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Voyage au centre de la terre

© Brett Gradel

Théâtre du premier gros rendez-vous de la saison sur ocre, le Rolex Monte-Carlo Masters est une étape attendue et incontournable dans le calendrier. À quatre mois du lancement de la 115e édition du tournoi, le prestigieux Monte-Carlo Country Club nous a ouvert les portes de son paradis terrestre lors de l’intersaison en décembre. Sous son doux soleil hivernal, le MCCC vit au rythme des balles échangées entre ses adhérents et des semelles crissantes de plusieurs stars du circuit, venues répéter leurs gammes avant de s’envoler pour Melbourne. Immersion sur le Rocher et ses relations privilégiées avec l’ATP, où modernité et tradition se confondent depuis plus d’un siècle.

 

Tous les aficionados de la balle jaune qui ont eu la chance de se rendre en Principauté pour y découvrir le Masters 1000 de Monaco vous diront la même chose. Ce tournoi est définitivement à part. Bien gardé derrière les murailles de pierre qui l’entourent, le cadre idyllique du Monte-Carlo Country Club se découvre. Nichées au pied du Rocher, où il n’est pas rare d’apercevoir des parapentes virevolter depuis les tribunes, les terres battues rougeoyantes du MCCC sont bordées par le bleu céruléen de la Méditerranée. Le tout sous les rayons du soleil ardent de la Côte d’Azur. Bref, un véritable jardin d’Eden tennistique planté au beau milieu de la French Riviera. « Je me souviens d’une anecdote amusante partagée avec le directeur de Wimbledon qui a pour habitude de venir assister au tournoi. Si je lui reconnaissais bien volontiers que son Grand Chelem était le temple du tennis, je lui disais qu’il ne pouvait pas avoir le Queen Mary 2 (ndlr : un célèbre paquebot de 345m de long) à seulement quelques centaines de mètres du club ! », raconte entre deux éclats de rire Alain Manigley. 

© Franck Follet

La S.M.E.T.T. : la société derrière le succès du Rolex Monte-Carlo Masters 

Président de la S.M.E.T.T. depuis 2005, (la Société Monégasque pour l’Exploitation du Tournoi de Tennis), il dirige l’entreprise qui s’occupe d’organiser le Masters 1000 de Monaco : « Nous avons une petite activité en Principauté où l’on s’occupe notamment du tirage au sort du tournoi, d’exhibitions, d’événements promotionnels comme le traditionnel gala de la Grande Nuit du Tennis qui se déroule dans la Salle des Etoiles du Sporting Monte-Carlo. Il y a un tas de manifestations de ce genre mais le volume principal de notre activité se situe à Roquebrune sur les terrains du Country Club », détaille le patron de la société. Et comme le rappelle si bien celui qui est « presque né ici », les deux entités composent main dans la main pour proposer le meilleur des accueils et des rendez-vous à ses acteurs. « Notre société est en charge de tout ce qui touche au marketing et au sponsoring. Tout ce qui était impossible à assumer pour une association. Ce qui n’empêche pas cette dernière d’être collaboratrice de la S.M.E.T.T. sur le plan technique ainsi que pour l’entretien des courts. Nos 21 terres battues sont refaites fréquemment avec le plus grand soin. » 

Les plus fins observateurs l’auront remarqué en se baladant dans les allées du site de 35 000 m2. L’éclat de l’ocre monégasque est rigoureusement identique à celui de la Porte d’Auteuil. Une qualité 100 % Grand Chelem acquise grâce au travail de fourmi des agents d’entretien du club, sans cesse sur le qui-vive. Autre particularité qui contribue grandement au charme de l’événement, la facilité d’accès aux courts d’entraînements ainsi que leur extrême proximité entre eux. Les joueurs de tennis seraient-ils relégués au rang de banals individus au pays du tapis rouge et des célébrités ? Difficile à dire mais toujours est-il qu’il est parfaitement normal à Monaco de jongler avec le coup droit bestial de Rafael Nadal sur le 7, son terrain fétiche, et un Novak Djokovic décontracté répétant ses gammes de revers sur le court voisin, pendant que le reste du Top 10 règle la mire à seulement quelques mètres de là. Le tout avec une vue imprenable et dégagée sur toutes ces stars. Une situation qui relèverait du plus grand des fantasmes à Roland-Garros où la moindre apparition d’un top player entraîne de véritables émeutes dans les travées. 

 

À la fois club et tournoi : les deux facettes du MCCC 

Dans les années 60, Željko Franulović était un de ces joueurs. 5e mondial à son top, le Yougoslave, quand cette nation existait encore, avait fait vibrer le public parisien en 1970 en atteignant la finale contre le Tchécoslovaque Jan Kodeš (défaite 6-2 6-4 6-0). « À cette période, j’ai commencé à obtenir des bons résultats en me frottant à plusieurs légendes du circuit comme Rod Laver, John Newcombe ou Tony Roche », se remémore le vétéran au revers à une main toujours aussi élégant. Quelques mois avant son magnifique parcours Porte d’Auteuil, le spécialiste de la terre s’était illustré sur le Rocher en remportant le tournoi, avant d’en devenir le directeur quatre décennies plus tard : « Après quelques années passées au sein du management de l’ATP, j’ai repris le leadership du Masters 1000 de Monte-Carlo en 2005. » 

Avec une affluence moyenne de « 135 000 spectateurs » et une année record enregistrée en 2017 pour la Décima de Rafa Nadal, le rendez-vous monégasque connaît un franc succès depuis sa création en 1928. À seulement dix kilomètres de la première bourgade italienne, le tournoi est envahi le temps d’une semaine par une armada de Transalpins. Où que vous soyez, des gradins du Court Rainier III à ceux du Court des Princes, particulièrement apprécié des puristes, en passant par les travées du complexe, cette touche de Commedia dell’arte parfume l’atmosphère de ce Masters 1000 pas comme les autres. Pour le plus grand plaisir de son plus fidèle représentant, le théâtral Fabio Fognini, dont l’applaudimètre à Monaco est identique à celui de son roi Rafael Nadal. « J’ai souvent dit que j’avais l’impression de jouer ici comme si j’étais à domicile étant donné que nous sommes très proches de l’Italie. C’est aussi l’occasion de voir ma famille et mes amis qui ne voyagent pas le reste de l’année », avait lâché le voisin du Monte-Carlo Country Club (Fabio est né à Sanremo, à seulement une heure de route du MCCC qu’il connaît par cœur depuis son adolescence), lors du tirage au sort de l’édition 2020. L’année précédente, le fantasque Italien levait les yeux au ciel, hilare, en remportant le plus gros trophée de sa carrière face à Dušan Lajović dans un central en fusion aux airs de San Siro. 

