Le tennis pour dépasser le handicap
Par Arthur Delaye
Rafael Nadal, Novak Djokovic et Stan Wawrinka figurent aujourd’hui parmi les légendes du tennis moderne et du sport.
Par leurs performances respectives, aux quatre coins de la planète, Stan the Man, le Djoker et le roi de la terre enchantent leurs fans au quotidien en usant chaque jour de leurs cartes maitresses.
Au-delà des aspects purement sportifs, Rafa et Novak et Stan sont des personnalités différentes aux qualités humaines extraordinaires qui rappellent qu’une légende est bâtie sur un palmarès et une personnalité hors du commun.
En tant que fan de tennis en situation de handicap, atteint d’une paralysie cérébrale, je m’inspire depuis l’enfance de ces joueurs iconiques aux parcours singuliers. Ils me permettent de livrer mes combats personnels en m’appuyant sur leurs forces et d’aimer profondément le tennis. Mes objectifs sont simples : Profiter de chaque moment sur le court et partager le terrain avec les plus grands champions de l’ATP.
Sur les courts, je pratique le tennis adapté assisté d’un coach en région parisienne, une fois par semaine. Je dois ici rendre hommage à mon coach Filipe qui m’accompagne depuis 9 ans dans cette aventure sportive faite de passion et de travail. A l’entraînement la maxime de Rafa « Work hard, have fun and make it happen » résonne en permanence dans mon esprit
Dans ma vie la maladie se caractérise par des douleurs et des raideurs musculaires multiples, des difficultés de coordination du mouvement. Elle nécessite un traitement et 2 à 3 séances de kinésithérapie par semaine. Avec ces contraintes, difficile de m’imaginer jouer au tennis, et pourtant c’est mon activité favorite.
Au quotidien j’ai à cœur de partager sur les réseaux ma manière de jouer pour montrer que rien n’est impossible et qu’il appartient à chacun de poursuivre ses rêves. Je crois profondément à l’inclusion par le sport. Le sport a le pouvoir de fédérer les citoyens et d’offrir une espace d’épanouissement qui éclipse les difficultés du quotidien.
Ces dernières années j’ai toujours cru en mon étoile, celle du tennis qui éclaire ma vie et j’ai pu déjà réaliser un certain nombre d’accomplissements. Pour Courts Mag, je partage mes expériences en espérant qu’elles pousseront des jeunes à croire de nouveaux en leur rêve quelle que soit leur condition social ou sanitaire.
Rafael NADAL est ma première source d’inspiration, mon idole, le modèle sportif de ma jeunesse.
Souffrant d’une infirmité motrice et cérébrale depuis ma naissance, j’ai découvert Rafael Nadal à l’âge de 6 ans lorsque les opérations chirurgicales et les séances de réadaptation à l’hôpital s’enchainaient aux rythmes des matchs de Roland-Garros. Rafa, a alors 19 ans et fait preuve d’une combativité exemplaire pour sortir coup sur coup Richard Gasquet puis Sébastien Grosjean. Je me souviens parfaitement de ces rencontres dominées par un jeune homme des Baléares qui brillait par sa volonté et par la puissance de ses grands coups liftés.
Plus tard, soucieux de ma réussite scolaire malgré mon handicap et de ma participation aux cours d’éducation physique au collège puis dans l’enseignement supérieur, l’Espagnol est alors apparu comme un modèle de travail et d’implication sur le chemin de la réussite.
Mon parcours semé d’embuches face au système éducatif pas encore engagé dans l’inclusion m’a demandé de la résistance et du courage pour réaliser mes objectifs. A cet égard, la légendaire combativité du majorquin était une immense source d’inspiration en accord avec ma propre éducation. A l’occasion de Roland-Garros 2019, après des années d’espérance j’ai eu la chance de rencontrer Rafa après la finale remportée face à Dominic Thiem. Cette rencontre à 21h27 au crépuscule et au cœur du court Philippe-Chatrier reste pour moi un immense moment d’émotion.
Rafa m’inspire pour pratiquer mon sport en conservant une attention particulière à ma progression. J’apprécie son style de jeu en puissance mais je m’attache toujours à rappeler que le Majorquin a une main magique, c’est un volleyeur exceptionnel. Mon séjour de 4 jours en Espagne au sein de la Rafa Nadal Academy en février 2022 a ici constitué un aboutissement comme l’opportunité de vivre encore ses rêves malgré la maladie. L’Académie m’a ainsi offert la possibilité d’apprécier de nouveau un moment magique avec Rafa pour partager notre passion commune du tennis et lui exposer ma manière de pratiquer. Cette visite m’a aussi montré que derrière un champion exceptionnel d’une gentillesse incroyable, il y a une équipe bienveillante et pleinement au service du champion. Je garde en mémoire les échanges riches avec Rafael Maymo, son physiothérapeute avec qui nous avons parlé kiné et les conseils tennistiques fondés sur le plaisir et le travail qu’a pu me prodiguer l’oncle Toni. Rafa prête une attention particulière à la question du handicap à travers les actions de sa fondation et l’accueil d’initiative favorisant la pratique sportive comme moteur de l’inclusion sociale. Cette rencontre avec Rafa réunit un garçon aux jambes atrophiées et au pied plat sévère (comme Rafa) et un champion impressionnant remarquable pour la puissance de ses frappes et sa combativité à nulle autre pareil.
