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Noah Rubin
En mission

©Peter Wald

Avec Behind the Racquet, compte Instagram à succès, le jeune joueur de tennis américain offre la possibilité aux différents acteurs de son sport de raconter leur histoire. Tout en continuant de batailler pour atteindre le top 100.

Netflix n’a plus les faveurs de Noah Rubin. Le joueur de tennis new-yorkais a délaissé la plateforme américaine pour un autre passe-temps : Behind the Racquet.Janvier 2019. L’Américain, alors âgé de 22 ans, lance un compte Instagram. Pour lui, les joueurs et joueuses de tennis sont souvent réticents à confier publiquement leurs émotions, leur histoire : enjeu de sponsors parfois, pression permanente liée aux réseaux sociaux souvent. Mais Rubin en est persuadé : son sport est en train de mourir. « Le tennis ne grandira pas si on ne connaît pas les joueurs en tant que personnes. » Par ce canal, il veut offrir un espace aux différents acteurs du tennis et se mettre à hauteur d’hommes et de femmes, non de joueurs et de joueuses. « Je ne savais pas comment ça évoluerait, ce que les gens allaient en penser… » Rubin se livre le premier, sur sa peur de constamment décevoir ses proches. Accompagné d’un portrait avec le tamis de sa raquette qui recouvre son visage.

 

Un pionnier

Derrière la raquette : la solitude, la tristesse, le bonheur parfois. Entre autres histoires, le décès de la mère de Darian King, le bégaiement d’Ernesto Escobedo, l’AVC de la mère de Jamie Loeb… Rien ne nous est caché. Noah Rubin a été particulièrement bouleversé lorsque Jolene Watanabe, atteinte d’un cancer, a voulu que son histoire soit partagée sur son compte avant de mourir en juin 2019. « Ça m’a laissé sans voix. Que les gens consacrent du temps pour moi, c’est incroyable. » Le petit garçon de Long Island est un pionnier qui a saisi une opportunité. Celle d’offrir aux acteurs du tennis un espace pour s’exprimer. « Pionnier ? Je le suis en partie, oui », concède-t-il avec modestie, avant de poursuivre : « Quand j’ai pensé à l’idée, je me suis dit : ‘’C’est triste que ça n’existe pas déjà !’’ »

Une opportunité qui séduit, mais surtout aide la centaine de personnes rencontrées à ce jour. « Merci Noah de me donner la chance de raconter une partie de mon histoire que je cachais et avec laquelle je n’étais pas l’aise », avait réagi Taylor Townsend sur Twitter après avoir fait part de son mal-être par rapport à son poids.

Améliorer la santé mentale

Plus d’un an après, le désormais populaire compte Instagram possède plus de 28 000 abonnés, son site internet s’est diversifié avec du podcast – The Coffee Cast avec le journaliste américain Mike Cation – et sa ligne de vêtements en édition limitée (99 pièces) est quasiment écoulée. Preuve qu’il a visé juste.

Quand Noah Rubin n’est pas sur un court de tennis, il pense, vit et dort pour Behind the Racquet, qui le passionne et occupe le plus clair de son temps. Alors, forcément, les idées fourmillent. L’Américain voit en BTR un « potentiel de développement sans limites. Ce n’était pas l’idée de départ, mais évidemment, vu comment les choses avancent, BTR peut devenir sans aucun doute une entreprise dans le futur et même très rapidement ».

Un business qu’il n’a pu faire grandir seul. Il s’est entouré, en plus de son agent, d’un chef de projet, d’un webdesigner et d’un photographe, qu’il rémunère à la mission, avant de leur octroyer un pourcentage en cas d’éventuels bénéfices. Nul doute qu’il y en aura. Pour l’heure, il investit 10 % de ses revenus de joueur de tennis dans sa création.

 

Un rêve de film

Il attend désormais des investisseurs : « On est en discussion pour en trouver. » Toutes ses idées verraient alors le jour. D’abord sa ligne de vêtements qu’il a arborée à Melbourne, où il s’est incliné au premier tour des qualifications. Ensuite, le développement de sa collaboration avec Talkspace, une plateforme de thérapie en ligne et des stages pour enfants et joueurs sur le bien-être mental. Sans oublier ses projets artistiques : la sortie d’une série documentaire d’ici à l’US Open et l’ouverture d’une galerie d’art – une autre de ses passions – à New York pour une association caritative.

Rubin ambitionne même d’écrire un livre et de réaliser un film d’ici une dizaine d’années. « Le tennis n’est pas très bien diffusé à la télé. Je veux montrer à quel point c’est un sport formidable. »

Noah Rubin se sent investi d’une mission. Mais pas question de perdre de vue son objectif sur les courts : entrer dans le top 100. « Avec une équipe aussi motivée autour de moi, je me donne toutes les chances d’atteindre cet objectif. » Seulement voilà, au lancement de BTR, il était 123e mondial ; il est désormais au-delà de la 200e place et n’a plus de coach à l’année, de sa propre initiative. Il réfute tout lien. « Je peux être top 100 et m’occuper de Behind the Racquet. Je ne pense pas que l’évolution de mon classement ait quelque chose à voir avec ça. J’étais en difficulté avant Roland-Garros et BTR m’a aidé à apprécier de nouveau le tennis, j’ai une meilleure mentalité sur le court, j’aime ce que je fais. »

Un homme nouveau qui, à 23 ans, a déjà des idées très claires sur son après-carrière. Pas compliqué : «Behind the Racquet est un projet dont je pourrai m’occuper pour le reste de ma vie. Je suis chanceux, je n’aurai peut-être pas de job à trouver après ma carrière de tennisman », estime l’Américain, conscient d’avoir créé « quelque chose ». « Je crois tellement en BTR : c’est quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs. C’est incroyable, c’est pour ça que j’y crois énormément. BTR peut s’étendre à tous les sports, pour aider les gens, leur donner de l’espoir, pour que ça devienne un vrai moyen pour eux de livrer leurs émotions, leurs ressentis. Ça peut prendre bien plus d’ampleur que ça n’en a aujourd’hui. Aider au bien-être psychologique, parler de ces sujets poignants : il y a beaucoup à faire. » La révolution menée par Noah Rubin ne fait que commencer. 

 

Article publié dans COURTS n° 7, printemps 2020.