Bijou d’esthétisme, le Court Rainier III fait partie des enceintes les plus majestueuses de la planète tennis. Avec sa capacité de 10 000 places et ses quatre tribunes étendues, le stade offre une vue sans égale sur les stars du circuit et sur l’onde argentée de la Méditerranée qui se reflète derrière eux. Mais pour obtenir un résultat aussi somptueux, cette configuration particulière demande une sacrée prouesse architecturale en amont. « La compétition se déroule dans un club de tennis, d’où la nécessité de le transformer en peu de temps en site d’un des plus prestigieux Masters 1000 du circuit. Nos équipes commencent donc les travaux de cette métamorphose à peu près deux mois et demi avant le début du tournoi en montant les tribunes de divers courts et en construisant une multitude d’espaces dédiés à nos joueurs, sponsors, médias et visiteurs (villages VIP et public, restaurants, zones d’animations pour les enfants, etc.) », explique Željko Franulović avant que son associé Alain Manigley ne surenchérisse : « Parmi les grands tournois du monde, nous sommes les seuls avec Wimbledon à être un club qui abrite un grand événement tennis. C’est une spécificité rare. » Une singularité, parmi tant d’autres, qui fait du Rolex Monte-Carlo Masters « the place to be » pour tous les passionnés de tennis au mois d’avril.

© Antoine Couvercelle

Un club de tennis (presque) comme les autres 

Quelques mois avant de devenir l’épicentre de la planète tennis et d’inaugurer la saison sur terre battue, le même écrin est à peine reconnaissable dans sa forme traditionnelle. Tapis dans l’ombre du village publicitaire et des différentes tribunes lors de la dizaine monégasque, les terrains cachés du Monte-Carlo Country Club se dévoilent sous la douceur du mois de décembre. Entouré par les imposantes tribunes latérales, Italie et Monaco, durant le mois d’avril, le Court Central partage son emplacement de choix le reste de l’année avec deux autres terres battues. D’ailleurs, sur l’une d’entre elles se dessine une silhouette bien connue du tennis français. Celle de Virginie Razzano. Retraitée des courts depuis 2018, la Dijonnaise a vite renoué avec ces derniers en enfilant la casquette d’entraîneuse pour sa reconversion. Forte de son expérience d’ancienne 16e joueuse mondiale, Virginie fait partie des huit moniteurs et professeurs de tennis du MCCC. Ce jour-là, elle dispense un cours individuel à l’un des 2067 licenciés de l’association. 

« On connaît le club par le prisme de son événement phare et prestigieux, le Rolex Monte-Carlo Masters, mais il ne faut pas oublier que c’est avant tout un club de tennis comme les autres, avec des structures de pratique conçues pour le bien-être des joueurs », rappelle son directeur Eric Seigle. Classé -4/6 à 18 ans, le Niçois de naissance a fait ses classes aux États-Unis dans une université en Californie pour parfaire son bagage tennistique et professionnel : « J’étais un des premiers joueurs français négatifs à partir aux USA. C’était novateur à l’époque, cela n’existait pas. » De retour de son périple chez l’Oncle Sam avec un double diplôme en poche, Eric Seigle travaille d’abord sur Nice avant de saisir une opportunité en or qui se présente à lui : « J’ai été recruté par le Monte-Carlo Country Club en 1998. J’ai été d’abord attaché de direction, directeur-adjoint puis enfin directeur principal. » Depuis 2018, celui qui a succédé à Francis Truchi, l’ancien maître emblématique des lieux, tient les rênes d’un Country Club dont la vie est bien plus riche qu’il n’y paraît. « Notre club est similaire en tous points à n’importe quelle autre association en France. Nos adhérents sont licenciés à la FFT ainsi qu’à la fédération monégasque. Nous avons une école de tennis le mercredi avec une section tennis et une section tennis multiactivités. Tout cela regroupe environ 200 enfants. » Pour les plus motivés d’entre eux ainsi que les moins jeunes, un traditionnel tournoi intermembres en simple et en double est organisé « entre mai et septembre ». En plus de cette compétition amicale, le MCCC abrite également deux épreuves officielles amateurs, l’une au mois de juillet, « un Open junior qui rassemble 350 participants entre 9 et 16 ans », et l’autre au mois d’août « limitée aux troisièmes séries » qui comporte autant d’inscrits. Sur le volet compétition, le club monégasque est aussi présent sur tous les fronts comme le souligne Eric Seigle : « Que ce soit chez les messieurs ou bien les dames, on participe aux championnats par équipe en Seniors Plus. Nous avons aussi une équipe masculine engagée en Nationale 1 ainsi qu’une équipe féminine en Nationale 3. »

Si le MCCC est bien représenté dans les sphères du tennis amateur, il est également le berceau de plusieurs compétitions mondiales dans l’ombre de son Masters 1000. « Depuis octobre 2021, la Fédération monégasque de tennis organise au Country le Tennis Europe Junior Masters qui rassemble les huit meilleurs joueurs du circuit, garçons et filles, de moins de 14 ans et de moins de 16 ans. Enfin, nous allons accueillir également une épreuve de Coupe Davis au mois de mars », précise le directeur du club presque centenaire. 

 

Un patrimoine historique légendaire 

Il est d’ailleurs l’heure de poursuivre la visite guidée de ce dernier. Toujours bercé par cette quiétude hivernale, il est tentant de profiter du panorama à la table du restaurant « Le Club House » qui longe le chemin principal. Quelques mets raffinés plus tard, la promenade peut reprendre en direction d’un autre endroit incontournable du complexe. Placardé sur un pan entier de mur, le grand tableau du tournoi qui retrace l’édition précédente est impossible à rater. Inscrit en lettres dorées, le nom de Stefanos Tsitsipas, couronné en 2021, est désormais lié à jamais à l’histoire de Monaco. En remportant ici le premier Masters 1000 de sa carrière, le Grec a rejoint le panthéon des légendes qui se sont imposées sur le Rocher. Ilie Năstase et son triplé de 1971 à 1973, le doublé de Björn Borg en 1979 et 1980 et celui de Guillermo Vilas les deux années suivantes… Bref, un palmarès XXL qu’une des façades du club-house énumère par ses gravures. 

Ce souffle du passé est une des composantes principales de l’architecture des lieux. Et c’est au premier étage du bâtiment qu’il est le mieux conservé. En effet, c’est ici que l’on retrouve les vestiaires dames et messieurs qui n’ont pas bougé d’un iota depuis la construction de l’édifice en 1928. Le bois orne toujours les casiers encore étiquetés des joueurs de jadis. Tout un symbole pour ce temple du tennis qui porte un héritage historique aussi grand que les champions qu’il a vus naître. 