Novak Djokovic est le symbole de la surprise. Après Roger Federer, Novak Djokovic est l’autre grand rival de Rafael Nadal, pourtant, j’ai toujours apprécié sa spontanéité. Son empathie certainement renforcée par son passé tumultueux au milieu des bombes l’amène à s’engager dans des causes sociales et au service de l’inclusion. Nole n’hésite pas à utiliser son écho médiatique pour faire la promotion du para-sport. Il affiche ainsi régulièrement sa proximité avec l’ex-joueur de tennis fauteuil Dylan ALCOTT lors de l’Open d’Australie ou avec l’argentin Gustavo FERNANDEZ qui figure parmi les meilleurs joueurs du monde de tennis-fauteuil. Son partenariat avec Lacoste l’a amené à valoriser dans sa communication la nouvelle collection vestimentaire développée par l’athlète handisport Théo CURIN. Lors du tournoi de Dubaï 2020 auquel j’ai assisté, peu de temps avant l’explosion de la crise sanitaire, Novak Djokovic a pris le temps de partager un moment sur le court avec des enfants lourdement paralysés. Il a ainsi à cœur de partager sa passion à travers des moments où il est possible d’oublier la maladie et les difficultés de la vie ne serait-ce qu’un instant.
Novak Djokovic m’a ainsi offert lui aussi plusieurs souvenirs inoubliables dont le dernier en marge des Internationaux de France de Roland-Garros 2022. Grace à mon travail acharné sur les courts, Novak a fini par repérer l’une de mes vidéos de joueur en situation de handicap physique que je poste régulièrement sur les réseaux sociaux pour tenter d’attirer l’attention des champions et véhiculer modestement un message d’espoir pour dire que la passion l’emporte sur tout le reste. Le Serbe m’a contacté par les réseaux un soir où je terminais mes révisions d’examen pour me proposer une rencontre.
C’est ainsi que j’ai pu retrouver le numéro 1 mondial en salle de presse à l’issue de son succès au 2e tour. J’ai ainsi été marqué par la générosité immense de Djokovic, son attention et la communication qu’il a faite au grand public au sujet de notre meeting. Je garde précieusement en mémoire ses conseils sur la nécessité de continuer de travailler dur sur les terrains pour atteindre ses rêves. Je dois ici rendre hommage à son agente la discrète et formidable Elena Cappellaro.
Dans cette rencontre il y avait une différence saisissante et amusante, un décalage entre moi, le jeune fan amateur passionné par le jeu au corps cabossé et la personnalité de Djokovic qui représente à mes yeux le joueur parfait sur le plan physique comme en témoigne sa souplesse inégalable dans le monde du tennis. Cette opposition se retrouve aussi dans nos styles. Alors que ma mobilité limite considérablement mon endurance dans les échanges et ma capacité à jouer des revers recouverts (j’utilise davantage le slice) je me retrouve face à l’homme qui a fait de la ténacité du fond du court sa marque de fabrique et de son revers, un coup signature admiré par tous les observateurs.
Novak m’a promis dans son tweet qui a suivi ce moment de partage que nous finirons par échanger quelques balles un jour ensemble. Partager le terrain avec les plus grands joueurs de la planète constitue mon rêve le plus ultime, j’espère y arriver un jour.
Que dire enfin de Stan Wawrinka ou plutôt Stan The Gentleman. Comme rappelé plus haut, je rêve de taper des balles avec les meilleurs joueurs de la planète. Lors du Rolex Paris Masters j’ai donc tenté de toucher le champion suisse. Pour moi le niveau qu’il avait affiché en finale de Roland-Garros 2015 pour s’adjuger la Coupe des Mousquetaires restent l’un des plus beaux chefs-d’œuvre de ces dernières années. Stan est très proche de ses fans et surtout assez fréquemment connecté sur les réseaux. C’est ainsi que 48h après avoir posté quelques images en exprimant mon désir de défier Stan au RPM, Stan the Man m’a contacté en MP pour concrétiser ce rêve fou avant son entrée dans le tournoi.
Lundi 30 octobre à 16h30, accompagné de Stéphan Brun coordonnateur des relations avec les joueurs à la FFT, qui fait un merveilleux travail depuis 30 ans, j’ai pu rejoindre Stan sur son court d’entraînement. J’assistais, émerveillé à cette préparation d’avant match qui demande beaucoup de concentration. Stan travaillait son service kické et la cadence dans la diagonale de revers à une main. Ce revers quel beauté ! On voyait là le travail tactique mis en œuvre pour tenter de battre Dominic Thiem en night session. Le Suisse m’a alors permis de taper quelques balles avec lui sur les dix dernières minutes de l’entraînement. Quel moment magique ! Stan c’est un grand gamin, 38 ans avec un esprit de 17 ans. Les fans le surnomment « Stanimal », pour moi c’est le gros nounours adorable de bonne nuit les petits qui vous dit faites de beaux rêves et mais qui finalement réalise vos propres rêves en toute simplicité. Je l’aime et l’admire et n’aurai jamais assez de mots pour le remercier de cette délicate attention.
Rafael Nadal, Novak Djokovic et Stan Wawrinka m’ont inspiré et offert des moments magiques. A l’heure d’achever l’écriture de cette article, me viennent à l’esprit les mots inspirants prononcés par Novak Djokovic en soulevant son 22e titre en Grand Chelem raisonnent encore en moi : « Rêvez en grand, osez rêver, ne laissez personne vous enlever votre rêve ».