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Un peu de silence, les joueurs sont prêts. Et alors ?

Federer fans Miami 2008
Des fans de Roger Federer à Miami en 2008, © Art Seitz

Le fameux débat du GOAT, un instant tué par Rafael Nadal, est plus vivant que jamais au lendemain du 7ème sacre de Novak Djokovic à Wimbledon. 22-21-20. Pas besoin de vous faire un dessin, vous savez qu’on ne parle pas des mensurations de Diego Schwartzman. Nous ne nous épancherons pas plus là-dessus puisque tout et n’importe quoi (surtout n’importe quoi d’ailleurs) a déjà été tweeté au sujet de Sa Très Gracieuse Majesté la subjectivité. Il y a bien plus important. Dimanche 10 juillet, c’est Nick Kyrgios qui nous a soufflé une problématique autrement plus sérieuse et quantifiable au moment où il perdait la deuxième manche par la faute (absolument, c’était l’unique facteur) d’une brave dame accusée d’avoir ingurgité « environ 700 verres » pour expliquer son état second. Une théorie du complot de plus en plus populaire prétend même qu’il s’agissait de Kate Middleton, ne pouvant supporter que les mimiques du Prince George lui volent la vedette une seconde de plus. Dans ce monde aseptisé qu’est devenu le circuit à l’ère du code de conduite, quand Kyrgios, Paire ou encore Ostapenko ne sont pas sur le terrain, c’est bien sûr dans les tribunes qu’il faut aller chercher l’essence perdue du tennis. Petit hit-parade des locataires de sièges en plastique les plus décalés de l’histoire récente.

Tiens, c’est rigolo ça : vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi le tennis était le seul sport (avec le billard, les échecs et la lecture en bibliothèque peut-être) dont les acteurs principaux sont proprement incapables d’exercer leur profession si le silence le plus absolu ne s’abat pas sur leur lieu de travail avant le moindre lancer de balle ? Comment se fait-il qu’une manchette, un slap shot, un penalty ou encore un lancer franc puissent être effectués proprement sous un concert de sifflets alors que le moindre pet de mouche (dont la déflagration est certes décuplée par les micros des télévisions) peut faire sortir un joueur de tennis de son match ? Tout cela prête évidemment à rire (sous cape, l’échange est engagé), mais il arrive tout de même que des éléments extérieurs perturbateurs d’une magnitude un chouïa supérieure défraient la chronique de la petite balle jaune.

« Madam, you’re delaying everything »

Pas de rain delay à Melbourne, la faute au toit et à l’été australien généralement torride et désespérément sec. Et pourtant le liquide coule tout de même à flot pendant la quinzaine, la température aidant. En 2021, c’est Nadal qui a fait les frais de l’humeur orageuse d’une spectatrice s’étant probablement fait servir plus qu’un doigt d’éthanol au cours de la journée (on imagine que Kyrgios aurait un nombre de verres plus exact à proposer, mais on n’y était pas). Tournoi du Grand Chelem oblige, c’est de son majeur qu’elle a salué l’Espagnol avant de se faire remettre à l’ordre par la sécurité.

Du plomb dans l’aile

Si à Wimbledon Rufus le Faucon vole dans les plumes du moindre pigeon intempestif, ce n’est pas le cas partout. Il n’est ainsi pas rare de voir un chat traverser le court à Moscou, à Rome ou à Istanbul ou de se retrouver nez à nez avec un iguane à Miami. Vous l’aurez compris, les spectateurs ne dénouent pas toujours les cordons de leur bourse pour prendre place dans les gradins. Mais attention, le vol (en rase-motte) ne paie pas. Jouer l’homme en double, par contre… Une hirondelle des antipodes l’a appris à ses dépens, fusillée par un coup droit de Michaël Llodra (avec deux ailes, si vous cherchiez encore un truc mnémotechnique) lors d’une demi-finale franco-française de l’Open d’Australie en 2002. Llodra et Santoro en profiteront pour clouer le bec de la paire Boutter-Clément et atteindre le septième ciel d’une finale majeure. Quand on dit qu’il faut faire des sacrifices pour atteindre le plus haut niveau…

« Excuse me, sir ? Monsieur ? S’il-vous-plaît ! »

A Monte-Carlo, même un an avant le début de la pandémie, on ne rigole pas avec les mesures d’hygiène. Ou alors on sait se montrer passif-agressif lorsqu’un match dure trop longtemps à son goût, c’est selon (au Rolex Masters, on ne plaisante pas avec les horaires). Toujours est-il que le 14 avril 2019, un premier tour très accroché entre Borna Ćorić et Hubert Hurkacz s’est trouvé interrompu en plein jeu par l’intervention en tribunes d’un membre (visiblement accrédité) du service d’entretien du stade armé d’un seau et de multiples balais et autres chiffons. En plus d’avoir toutes les peines du monde à localiser le lieu exact du sinistre, notre brave concierge ne semblait comprendre ni l’anglais ni le français d’un arbitre de chaise au bord de la panique. Voilà qui fait tache sur un Rocher qui a connu des anecdotes plus reluisantes. Malheureusement, l’histoire ne dit pas si notre intermittent du spectacle d’un jour a pris une brossée en coulisses. Ćorić, quant à lui, finira par briller jusqu’en quarts de finale cette année-là, battu par un Fognini à la recherche de son lustre d’antan.

