La bière des champions
Par Thomas Gayet
Imaginez la scène : vous venez de perdre au tie-break du troisième contre un marathonien qui fait des ronds du fond en célébrant chacune de vos fautes d’un « Come on ! » avec accent. Non content d’être déçu, non content d’être furieux, vous êtes en nage, car il fait 40 degrés à l’ombre. Une envie d’oublier mêlée à une soif intense. Et là, vous la voyez.
Imaginez un peu : vous venez de remporter un double tendu avec votre meilleur pote qui enchaînait les doubles fautes mais vous a sorti d’affaire grâce à un ace sur seconde que personne n’attendait. Vous êtes nerveusement épuisé et prêt à porter aux nues celui qu’il y a deux secondes vous vouliez clouer au pilori. Une envie de célébrer mêlée à une soif intense. Et là, vous la voyez.
Vous l’aurez compris, on parle d’une bière, même si on parle encore et toujours de tennis. Tout comme celui d’amortie-lob, l’abus d’alcool est dangereux pour la santé mais enfin de quand on a soif, autant se faire plaisir. Et c’est précisément ce que proposent Kevin Didion et Jonathan Lanero, deux amis belges (ça ne s’invente pas) passionnés de tennis et de houblon glacé.
I have a dream
Ils jouaient l’un contre l’autre avant de s’associer, aussi peut-on imaginer que leur envie de faire leur bière est née autour d’un verre d’après-match. Cela dit, ils n’avaient pas imaginé associer leurs deux passions. L’idée – brillante – est venue en rêve à Jonathan alors que les deux compères, pandémie oblige, avaient remis aux calendes belges leur projet de créer leur bière. Quand certains, la nuit, survolent la voie lactée, quand d’autres se rappellent qu’ils ont oublié de payer l’URSSAF, Jonathan, lui, se prend à rêver de bière bien fraîche aux accents de tennis. E que s’apelorio la 15A. Jonathan parle de son rêve à Kevin et, pour une fois que le récit d’un rêve s’avère intéressant, Kevin écoute. On ne peut pas lutter contre son destin : leur bière sera tennistique ou ne sera pas. La 15A est née, du moins sur le papier.
Objectif zéro déchet
Rappelez-vous de ce que vous répétait votre prof de tennis : pour gagner, il faut remettre la balle dans le court, éviter les déchets. Une maxime retenue par Kevin et Jonathan qui, dès le départ, tenaient à ce que leur création s’accorde avec leurs valeurs. Cette 15A à imaginer devait être réalisée en circuit court avec des ingrédients belges, préférentiellement bio, et être écoresponsable. Il leur fallait dès lors trouver le brasseur en phase avec cet engagement pour fabriquer la bière dont ils avaient imaginé la recette. Chasse fructueuse : Pierre Lamarche serait leur brasseur. Avec un curseur poussé encore plus loin puisque les résidus de sa brasserie sont collectés pour nourrir des animaux ou réutilisés par des boulangers. Rien ne se perd, tout se transforme.
Côté recette, Kevin et Jonathan pensent, là encore, tennis. Quelle serait la bière idéale, celle que l’on rêverait de boire après un match disputé ou pour célébrer une victoire ? Un profil se dessine : une bière blonde, artisanale, légère, très rafraîchissante, légèrement amère.
Mais la bière parfaite se mérite. Pendant six mois, en 2021, les deux amis testent différentes variantes, jusqu’à trouver l’équilibre parfait. La bière est prête. Encore faut-il trouver des convives pour la boire.
Avancer à son rythme
En quelques semaines, Kevin et Jonathan s’attaquent à l’administratif et à la communication. Ils imaginent un logo, un site Internet, montent la société et protègent leur création. Et se mettent en quête de clients potentiels.
Fidèles à leurs valeurs, ils n’imaginent pas la 15A fleurir sur les étals de la grande distribution. Leurs premiers clients sont les clubs de tennis, cibles naturelles et premiers ambassadeurs de cette bière du tennis. En quelques semaines, la 15A trouve sa place à la buvette d’une vingtaine de clubs de la région de Liège, avec un succès immédiat : un petit club de trois courts en a vendu dix cartons en à peine un mois. La 15A plaît, et ce n’est que le début de l’histoire.
À la faveur d’un partenariat avec l’Association francophone de tennis en province de Liège, la petite société devrait trouver de nouveaux clubs partenaires, clubs comme tournois. Avec comme objectif à moyen terme de devenir la bière officielle du tennis belge. Mais Kevin et Jonathan se gardent bien de brûler les étapes. Leur jeune structure n’a pas encore les épaules pour assurer une distribution d’envergure même si le marché français est également dans leur viseur. Pour l’heure, l’aventure doit rester un plaisir.
Un plaisir bientôt décliné avec deux nouvelles bouteilles dans les cartons. D’abord la 30A, une bière triple qui ne déplairait pas à Benoît Paire, puis une autre, fruitée, dont le nom reste encore à trouver (vos idées sont les bienvenues). Et dès juillet, la bière du tennis lancera sur son Facebook un concours pour permettre à ses abonnés de remporter une caisse.
À ce qu’on dit, l’été sera chaud. Ne passez pas à côté de l’occasion de vous rafraîchir.