« C’est un tournoi de longue date qui remonte à 1897 pour sa première édition », se remémore Alain Manigley qui est aussi secrétaire général du Monte-Carlo Country Club. Avant cela, le « Lawn Tennis de Monte-Carlo », le tout premier club de la Principauté, a été inauguré sur les caves de l’Hôtel de Paris en 1893. Après un premier déménagement en 1905, le club change à nouveau d’adresse seize ans plus tard en raison de l’expansion urbaine et immobilière de la ville. « Il a été déplacé à Beausoleil au-dessus d’un garage automobile doté de trois courts. Il portait le nom de la Festa Country Club », conte l’encyclopédie du tennis monégasque avant de continuer son récit : « On y a vu Suzanne Lenglen et de nombreux autres champions de l’époque s’y succéder. » 

Avec son style inimitable sur le court, la « Divine » séduira un riche mécène américain, George Pierce Butler, passionné de tennis. À tel point que le milliardaire jugera le Club de la Festa indigne de son talent : « ll lui faudrait un écrin à la hauteur de son statut de star et non pas le simple toit d’un garage », lâche-t-il à l’époque. « Il était en profonde admiration devant Lenglen. C’est pourquoi il a décidé, en convainquant les autorités de la ville, de créer un grand club prestigieux doté d’un environnement magnifique », explique Alain Manigley. C’est ainsi que le Monte-Carlo Country Club a vu le jour en 1928, inauguré en grande pompe par Son Altesse Sérénissime le Prince Louis II de Monaco. 

Quelques décennies plus tard, la fille Butler, Gloria, reprend dans les années 70 l’œuvre débutée par son père. « Elle est parvenue à préserver ce club malgré l’érosion du temps. Grâce à elle, celui-ci a pu survivre et mieux encore, il n’a cessé d’évoluer et de rayonner », souligne le président de la S.M.E.T.T. 

En 1972, à la demande de S.A.S le Prince Rainier III, la Princesse Antoinette accepte de prendre la présidence du club et sa fille la Baronne Elizabeth-Ann de Massy la vice-présidence. Jusqu’à son dernier souffle en juin 2020, celle-ci se sera donnée corps et âme au développement de ce joyau tennistique. « C’est elle qui m’a fait rentrer dans le comité de direction du club. Nous étions très proches. Elle a été présidente pendant 40 ans au Country. Elle y a consacré sa vie pour en faire quelque chose de magnifique. Je lui rends cet hommage parce que c’est grâce à elle que nous en sommes là », conclut Alain Manigley. 

© Antoine Couvercelle

L’adresse prisée des pros lors de l’intersaison 

Si l’héritage que la baronne de Massy a laissé derrière elle fait le bonheur des adhérents du MCCC, il est également un bien précieux pour les stars du circuit. C’est un secret de Polichinelle, Monaco est le lieu de résidence prisé des tennismen. Parmi les membres du Top 10, huit ont choisi le Rocher pour poser leurs valises. Paradis fiscal, décor de carte postale, conditions météo au top… Vivre en Principauté présente de multiples avantages. S’ils passent la majeure partie de l’année à arpenter les quatre coins du monde, les champions aiment s’octroyer une parenthèse bien méritée lors de l’intersaison en profitant des infrastructures dernier cri du Monte-Carlo Country Club. Ainsi, ceux qui auront la chance d’être sur place pendant le mois de décembre pourront croiser dans les allées Alexander Zverev juché sur sa trottinette électrique ou encore un Grigor Dimitrov à la cool, attablé au restaurant du club après une session d’entraînement. 

Si l’atmosphère qui se fait ressentir est donc moins intense qu’un cinquième set en Grand Chelem, il ne faut toutefois pas croire que les joueurs sont là pour se la couler douce. Tout au fond du Country Club, ils perdent des litres de sueur sur les deux uniques courts en dur du complexe. « On les refait de manière fréquente. On essaye de proposer des terrains avec une qualité semblable à ce qu’ils peuvent retrouver sur le circuit, que ce soit aux États-Unis ou en Australie », explique Eric Seigle. 

En effet, ces joueurs résidents ont pris pour habitude de faire crisser leurs semelles au MCCC avant de s’envoler pour Melbourne, théâtre de la première levée du Grand Chelem. Et s’il y en a un qui n’a pas fait semblant de maltraiter la balle avant l’entame de cet exercice 2022, c’est bien Félix Auger-Aliassime. Certains diront qu’il est facile de refaire le film après le début de saison tonitruant du Canadien, épatant quart de finaliste à l’Open d’Australie et vainqueur de son tout premier titre sur le circuit à Rotterdam, mais le degré d’implication et la lourdeur des frappes du protégé de Frédéric Fontang laissaient déjà présager de belles choses. Impressionnant de puissance, le Québécois a cassé bon nombre de cordages lors de sa préparation hivernale. Félix pouvait se le permettre puisque ses cadres, comme tous ceux de ses homologues, atterrissaient à une centaine de mètres de là dans le Pro Shop, la boutique du MCCC, où les petites mains de Nawal Kawtar s’agitent à vive allure. 

Étudiante en droit la semaine à Nice, Nawal est cordeuse le week-end au prestigieux Monte-Carlo Country Club. « En tant que passionnée de tennis, j’étais une habituée des lieux et du tournoi en avril. En 2020, le club recherchait quelqu’un, donc c’est tout naturellement que j’ai postulé et j’ai eu la chance d’être prise », raconte-t-elle, sourire aux lèvres, tout en achevant les derniers nœuds de la raquette d’Alexander Zverev, venu un peu plus tôt dans la journée. Sasha, Félix, Grigor ou même Novak… Tous vont la voir en personne pour lui remettre leur outil de travail. « Ma toute première raquette était celle de Djokovic. Il était venu en personne me voir avec son coach en me demandant une tension à 27 kilogrammes », explique Nawal, des étoiles encore plein les yeux, avant de poursuivre son incroyable anecdote : « J’avais l’impression de faire une opération à cœur ouvert et d’être une chirurgienne tellement j’étais stressée (rires) ! Il faut savoir que les pros sont très méticuleux avec leur matériel et qu’ils ressentent réellement la sensibilité de la tension. C’est une espèce de sixième sens qu’ils ont tous. » 

En contact régulier avec les stars du circuit, cette privilégiée mesure la chance (qu’elle a provoquée) d’exercer cette activité dans un des plus beaux clubs de la planète : « Tout le monde me dit que j’ai la plus belle vue de bureau au monde (rires) ! C’est un métier où l’on se sent utile. Et ce qui me rend aussi très fière, c’est d’être une femme dans un milieu globalement dominé par les hommes. C’est assez atypique ! »

