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Finale de haute volée

© Arnaud Kool

Souvenirs d’une finale d’anthologie à Wimbledon en 1990 qui a vu s’affronter Boris Becker et Stefan Edberg pour la troisième année consécutive.

 

L’une des plus belles rivalités de l’ère Open

Boris Becker et Stefan Edberg totalisent 90 titres sur le circuit ATP, parmi lesquels douze victoires en Grand Chelem, quatre Masters et six Coupe Davis. Les deux anciens numéros 1 mondiaux se sont affrontés 35 fois entre 1984 et 1996. Et si les chiffres sont largement à l’avantage du joueur allemand (25 victoires pour 10 défaites), le joueur suédois a toutefois remporté trois de leurs quatre confrontations directes en Grand Chelem, dont deux finales à Wimbledon (1988 et 1990), ainsi qu’une demi-finale à Roland-Garros en 1989. La même année, Becker signait lui son troisième et dernier succès à Wim, après avoir infligé à son plus grand rival un cinglant 6-0 dans le premier set. Edberg tiendra sa revanche quelques mois plus tard en s’imposant en finale du Masters. 

 

Des styles et des personnalités opposés

Becker explose en 1985 lorsqu’il remporte Wimbledon à 17 ans. Il est alors le plus jeune vainqueur d’un tournoi du Grand Chelem. Il devient aussi, l’année suivante, le plus jeune joueur à conserver son titre dans un tournoi majeur. L’Allemand est un précurseur dans son pays tandis que le Suédois, malgré un style de jeu aux antipodes, est le digne héritier de Borg et Wilander. En 1985, celui qui est à ce jour le seul joueur à avoir réalisé le Grand Chelem chez les juniors signe lui aussi sa première victoire dans la cour des grands. Il remporte alors à 19 ans son premier Open d’Australie. Les deux amis sont des adeptes du service-volée. Edberg, qui peut compter sur un touché de balle tout en délicatesse, une volée de revers inégalable et l’un des plus beaux revers à une main du circuit, suscite immédiatement l’admiration des amateurs de beau jeu. De son côté, Becker est un athlète complet. Il impressionne avec un service qui dépasse pour la première fois les 200 km/h et qui lui vaut le surnom de « Boum Boum Becker ». Mais au-delà d’être le premier gros serveur du circuit, sa confiance en lui et sa combativité sont exemplaires. À l’image de ses plongeons au filet devenus sa signature, son tennis presque mécanique est percutant et spectaculaire. Si Edberg, plus introverti, est un modèle de fair-play et d’élégance, un vrai gentleman sur les courts, Becker est plus fantasque et plus exubérant mais tout aussi respectueux de ses adversaires. Les deux attaquants ont un autre point commun : ils ne remporteront jamais Roland-Garros.

 

Jamais deux sans trois

En 1990 à Wimbledon, peu importe la récente victoire d’Ivan Lendl (no 1 mondial) au tournoi du Queen’s, Boris et Stefan, respectivement 2e et 3e au classement ATP, sont les grands favoris. Le Suédois ne laisse d’ailleurs aucune chance au Tchécoslovaque en demi-finale. Il se qualifie en trois sets pour sa troisième finale d’affilée au All England. Becker, dans son jardin, est également au rendez-vous. Nous sommes le 8 juillet et le tennis s’apprête à vivre une de ses plus belles finales ! Dès les premiers échanges, Edberg se montre agressif au filet et enchaîne les retours de service parfaits. Au sommet de son art, l’esthète propose un récital. « Monté sur coussin d’air », il danse sur le court pour distiller sa volée de revers et ses lobs liftés. Le meilleur relanceur du circuit ne peut rien contre le virevoltant Suédois qui conclut les deux premiers sets 6-2 6-2. Boris, le tourmenté, expliquera plus tard qu’il s’était présenté groggy sur le Center Court, encore sous l’emprise de somnifères pris la veille. Mais le tenant du titre n’a pas dit son dernier mot. Il trouve les ressources mentales pour inverser la tendance et remporter les deux sets suivants 6-3 6-3. La belle se jouera donc au meilleur des cinq manches. L’Allemand, regonflé à bloc, profite de ses coups droits dévastateurs pour breaker et mener 3-1. Les spectateurs se régalent. Les échanges, en quatre ou cinq coups de raquette maximum, se déroulent à une vitesse folle et l’on comprend que c’est Edberg qui est le meilleur volleyeur. Plus vif et plus présent au filet, il recolle aussitôt à 3-3 avant de faire le break pour s’offrir à 5-4, le droit de servir pour le match. Pouvant compter sur une excellente première balle, il résiste à la pression de conclure et remporte le set décisif 6 jeux à 4. 

Les amateurs de tennis ne le savent pas encore mais ce jour-là, ils viennent d’assister à l’un des derniers véritables matches de service-volée ! 

 

Article publié dans COURTS n° 5, été 2019