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Le sportswear vintage monte au filet

© Presse Sports

Cela n’aura échappé à personne : la mode est à l’athleisure, qui se traduit par une sophistication du style sportif. Aujourd’hui, on va à la salle comme au bureau, en baskets. Le sportswear et son successeur, le streetwear, s’invitent dans les dressings les plus chics : il n’est plus incongru de porter des sneakers avec un costume bien taillé pour aller bosser, pas plus que de sortir en pantalon de training à bandes ou en survêt satiné. Mais attention, si cette tendance est nette, il s’agit de rester chic en arborant les logos ad hoc. De nombreuses marques historiques du tennis exploitent le filon, à l’image de Fila et son nouvel ambassadeur Björn Borg. Petit tour d’horizon du retour vers le futur des marques du passé.

 

En éternel balancier qui revisite les musts passés, la mode ressort régulièrement des pièces du placard. Les équipementiers sportifs suivent le mouvement en revisitant leurs classiques. Depuis quelques saisons, les années ‘80 et ‘90 s’invitent au sommet de la hype, amorçant le retour des bombers, des tee-shirts amples et des sweats à capuche barrés de logos ostentatoires et autres jeans taille haute, délavés neige ou non. On annonce même le retour des Buffalos pour compléter le tout.

Il en va de même sur et en dehors des terrains de tennis. Sergio Tacchini, Diadora, Fila, Ellesse ou Le Coq Sportif, des marques iconiques du sport, un temps reléguées aux oubliettes, profitent de cet attrait de nos années collège pour séduire les jeunes et moins jeunes en quête de cool, loin des sentiers trop battus par Nike et Adidas.

Comme dans les années ‘90, ces marques de sportswear imprègnent la culture pop, hip-hop et street. Le groupe TLC hier, comme Beyoncé ou Rihanna aujourd’hui s’affichent par exemple en Fila. Et dès 12 ans, on vendrait père et mère – étonnés de ce revival – pour avoir des baskets siglées de la marque italienne. Par ailleurs, toutes surfent sur la vague du vintage classique ou fluo, avec des collections aussi modernes que nostalgiques.

Outre l’attrait pour ce qui différencie, ce grand retour de marques évanouies a pris son véritable élan en 2016 lorsque le styliste Goscha Rubchinskiy les a affichées au Pitti Uomo, grand-messe du chic masculin à Florence. « Jusque-là, ces équipementiers s’étaient peu aventurés du côté de la mode et c’est ce qui fait qu’ils ne sont pas « usés » par les multiples rééditions. Mieux encore, Rubchinskiy a su leur redonner l’attrait de la nouveauté », confiait en juin dernier au Figaro Guillaume Steinmetz, cofondateur de la boutique multimarques parisienne The Broken Arm. Voici comment les équipementiers ont saisi la balle au bond.

cash (pat)

FILA 

La marque fondée en 1911 dans le Piémont par les frères Fila a connu son heure de gloire avec Björn Borg et, dans une moindre mesure, Boris Becker qui portaient haut sur les courts son logo bleu blanc rouge. Comme souvent dans l’histoire de l’équipement sportif, les rappeurs français ou américains comme P.Diddy, LL Cool J ou Tupac (et ses mythiques Fila 96GL) s’en sont emparés pour en faire une icône du streetwear. Après avoir chaussé et habillé des générations de jeunes cools dans les années ‘90, la marque a pourtant fini par disparaître des radars au tournant du millénaire. Avant d’effectuer son grand retour dans les années 2010.

Rachetée 450 millions de dollars en 2007 par un groupe sud-coréen, la marque de sport italienne est revenue sur le devant de la scène en rééditant ses plus grands succès, dont la Disruptor à semelle crantée, très recherchée des fashion victims. La collection Héritage, quant à elle, rend hommage au passé désirable de la marque avec des survêts, bonnets, sweats, salopettes, casquettes, jupettes et baskets siglés du logo d’origine qui affiche plus ou moins sobrement son initiale ou se placarde en toutes lettres. 

En 2015, Fila concluait une collaboration avec Urban Outfitters nommée « Wes Anderson inspired », du nom du cinéaste américain trendy. Parmi les modèles, on retrouvait la mini-jupe plissée de tennis, notamment. Derrière cette stratégie marketing soigneusement orchestrée, l’objectif de Fila était de se faire connaître auprès d’une clientèle trop jeune pour avoir connu sa grande époque. Un retour dans le sport et la mode soigneusement orchestré et affirmé en 2018 au travers d’un nouveau partenariat avec Björn Borg comme ambassadeur de la marque. Près de 40 ans après sa (dernière) victoire à Wimbledon lors d’un duel d’anthologie face à John McEnroe, Fila a d’ailleurs réédité son célèbre bandeau.