© Laurent Van Reepinghen

Monaco et l’ATP : une histoire de longue date 

Grâce à Nawal et aux équipes du Monte-Carlo Country Club, les pros ne manquent de rien pour affiner leurs derniers réglages avant de mettre le cap vers l’hémisphère sud. « C’est une relation que nous avons avec les joueurs qui sont résidents à Monaco. On se fixe un objectif tous les mois de décembre pour leur proposer un accueil privilégié en partenariat avec l’ATP », explique Eric Seigle, le directeur du MCCC. À seulement quelques mètres de son bureau, de l’autre côté de la rue, au 74 Boulevard d’Italie, se situe le siège européen de l’Association Of Tennis Professionnals. Une adresse loin d’être anodine. « Lorsque l’ATP Tour a été créée en 1990, j’étais un ancien joueur et un organisateur de tournois. J’ai été élu membre d’un comité chargé d’agencer le nouveau circuit et le nouveau calendrier », rappelle Željko Franulović avant de préciser le sens de sa démarche : « Dans le début des années 90, j’ai été missionné pour trouver et structurer un centre administratif de l’ATP en Europe. Avec tous ses avantages à la fois géopolitiques et sportifs, nous avons rapidement choisi Monaco où je faisais partie du premier senior management de l’ATP Tour. » 

S’il est désormais aux commandes du Rolex Monte-Carlo Masters en tant que directeur depuis 2005, le Croate a participé grandement à la refonte de la grande instance du tennis professionnel. Dans son sillage, Simon Higson, responsable de la communication au sein de l’ATP, a récupéré le flambeau : « J’ai déjà une longue carrière derrière moi avec de nombreux rôles occupés à l’ATP. En 2004, j’ai passé un an à Monaco puis j’ai déménagé dans notre bureau général à Londres pendant plusieurs années avant de revenir en Principauté. » L’Anglais, qui maîtrise la langue de Molière à la perfection, rappelle que le Rocher est le carrefour idéal de la planète tennis : « L’Europe est vraiment la pierre angulaire de l’ATP Tour. Nous avons environ 40 tournois organisés sur le Vieux Continent. Le bureau a été mis en place à Monaco car c’est un point de contact stratégique qui permet de gérer les relations et de faciliter les échanges avec les tournois et les joueurs. » 

Chaque année, Simon Higson et ses collègues de l’ATP travaillent main dans la main avec le Monte-Carlo Country Club pour garantir aux stars du circuit une préparation optimale. « Nous organisons un programme d’entraînement hivernal. C’est l’une des façons de les impliquer pendant l’intersaison et de s’assurer qu’ils ont tout ce dont ils ont besoin. » Grâce aux multiples infrastructures à la pointe des alentours, les résidents de la French Riviera ne manquent de rien : « Ils s’entraînent régulièrement ensemble sur les courts du Monte-Carlo Country Club. Ils ont également à disposition le Stade Louis II pour réaliser leur préparation foncière. Pour l’aspect tennis, il y a aussi d’autres lieux de prestige dans la région comme la Mouratoglou Academy ou le Piatti Tennis Center situé à Bordighera. » 

Si l’ATP est aux petits soins de ses pensionnaires l’hiver, elle redouble également d’imagination pour faire la promotion du Masters 1000 de Monaco et de ses acteurs au mois d’avril. « Nous avions organisé une petite exhibition entre Murray et Djokovic sur la place du Casino en 2013. Nous avons eu aussi des joueurs sur des bateaux. Ces événements fournissent toujours une belle toile de fond pour promouvoir le tournoi et l’ATP Tour. C’est quelque chose que nous nous efforçons de faire année après année », souligne Simon Higson.

Selon lui, les clés de ce succès résident dans l’alchimie qui règne entre le Monte-Carlo Country Club et l’ATP depuis de longues années : « Franulović était à la tête du bureau de l’ATP avant de prendre les rênes du Rolex Monte-Carlo Masters. Il y a aussi Chris Kermode, l’ancien président de l’ATP, qui travaille maintenant comme consultant officiel pour le tournoi. Même chose pour David Massey, l’actuel co-directeur de la compétition, qui a œuvré de longues années au sein de l’ATP. Il y a un lien étroit entre les personnes qui étaient auparavant à l’ATP et maintenant au tournoi. Cette relation spéciale contribue au charme de l’épreuve. »

Acropole du tennis mondial, domaine des dieux de la balle jaune, écrin idyllique entre ciel azuréen et Méditerranée, le Monte-Carlo Country Club et son tournoi grandiose et intemporel restent un lieu mythique qui fait rêver tous les passionnés de tennis, amateurs comme professionnels, depuis presque cent ans. Dans un cadre paradisiaque, presque irréel, ses terres battues chargées d’histoire sont le théâtre séculaire de combats épiques entre Titans, Dieux, demi-dieux et simples et courageux mortels osant défier les rois de l’Olympe. 

Au-delà de ses apparences de forteresse inaccessible, de club prétendument réservé à une élite, le MCCC est un lieu étonnamment populaire, cosmopolite, où se retrouvent dans une ambiance festive et décontractée tous les amoureux et connaisseurs de tennis, dans une très grande proximité avec leurs champions. 

Dans ce Parthénon moderne, pas si éloigné de son ancêtre athénien, les simples humains ont ainsi le privilège incroyable d’approcher et côtoyer leurs dieux vénérés, seul endroit de la planète permettant cette rencontre impensable. 

 

Article publié dans COURTS n° 12, printemps 2022.

© Laurent Van Reepinghen

L’épaisseur de l’éternité

© Coco Cimino

On n’est pas tous faits du même bois. Les œuvres de Brett Gradel non plus. Son travail de marqueterie tend à faire de chacune d’elles une pièce unique. Parce qu’en créant le concept de marqueterie-fusion qui sublime le bois en le mêlant à d’autres matières et à des métaux précieux, il a réinventé une technique millénaire. Et même s’il peut lui arriver d’utiliser un même dessin pour deux œuvres, le choix de bois et de métaux différents crée une palette de couleurs et d’impressions très éloignée du travail sériel.

À bien y réfléchir, ces infimes différences dans un cadre semblable pourraient à elles seules servir de miroir au tennis. Deux joueurs, un court de dimension standardisée, l’éternelle litanie du décompte des points, une balle de couleur jaune semblable à toutes les balles du monde. Service, coup droit, revers, volée. Lift. Slice. Mais tous les courts dégagent une atmosphère distincte ; le score emprunte toujours son propre chemin ; les joueurs font de cette balle standard une balle toujours nouvelle à coups de services, de coups droits, de revers et de volées dont la technique leur appartient, à grand renfort de lift et de slice qui jamais ne tournent pareil. Variations Goldberg. Jean-Sébastien Balle.

