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Plan de frappe avancé,

raquette à la traîne

Roger Federer, Wimbledon 2021, © Antoine Couvercelle

Si vous vous demandez comment Roger Federer peut fouetter la balle et envoyer des frappes rapides, lourdes et sûres sans donner l’impression de se fatiguer. La réponse est dans le relâchement et le fameux “lag”, qui n’a rien à voir avec une mauvaise connexion internet. Voyons ce que cache ce mouvement et comment le mettre  en pratique. 

Qu’il s’agisse de Federer ou d’autres joueurs professionnels, la crispation limite grandement les chances de performances au tennis. Car une grande vitesse gestuelle nécessite une grande élasticité. Il est question de biomécanique, et plus particulièrement de coordination entre les différentes parties du corps.  La vitesse de balle ne dépend pas seulement du poignet, du bras, ou encore du haut du corps. Elle résulte d’une  transmission coordonnée de l’impulsion prise au sol par les jambes.  

Il faut s’imaginer faire la vague, mais qui allant des orteils jusqu’au bout des doigts qui tiennent la raquette.  Pour qu’elle soit efficace, cette chaîne nécessite de la souplesse, et donc du relâchement. Et cela, qu’il s’agisse  de la rotation des épaules à la préparation, ou bien du balancement de la raquette par le corps à l’impact (façon  de parler, prenez soin de vos cadres). Car tout mouvement parasite ou toute zone de crispation sur le chemin  de cette impulsion va compromettre la vitesse gestuelle.  

Pouvant même entraîner un cercle vicieux chez le joueur en quête de puissance qui forcera davantage avec le bras pour compenser son manque de souplesse. 

Cela peut d’ailleurs avoir des conséquences physiques plus ou moins sérieuses. 

Il peut s’agir d’un manque d’endurance et d’une fatigue prématurée lors d’un match, mais aussi d’une exposition accrue à un risque de blessure. Federer a su préserver son corps à l’aide de sa souplesse, au point d’atteindre les quarts de finale de Wimbledon à près de 40 ans. 

Les fatigues chroniques peuvent se transformer en véritable blessures, à l’image du tennis-elbow pour ne citer  que lui.  

Alors que vous voyez votre agile adversaire partir avec le trophée sans avoir l’air de s’être foulé, vous vous dites en vous tenant le coude : « Mais y’a rien qui part avec cette raquette !!! ». 

Si vous êtes dans ce cas là, faites connaissance avec le “lag” avant de changer de matos.   

Le « lag », c’est quoi? Ce n’est pas l’ennemi numéro 1 des pros au premier tour, appelé « jet lag ». C’est tout simplement  le « retard », le « décalage » de la tête de raquette par rapport à la main précédant l’impact. Il est suivi par un  mouvement de fouet qui, additionné au transfert d’énergie par le corps, produit une vitesse de tête de raquette élevée. 

Nous parlerons ici du lag en coup droit à une main, mais il est aussi présent avec quelques nuances sur les autres coups. 

Roger Federer, Wimbledon 2021, © Antoine Couvercelle

Si vous n’êtes pas familiers avec ce concept, imaginez devoir jeter une balle le plus loin possible avec votre main.  Il est fort probable que vous vous retrouviez naturellement avec le coude devant la tête et la main derrière en  position d’armement. Vous bénéficiez alors de cet effet élastique qui part de l’épaule en passant par le coude qui se déplie, puis le poignet avant d’arriver aux doigts. C’est le principe de la « vague » évoqué précédemment.

Pourquoi est-ce important avec une raquette ? Parce-que cela augmente la vitesse de balle en réduisant l’effort, et donc la fatigue.  

Le poignet a une position de stabilité, qui lui permet de supporter des forces en étant relâché. La main forme alors un angle d’environ 90 degrés vers l’arrière. Et ce dès le déclenchement de la frappe.  

C’est cette position stable qui entraîne un retard de la tête de raquette. Cela implique d’avoir un plan de frappe suffisamment avancé pour envoyer la balle dans la bonne direction malgré l’angle d’ouverture du poignet. Posez votre main horizontalement sur un mur (qui représente la direction où frapper) et cherchez cet angle de poignet  de 90 degrés sans décoller la main (et sans vous faire mal). Voilà une idée de l’avancement du plan de frappe  optimal. Cela peut sembler contre-intuitif, mais il faut garder à l’esprit l’idée de « balancer » la tête de raquette.  Ce « lag » arrivera naturellement en étant relâché.  

L’erreur qui peut être commise en frappe de coup droit est de vouloir serrer la raquette après l’armement, dès le déclenchement de la frappe. Ce qui occasionne une grande perte d’élasticité et donc de vitesse gestuelle, de perte de puissance.  

En plus de ça, le manque de mobilité du poignet empêche des mouvements de brosse (pour lifter) ou de correction au contact de la balle.  

La durée de l’impact avec la balle est très réduite par rapport à la durée de la frappe (du déclenchement à l’accompagnement). Il est alors conseillé de serrer davantage le manche à ce moment précis si le besoin de stabilité  se fait ressentir. Et de relâcher immédiatement après pour l’accompagnement.  

C’est une fraction de secondes difficile à se représenter, mais il est possible de travailler dessus. Avant d’arriver à ce niveau d’ajustements, il existe des exercices simples pour se familiariser avec le lag. 

Roger Federer, Wimbledon 2021, © Antoine Couvercelle

En voici deux particulièrement simples. Avant de s’y pencher, soufflez un bon coup, détendez-vous. Il est question de relâchement, donc rappelez-vous à quel point c’est amusant de jouer au tennis.  Le premier exercice est utile pour se familiariser avec le relâchement de la main.  

Il s’agit de limiter le nombre de doigts sur le manche pour ressentir la gravité que subit la raquette et s’en servir pour frapper le plus efficacement possible. 

Faire des échanges avec 2, 3 ou 4 doigts sur le grip limite la force que l’on a pour serrer le manche et amène naturellement à favoriser des trajectoires fluides pour la tête de raquette. Avant que l’on s’en rende compte, le relâchement du poignet occasionne le fameux « lag ». 

Le second sert à prendre conscience du retard de la tête de raquette.  

Il suffit de prendre une serviette (grande de préférence) à son extrémité, et de positionner ses pieds face au filet, les épaules tournées à 90 degrés côté coup droit. Les bras tendus et alignés (la serviette touchant presque le sol à cause de la gravité).  

A partir de cette position de départ, il faut effectuer une rotation en gardant les bras tendus et les pieds au sol.  Le but est d’essayer de frapper une balle imaginaire.  

Cet exercice force à allonger et à accompagner la frappe. Il rend plus palpable le poids de la tête de raquette. Et avant que l’on s’en rende compte, le plan de frappe (de l’extrémité libre de la serviette) est avancé. 

En somme, ce n’est pas ça qui vous donnera le coup droit de Federer, mais vous pourrez générer des effets beaucoup plus facilement, profiter d’un gain de puissance avec des efforts musculaires réduits. Ce qui représente une grande diminution du risque de blessures ou de fatigue chronique. Mais surtout plus de confort dans le jeu, amenant donc plus de plaisir et de performances. 

Seul bémol à cela, vous ne pourrez plus accuser votre tennis elbow de vous avoir fait perdre un match.

Roger Federer, Wimbledon 2021, © Antoine Couvercelle