités en ont bien conscience, et mettent à disposition un centre académique et des conseillers afin de mettre en place un programme de cours adéquat qui se combine avec la saison de tennis. Des tuteurs sont également disponibles pour chaque branches et aident les étudiants à assimiler toute la matière avant les examens. Un système qui permet aux athlètes d’être aussi performants sur le plan académique. 

 

La meilleure décision de toute ma vie

Neuf ans après être arrivée à University of Florida, et avec un bachelier en finance et deux NCAA Championships en poche, je peux vous l’assurer : partir faire mes études aux USA était la meilleure décision de toute ma vie. Depuis, j’ai décroché un master en management sportif et grâce à ma super expérience aux USA, à mon réseau de coaches universitaires et à mon envie de partager mon expérience avec d’autres athlètes, j’ai créé Above & Beyond Connections. A&B6 est une entreprise qui donne la possibilité aux étudiants d’obtenir une bourse sportive afin de vivre, à leur tour, le rêve américain. Ayant vécu l’aventure et gardé contact avec de nombreuses personnes, j’offre aujourd’hui un service personnalisé à chaque athlète qui souhaite partir combiner son sport et ses études aux USA. Une manière pour moi de partager ma passion ! 

 

Article publié dans Courts n° 2, été 2018.

1 « Estimated probability of competing in professional athletics », www.ncaa.org

2 « She did it her way, and that’s why Danielle Collins will succeed on the WTA Tour », Aishwarya Kumar, 22 mai 2018, www.espn.com

« Getting to Know : Danielle Collins ready for impact », Courtney Nguyen, 12 mars 2018, www.wtatennis.com

4 « Patrick McEnroe : 98 percent of aspiring pros should consider college », Kamakshi Tandon, 23 juillet 2014, www.tennis.com

5 « Isner reflects on how college helped him succeed », Nina Pantic, 13 juillet 2018, Baseline.tennis.com

6 www.aboveandbeyondusa.com