Cet espace familier qui surprend inspire Brett Gradel au quotidien. Une question d’intemporalité que la marqueterie, un art venu de l’Antiquité qui a connu son apogée dans l’Italie renaissante, vient sublimer à travers les dessins contemporains de Brett Gradel : « J’ai l’impression que, sur un court, le temps s’arrête. Il y a une sérénité du lieu. On entend seulement le son de la balle. Soudain, on est coupé du temps : c’est ce que je recherche dans mon travail. Toutes mes créations partent de là, d’une douceur. C’est comme un rêve, un instant figé dans lequel j’aimerais vivre. »

À défaut d’exister dans cet instant figé, Brett Gradel vit sur la Côte d’Azur et on ne va pas l’en plaindre : une enfance passée sur un bateau en Méditerranée, la possibilité dans la même journée de nager, de surfer et d’aller skier en une heure de voiture, celle aussi, pas négligeable, de franchir les frontières italienne, française et monégasque en deux fois moins de temps qu’il n’en faut à Hewitt pour triompher de Baghdatis. 

« Il n’y a qu’ici où je me sente vraiment chez moi », explique Brett Gradel, qui a pourtant parcouru le monde de Majorque au Mexique en passant par la Nouvelle-Zélande et Tahiti et pas forcément dans cet ordre. D’une certaine manière, tout est affaire de textures : celle de l’eau, donc, mais aussi celle des bois avec lesquels l’artiste travaille. Brett Gradel ne peint pas sur ses œuvres : son travail de marqueterie utilise les nœuds et les teintes du bois pour créer des formes, des impressions, des motifs. Du relief. Une illusion de peinture.

© Brett Gradel

Ces textures, il les retrouve là encore sur un court de tennis : « Les terrains sont beaux. Ils dessinent des perspectives infinies avec leurs lignes blanches. Quelle que soit la surface, il y a toujours un sentiment de chaleur qui s’en dégage. Le gazon naturel, la terre battue, le bitume coloré : on se sent accueilli… Même la balle est recouverte d’une moquette chaleureuse. » 

Brett Gradel a découvert le tennis quand il était petit, grâce à son père qui continue à pratiquer tous les jours et se rend chaque année au Masters 1000 de Monte-Carlo. Sans doute Brett n’a-t-il pas le temps de l’y conduire, trop occupé à travailler dans son atelier. Par passion, il a pourtant officié comme chauffeur sur le tournoi pendant plusieurs années. Du club aux hôtels, de l’hôtel aux clubs et parfois un peu plus. C’est à cette occasion qu’il a sympathisé avec plusieurs joueurs de tout premier plan, à commencer par Marin Cilic. « Je lui ai servi de chauffeur pendant plusieurs années sur le tournoi. Il possède un appartement à Monaco, ce qui nous a rapprochés. Il a beaucoup de qualités de cœur. Et comme je l’admire aussi comme joueur, je voulais lui faire un cadeau. »

Ce cadeau, c’est Moon Ball, première incursion artistique de Brett Gradel dans le monde du tennis : un tabouret décoré d’un motif représentant une partie de tennis au crépuscule en été. Une évocation immédiate de cette langueur des matchs à la fin des vacances, quand la chaleur étouffante des longs après-midi encourageait l’enfant que j’étais à attendre la nuit pour saisir la raquette. Bordel : me voilà nostalgique.

Si je parle de moi, ce n’est pas tant par goût de la digression. D’abord parce que c’est la force de l’art que de nous propulser ailleurs, dans l’évocation des moments dont le souvenir ravive le beau ; ensuite parce que Brett Gradel et moi sommes de la même génération et que cette génération, c’est aussi celle de Cilic et de Nadal. Une génération qu’on a vue grandir sur les courts avec l’impression erronée que leur éternel statut de champion les figeait dans un âge abstrait forcément plus mûr que le nôtre. L’impression qu’ils seraient là pour toujours. Et nous aussi, sans doute, à jamais des enfants. 

© Brett Gradel
© Brett Gradel

Nadal, qui a inspiré Brett Gradel pour une autre de ses œuvres, a l’épaisseur de l’éternité. 11 Monte-Carlo, de quoi évacuer la question du vainqueur quand le tournoi commence. Est-ce aussi ça que l’artiste a voulu sculpter dans le bois, figer à tout jamais en s’attaquant à la statue du Commandeur ? La réponse de Brett Gradel est plus simple : « J’aime vraiment Nadal. Il vit et est né à Majorque et j’y ai vécu pendant deux ans. Ce qui est amusant, c’est que j’ai eu un problème de genou là-bas et je suis allé chez un kiné qui, par hasard, était aussi le kiné de Nadal. J’ai montré sa carte de visite à Rafa et il n’en revenait pas qu’un type vivant à Monaco possède la carte de son physio personnel de Majorque. Ça l’a fait beaucoup rire. » 

Plus simple la réponse, plus simple le champion. Tout Nadal est là : un plus que vingtuple vainqueur de Grand Chelem qui rigole d’un rien avec son chauffeur entre deux entraînements. Pas de quoi déplaire à Brett Gradel qui chérit cette simplicité. Son goût pour l’art en découle. Son grand-père était peintre et artisan, sa grand-mère couturière. Il a passé son enfance à leurs côtés : « J’étais toujours derrière mon grand-père, à regarder ce qu’il faisait. Il était vraiment doué pour tout ce qui était manuel. Il était un modèle. Il l’est toujours, d’ailleurs. »

La ligne n’a pas dévié. Joindre le beau et l’utile, réconcilier l’artistique et l’artisanat. Et toujours s’inscrire dans le temps long : c’est aussi le sens de la marqueterie, qui permet de créer des objets durables dans le respect de l’environnement et une logique d’éco-design. Tout ça est très nadalien, parole de pro-Federer. 

Le tabouret représentant Nadal et réalisé par Brett Gradel, que nous vous présentons en couverture de ce numéro, a un destin tout tracé : une fois signé par Rafa, il sera vendu aux enchères et l’intégralité du bénéfice sera versé à sa fondation. Inutile de dire que la démarche, celle du temps long, du don de soi, celle aussi simplement du beau, devrait plaire à Nadal. Même s’il aurait sans doute aimé profiter du tabouret pour l’entourer de ses bouteilles au changement de côté d’un set très accroché. 