« It can’t be that good ! »

La phrase est signée Frances Tiafoe au cours de son premier tour face à son compatriote Mitchell Krueger au Challenger de Sarasota en 2017. Le score est de 6-3 3-2 0-15 (Josh Levin, dans les colonnes de Slate attire notre attention sur le fait que le score de « love-fifteen » n’est pas innocent dans ce contexte) quand ce qui est d’abord identifié comme le son d’une vidéo pour adultes retentit dans le stade floridien. Que nenni. Après quelques minutes d’embarras général, il s’avère que les ébats sont bien réels et proviennent d’un appartement voisin dont les locataires avaient également prévu une night session, avec fenêtre (ouverte) sur court. Comme quoi l’antichambre (à coucher) du circuit ATP est aussi capable de provoquer son lot d’émotions. Le climax de ce paragraphe revient à Josh Levin qui en conclut que les deux hommes n’ont pas été particulièrement dérangés par ce « tennis interruptus ».

Winning streak 

Si la mode actuelle est à la fixation de certaines extrémités corporelles au bitume ou même au poteau soutenant le filet du Court Philippe-Chatrier, cela n’a pas toujours été le cas. Pas de colle rapide pour les activistes d’il y a une vingtaine d’années, et nul besoin d’acétone pour les déloger puisque c’est le plus souvent dans le plus simple appareil que ces agitateurs se présentaient sur le court. Comme Jimmy Jump avait fait figure d’exception lors de la finale de Roland-Garros 2009 quand il avait tenté – tout habillé – de coiffer Roger Federer d’un chapeau traditionnel espagnol, nous nous concentrerons sur le cas plus traditionnel de Melissa Johnson. Et quoi de plus traditionnel que prendre le Temple du tennis pour cible ? En 119 ans d’histoire, jamais Wimbledon n’avait connu de streaker avant la finale de 1996 entre Richard Krajicek et MaliVai Washington (croyez-le ou non, cela s’est reproduit à plusieurs reprises depuis). Melissa Johnson, serveuse de son état (voilà qui ne s’invente pas), a corrigé cette anomalie avec un véritable ace sur le Centre Court cette année-là. C’est vêtue uniquement de son tablier forcément d’un blanc immaculé que la demoiselle de 23 ans à l’époque a choqué la Royal Box. Elle passera le reste de la finale au poste et son employeur lui demandera ensuite de rendre son… enfin de présenter sa démission.

« How much money do you have ? »

Certains spectateurs ont un sens de la tradition encore plus aigu que Mlle Johnson puisqu’ils décident de passer devant Dieu avant de songer à se dénuder. En effet, lors de cette même édition 1996 de Wimbledon, un incorrigible romantique décidait de demander Steffi Graf en mariage au beau milieu de sa demi-finale contre Kimiko Date (une foule de jeux de mots plus misérables les uns que les autres se bousculent dans notre esprit, ne nous tentez pas). L’occasion pour l’Allemande de montrer qu’elle n’est pas seulement la plus grande joueuse de simple de l’histoire, n’en déplaise à Margaret Court et Serena Williams, mais qu’elle se défend plutôt pas mal non plus en termes de répartie. « How much money do you have ? », lance-t-elle à son admirateur éperdu. Si Andre Agassi était dans les environs du stade ce jour-là, il n’est pas étonnant que la réponse l’ait poussé à se tenir coi pendant 5 ans avant de tenter lui-même sa chance, lui qui venait de perdre au premier tour du tournoi et s’apprêtait à plonger jusqu’à la 141ème place mondiale 16 mois plus tard…

« What did you say you lost ? »

Les spectateurs en live c’est sympa, mais si le covid nous a appris une chose, c’est bien que les stades pleins, c’est surcoté. L’important c’est quand même qu’on puisse voir les matches depuis son canapé, si possible à portée d’avant-bras du frigo. L’arbitre de chaise ne perdait donc pas le nord au moment où la caméra principale du duel de l’année (voire du siècle) entre Emil Ruusuvuori et Mikael Ymer au troisième tour du tournoi de Miami 2021 décidait de partir en vrille. En effet, les 17 fans (à vue de nez) présents en tribunes ne semblaient pas représenter suffisamment de parts de marché pour continuer à jouer sans tenir compte de l’audimat potentiellement stratosphérique drainé par cet affrontement au niveau planétaire. C’est donc 3 minutes (ce qui n’est jamais qu’un cinquième d’une pause toilette serbe à deux sets à zéro en sa défaveur) de hiatus qui ont été offertes aux deux protagonistes de ce derby nordique. La détermination du Finlandais à battre son collègue suédois (« il ne passera pas l’Ymer », l’aurait-on entendu maugréer) est néanmoins restée intacte puisqu’il finira par s’imposer en trois manches, le tout retransmis en direct et en mondovision bien sûr.

À ce qu’on dit, l’été sera chaud. Ne passez pas à côté de l’occasion de vous rafraîchir.