 

Sergio Tacchini

À la fin de sa carrière de tennisman international, Sergio Tacchini fonde à Florence une marque de vêtements à son nom, comme René Lacoste et Fred Perry avant lui. Le Transalpin est le précurseur de la couleur sur la tenue des joueurs de tennis, alliée à l’élégance italienne. Le 5 juillet 1980 est une date mémorable de l’histoire du tennis. Borg et McEnroe s’affrontent lors du match des géants, et à travers eux deux équipementiers phares : Fila, partenaire du placide Suédois, et Sergio Tacchini, sponsor du nerveux Américain.

Autre icône transalpine des courts de tennis et des cours de récré dans les années ‘90, la marque éponyme du joueur italien a également périclité au crépuscule du siècle dernier. Au bord de la faillite, la marque est rachetée en 2008 par le Chinois Ngok Yan Yu. Il investit personnellement 27 millions d’euros pour récupérer les actifs de Tacchini, injecte ensuite 33 millions pour relancer la marque et promet d’ouvrir 200 magasins. 

Tacchini doit également son salut à l’attrait des années ‘90 exploité par le styliste Gosha Rubchinskiy. Lors de son défilé printemps-été 2017 à Florence, il dépoussière les enseignes italiennes (Fila, Kappa, Tacchini) : cette association « moitié bitume, moitié haute couture » tapera dans l’œil des fashionistas. À peine mise en vente, l’édition limitée du designer russe était aussitôt épuisée.

Côté court, Tacchini, longtemps associé, au fil des générations, aux pointures du tennis (Jimmy Connors, John McEnroe, Pat Cash, Pete Sampras, Novak Djokovic) refait une timide incursion sur les circuits masculins (Müller, Klizan, Robredo) et féminins (Strycova, Makarova, Bondarenko).

Ellesse

Née en 1959 à Pérouse, Ellesse doit son nom aux initiales de son fondateur, Leonardo Servadio. Il n’était pas joueur professionnel, mais grand amateur de tennis et choisit donc comme logo une moitié de balle. C’est pourtant par ses tenues de ski que l’homme d’affaires s’est fait connaître à la fin des années ‘60, avec un pantalon stretch technique et performant. Au début des années ‘80, il conquiert les courts en embarquant avec lui des légendes du tennis comme Boris Becker, Chris Evert et Guillermo Vilas - sans oublier les circuits de Formule 1, avec Alain Prost.

Reine du sportswear dans les années ‘90 comme ses compatriotes Fila ou Sergio Tacchini, la marque est aussi tombée progressivement dans l’oubli avant d’être reprise par le groupe britannique Pentland et de connaître un nouveau souffle à la faveur du retour du vintage sportif.

 

Le Coq Sportif

Fondée en France en 1882, la marque au drapeau tricolore rehaussée d’un coq chantant était au départ une marque de bonneterie, reconvertie dans le sport en 1920. L’équipementier devient célèbre en habillant les coureurs du Tour de France, l’équipe de France de rugby, l’équipe mythique de l’AS Saint-Étienne, l’Argentine de Maradona championne du monde en 1986, mais aussi Yannick Noah lors de sa victoire à Roland-Garros en 1983. Comme la Stan Smith, l’Arthur Ashe du Coq Sportif porte le nom d’un joueur de tennis que seuls les puristes identifient encore comme tel, et pas seulement comme un modèle de baskets mythiques ou le court central de l’US Open.

Dans le giron d’Adidas depuis 1974, l’entreprise française périclite à la fin des années ‘90 face à la concurrence mondiale. C’est le rachat en 2005 par le fonds suisse Airesis qui va accélérer son retour au premier plan. La marque bénéficie également du développement du sportwear en entreprise. Ainsi, selon une étude de Kantar, les ventes de chaussures de sport ont bondi de 32 % en 5 ans. à l’inverse, les volumes de ventes de costume ont chuté de 40 %, ceux de la cravate de 38 % et des escarpins de 9 %.                                                    

 

Article publié dans Courts n° 1, printemps 2018.