 

Article publié dans COURTS n° 12, printemps 2022.

Sebastian Korda, une affaire de famille

Sebastian Korda, Masters Next Gen 2021, © Ray Giubilo

Fils de Petr Korda et Regina Kordová, anciens joueur et joueuse de très haut niveau, Sebastian Korda dispose depuis tout petit d’une relation privilégiée avec la balle jaune. Sur les traces de ses parents, le cadet de la famille avance avec précocité. Désormais pleinement installé dans le top 50 à seulement 21 ans, l’Américain enchaîne les grosses prestations et progresse à une vitesse folle. Dans l’ombre des jeunes prodiges – Carlos Alcaraz, Jannik Sinner ou encore Félix Auger-Aliassime – Sebastian Korda fait son chemin silence et pourrait bien être une des futures stars du tennis mondial. Retour sur la Korda Family et l’éclosion du petit dernier, Sebastian.

« Tel père, tel fils ! ». Une expression caractérisant bien la famille Korda. Même si, oui, c’est vrai, nous aurions aussi pu dire « telle mère, tel fils ! ». Sebastian Korda est aujourd’hui tennisman professionnel. Comme l’ont été son père et sa mère vingt ans plus tôt. A 54 ans, Petr Korda est toujours une légende du tennis tchèque. Ancien numéro 2 mondial et vainqueur de l’Open d’Australie 1998, il s’occupe désormais pleinement de la carrière de son fils. Regina, quant à elle, est aussi une ancienne joueuse professionnelle. Un peu plus en retrait dans les médias, elle a elle aussi joué un rôle majeur dans l’éclosion de son fils.

Aussi fou que cela puisse paraître, le tennis n’a pas toujours été une évidence pour le natif de Bradenton. Sans doute influencé par ses origines tchèques, à 5-6 ans, Sebastian décide de s’inscrire au hockey sur glace. Patins aux pieds, le jeune garçon impressionne malgré son jeune âge. Son équipe s’impose d’ailleurs rapidement comme une des meilleurs équipes jeunes de Floride. C’est à cette époque-là que l’Américain développe ses premières aptitudes physiques et forge son mental de winner. L’actuel 43ème mondial garde encore aujourd’hui de très bons souvenirs de cette époque où il a pu pleinement s’épanouir. Selon lui, avoir pu pratiquer d’autres sports que le tennis durant sa jeunesse est un véritable atout par rapport aux autres joueurs du circuit. « Mes parents sont incroyablement compréhensifs et ils nous ont en quelque sorte construits dès notre enfance, en nous laissant pratiquer beaucoup de sports différents et en nous permettant d’apprendre beaucoup de choses différentes et d’acquérir des compétences différentes, a-t-il expliqué pour Tennis Majors.  J’ai grandi en jouant au hockey, au tennis et au golf. Et je faisais aussi du karaté, donc j’étais un enfant très actif. Et cela m’a aidé à devenir le joueur de tennis que je suis aujourd’hui. Même avec mes sœurs, qui pratiquaient toutes des sports différents. Et c’était probablement l’une des choses les plus importantes pour nous. »

Petr Korda – Regina Kordová, la paire gagnante

En 2011, Petr Korda est entraîneur de Radek Štěpánek, une autre gloire du tennis tchèque. Fin août, les deux hommes se rendent alors à New York pour disputer le mythique tournoi de l’US Open. Pour l’occasion, Petr décide d’emmener avec lui son fils, afin de lui faire découvrir l’atmosphère d’un tournoi du Grand Chelem. Le jeune garçon, alors âgé de onze ans, prend un énorme plaisir à suivre les aventures de Štěpánek et son père. Une expérience unique pour le jeune homme qui développe pendant ces jours-là, une véritable passion pour le tennis et… Radek Štěpánek. « J’adore Radek Štěpánek, c’était mon modèle quand mon père le coachait. J’avais onze ans », a-t-il confié en conférence de presse début 2018.

Sebastian Korda, enfant, avec Radek Štěpánek à l'US Open, © Sebastian Korda, Instagram

Tout au long de la quinzaine, le jeune enfant est bluffé par l’ambiance des courts. L’atmosphère se dégageant du Arthur-Ashe marque le garçon à jamais. A tel point qu’à la fin du tournoi, il n’a plus qu’une idée en tête : jouer un jour l’US Open. De retour chez lui, Sebastian annonce à sa mère qu’il souhaite s’inscrire au tennis. Sa mère, ravie par la nouvelle, l’inscrit aussitôt. Il ne le sait pas encore, mais Sebastian vient de prendre une décision qui va bouleverser sa vie. A onze ans, il arrête le hockey sur glace et sa carrière de tennisman peut désormais débuter.

Aujourd’hui, personne ne peut nier l’importance de Petr Korda dans la destinée de son fils. Sans forcément avoir poussé son enfant à faire du tennis, de par son parcours et son métier d’entraîneur, il a indéniablement agi sur le choix de vie de Sebastian. C’est lui qui lui a fait découvrir les coulisses de ce sport, notamment lors de cet US Open 2011. Encore maintenant, Petr dispose d’une forte influence sur son fils. Pour Sebastian, Petr est plus qu’un père, c’est un modèle. C’est aussi par la même occasion son entraîneur, son « arme secrète » comme il aime le dire. Le jeune homme peut compter sur les conseils avisés de son papa et sur son expérience du haut niveau, un avantage que n’ont pas forcément les adversaires de l’Américain. Travaillant ensemble depuis quasiment les débuts de Korda junior, père et fils bossent d’arrache-pied pour atteindre le sommet et rien d’autres ! « Il est présent sur le circuit depuis très longtemps. Il est arrivé au sommet, a gagné un Grand Chelem et a entraîné quelqu’un qui a atteint le Top 10, alors il sait quoi faire, a-t-il détaillé dans des propos relayés par le site de l’ATP fin 2021. Les décisions difficiles qu’il prend semblent parfois faciles, alors je suis très reconnaissant de l’avoir à mes côtés ». Et naturellement, le travail commence déjà à payer puisque Sebastian gravit les échelons à une vitesse folle. A 21 ans, il est déjà en avance sur les temps de passage.

Si Petr Korda a eu une forte influence dans la réussite au haut niveau de son fils, Regina Kordová, un peu moins célèbre, a eu une place toute aussi capitale, si ce n’est plus. Depuis que l’Américain a commencé le tennis à l’âge de 11 ans, sa mère l’a toujours soutenu et cru en lui. C’est elle qui s’est chargée notamment de son éducation. Pendant que Petr faisait le caddie auprès de Jessica, une des deux sœurs de Sebastian pour ses débuts en tant que golfeuse professionnelle, c’est Regina qui a gardé Sebastian et Nelly – l’autre sœur, plus grande de deux ans. « La vie, c’était juste ma mère, Nelly et moi, a-t-il décrit pour Tennis Majors. Nous avons donc grandi ensemble et nous jouions tous à des jeux de société et faisions des puzzles. » Le jeune joueur garde encore de superbes souvenirs de ses parties endiablés. C’est durant celles-ci d’ailleurs que Sebastian développe son esprit de compétition. Perdre contre sa grande sœur est alors la pire des choses qu’il puisse arriver au jeune cadet de la famille à cette époque. De son côté, Regina profite de ses moments de loisir pour inculquer à ses deux enfants les valeurs de respect, de modestie et de bonne humeur, chères aux yeux de la famille Korda. Et cela se répercute aujourd’hui sur l’attitude exemplaire qu’a Sebastian aussi bien sur qu’en dehors du terrain. Toujours poli et souriant en interview, le tennisman fait déjà preuve d’une maturité déconcertante pour son jeune âge. Et certains devraient bien s’en inspirer…

L’influence de Regina sur son fils ne s’arrête toutefois pas là. C’est elle aussi qui construit le jeu de son fils lorsqu’il est plus jeune. Mère et fils multiplient les séances d’entraînement ensemble, accentuant les efforts sur la vision de jeu et la gestion des émotions, qui font aujourd’hui des forces du prodige américain. Des journées de partage que le jeune joueur n’a pas oublié. « Je me suis entraîné avec ma mère, a-t-il poursuivi, toujours pour Tennis Majors. Elle a en quelque sorte développé mon jeu jusqu’à ce qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui. Elle a construit ma technique et mes coups en fonction de la façon dont elle voyait mon jeu. Je pense qu’elle a eu une grande influence sur mon tennis, plus que n’importe qui. »

Sebastian Korda et l'une de ses deux sœurs, Nelly, entourés de leurs parents, Petr Korda et Kordová, © Sebastian Korda, Instagram

Une ascension fulgurante

Sebastian Korda débute donc le tennis lors de la saison 2010/2011. Il démarre les tournois par la même occasion et se fait rapidement remarquer. Le jeune garçon impressionne par sa hargne et sa technique au-dessus de la moyenne. Quelques années et entraînements plus tard, tantôt avec son père, tantôt avec sa mère, l’Américain commence à se faire connaître sur le circuit jeune après plusieurs performances remarquées. En 2017, le jeune joueur de 17 ans atteint notamment la finale du célèbre tournoi de l’Easter Bowl où il s’inclinera contre son compatriote Alafia Ayeni. La même année, c’est en double que l’adolescent brille avec cinq titres à son actif.

Vingt après après la victoire de son père à l’Open d’Australie, Sebastian Korda frappe son premier grand coup en 2018. Après de très bonnes performances l’année précédente, il confirme les espoirs placés en lui en s’emparant de son premier titre du Grand Chelem junior à Melbourne. Après un peu plus d’une heure de jeu, il vient à bout du Taïwanais Tseng Chun-hsin (7-6, 6-4) en finale. Un titre qui le place ainsi dans le cercle très fermé des vainqueurs de Grand Chelem junior aux côtés de joueurs comme John McEnroe, Roger Federer ou encore plus récemment Alexander Zverev. Désormais, le plus dur reste à faire pour le garçon du haut de son mètre quatre-vingt-seize. Il faut confirmer.

Si Sebastian Korda est déjà bien connu des experts, c’est définitivement en 2020 que le jeune joueur se révèle aux yeux du grand public. En mai, le garçon se déplace à Paris pour y jouer Roland Garros. Sur terre battue, le jeune Américain semble à l’aise. La preuve, il parvient facilement à atteindre le tableau final en s’extirpant d’Aslan Karatsev et Brayden Schnur. Toujours sans victoire sur le circuit ATP, l’Américain hérite de l’expérimenté Andrea Seppi au premier tour. En quatre sets, il parvient à prendre le dessus sur l’Italien (6-2, 4-6, 6-3, 6-3), signant par la même occasion sa première victoire sur le circuit professionnel. Quoi de mieux que de démarrer avec une victoire en Grand Chelem ?

En confiance après cette première victoire, Korda surfe sur sa bonne dynamique et parvient à éliminer le géant John Isner (6-4, 6-4, 2-6, 6-4). Une véritable prouesse pour le jeune homme de vingt ans que d’éliminer un adversaire aussi coriace que « Big John ». Avec ce résultat favorable, il s’affirme sur le devant de la scène et se fait même un prénom sur le circuit. Sebastian Korda n’est alors plus perçu seulement comme « le fils de … ». L’Américain parvient même à se hisser en huitième de finale, ne laissant aucune chance à Pedro Martínez (6-4, 6-3, 6-1) au troisième tour. En huitième, Korda fait face à un adversaire de taille : Rafael Nadal. Sans surprise, le miracle n’a pas lieu et l’Espagnol – idole de jeunesse de l’Américain – met fin au beau parcours du jeune athlète. « L’ogre de l’ocre » ne fait alors qu’une bouchée de la révélation du tournoi, avec une victoire en trois sets (6-1, 6-1, 6-2). A la fin du match, interrogé sur le potentiel de Korda, Rafa ne tarira cependant pas d’éloges sur le crack floridien. «Sebastian a un bon physique, un bon service et des coups fiables depuis la ligne de fond, analysera le Majorquin à l’issue du duel. Je pense que c’est un gars génial et un joueur complet. Sebastian a beaucoup de choses à accomplir dans les années à venir dans notre sport. Depuis que je l’ai vu jouer, j’ai toujours pensé qu’il avait une chance de devenir l’un des meilleurs joueurs du monde. Il a tout ce qu’il faut pour être définitivement au top. Bien sûr, les choses ne sont pas faciles, et il faut continuer à s’améliorer. Mais je suis convaincu que Sebastian sera un grand joueur. »

Fin 2020, Korda confirme sa bonne forme en remportant le challenger d’Eckental, le premier de sa carrière. De quoi le ravir totalement. « Je suis super content. C’était juste une semaine géniale. Ça a été un voyage pour arriver ici. Je suis assez content de la façon dont j’ai joué toute la semaine et c’est super d’obtenir mon premier titre professionnel. »

Sebastian Korda, enfant, et son père, Petr, © Sebastian Korda, Instagram

En 2021, Sebastian Korda continue sa progression fulgurante. Après avoir éliminé une nouvelle fois John Isner, le jeune tennisman atteint la finale du tournoi de Delray Beach. En finale, il est défait par le géant polonais Hurkacz. Quelques semaines plus tard, l’Américain prendra finalement sa revanche en remportant son deuxième challenger, à Quimper. Mais pour le garçon aux cheveux blonds, pas de quoi s’enflammer ! Même dans la victoire, il faut savoir rester humble. « Mon objectif après cette victoire est de continuer à pratiquer un tennis de qualité, à me renforcer physiquement et puis garder le sourire tous les jours, s’exprime-t-il alors, dans des propos relayés par la Fédération française de tennis. C’est un privilège de pouvoir jouer au tennis par les temps qui courent. » Un super état d’esprit qui sera à nouveau récompensé un peu plus tard dans la saison, en mai, lors du tournoi de Parme. Sur la terre battue italienne, le jeune prodigue remporte son premier titre ATP face au local – Marco Cecchinato. Grâce à ce succès, Sebastian fait son entrée dans le top 50 et devient par la même occasion le premier américain titré sur ocre en Europe depuis 2010. « C’est quelque chose dont j’ai rêvé. Je pensais vraiment que j’allais le faire à Delray Beach, et j’avais un peu le cœur brisé », confie-t-il alors devant les journalistes.

Plus récemment, lors du dernier Open d’Australie, le jeune Américain a de nouveau montré toutes ses qualités – mentales et physiques. D’abord en éliminant sèchement le britannique Evans (n°22), puis en sortant Corentin Moutet au terme d’un match épique.

Nicolas Escudé, fan de la première heure

Un beau sourire, des cheveux blonds soyeux et un fair-play irréprochable, ce n’est pas une surprise de dire que Sebastian Korda dispose d’une fan base importante. Notamment, aux États Unis, où le jeune joueur est perçu comme l’avenir du tennis américain aux côtés de Taylor Fritz, Frances Tiafoe, Reilly Opelka, Jenson Brooksby ou encore Brandon Nakashima. En France, le jeune joueur compte également son lot de fans. C’est le cas par exemple du directeur technique national français, Nicolas Escudé, qui ne cesse de dire du plus grand bien du floridien. « J’aime tout chez Korda ! Je me régale chaque fois que je le vois jouer, a révélé l’ancien 17e mondial lors d’une interview accordée à L’Équipe. Ce gamin a tout. J’enlève le mental, parce qu’il est encore jeune, mais, pour le reste, c’est impressionnant. Ça va très vite des deux côtés, il a le service, le slice de revers, le revers à deux mains ultra-solide. Et surtout, il sent super bien le jeu. C’est le propre des tout meilleurs, ils sont les plus forts parce qu’ils sentent le jeu à la perfection. Lui a toutes les armes pour résoudre les problématiques qui vont se présenter à lui. Je crois qu’il se retrouvera un jour en position d’aller chercher un Grand Chelem. »

Andre Agassi, le joker de Las Vegas

Avoir un père ancien joueur de tennis peut parfois aider. En 2020, Petr Korda a eu une idée pour accélérer la progression de son fils – faire appel à l’un de ses anciens adversaires. Un certain Andre Agassi …

Que ce soit avec Novak Djokovic ou Grigor Dimitrov, la légende américaine a prouvé à multiple reprises ses qualités de coach. Petr Korda sait ainsi qu’Agassi pourrait permettre à son fils de franchir un nouveau palier. Il décide donc de le contacter. Après plusieurs échanges téléphoniques entre Sebastian et Andre, « Human Machine » propose au jeune joueur de venir effectuer un stage de préparation chez lui, à Las Vegas. Évidemment, il accepte immédiatement cette proposition. A Vegas, Korda retrouve alors Marcos Giron et Alexander Cozbinov, également conviés au stage. Lors de ces deux semaines, Sebastian se régale. C’est un véritable rêve pour lui de pouvoir échanger des balles avec Andre Agassi et Steffi Graf, monument au 22 titres du Grand Chelem partageant la vie de « Dede » . Une expérience qu’il n’est pas prêt d’oublier. « Mon père a en quelque sorte mis en place cette rencontre, a-t-il révélé en conférence de presse après sa qualification pour les huitièmes de finale de Wimbledon 2021. Il [Agassi] a été génial. Nous avons passé quatorze jours ensemble à Las Vegas. Il m’a accueilli dans sa famille. »

Pendant ce petit séjour, Korda noue une relation de proximité avec l’ancien numéro 1 mondial. Il devient en quelque sorte son protégé. Encore aujourd’hui, les deux hommes se contactent régulièrement et le coach américain épaule le jeune garçon, qui de son côté est à l’écoute de tous les conseils de ses pairs. « Nous sommes en contact presque tous les jours. C’est une personne géniale à avoir à mes côtés et je lui en suis très reconnaissant. » Nul doute que ce stage et l’accompagnement proposé par Andre Agassi a aidé Sebastian Korda à évoluer. Au sortir de ces deux semaines, Sebastian Korda ressort avec une idée claire en tête – prendre du plaisir sur le court, ce que lui a martelé son nouveau mentor. Le reste viendra ensuite avec le temps et l’entraînement.

Sebastian Korda entouré de Steffi Graf et Andre Agassi, © Sebastian Korda, Instagram

Sebastian Korda – Rafael Nadal, une affiche de rêve

Sebastian Korda est un 2000. Il a donc eu la chance de pouvoir suivre l’évolution des trois monstres – Rafael Nadal, Roger Federer et Novak Djokovic. Et chacun a sa préférence. Pour l’Américain, le choix est clair, c’est Rafael Nadal. En interview, le jeune tennisman ne s’est jamais caché et a toujours affirmé son grand amour pour le joueur espagnol. « Il est une des raisons qui font que je joue au tennis, a-t-il déclaré en conférence de presse à Roland-Garros en 2020, en amont de son don duel face à son modèle. C’est mon idole absolue. C’est un incroyable compétiteur. Il n’abandonne jamais sur le court. C’est à lui que je dois mon attitude, le fait de ne jamais rien lâcher. Quand je suis sur le court, j’essaie d’être comme lui. » Une passion si immense que Sebastian en est même venu à appeler son chat « Rafa » lorsqu’il était plus jeune.

Ainsi, quand le jeune Américain a eu l’occasion d’affronter l’Espagnol à Roland Garros, c’est comme si le rêve était devenu réalité. Malgré une lourde défaite, Sebastian garde un souvenir unique de ce match face au roi de la terre battue. « J’ai toujours dit, depuis que je suis petit, que mon idole était Rafael Nadal, plus que tout autre joueur, a-t-il raconté à Tennis Majors. Et j’ai toujours dit que mon rêve était de jouer contre lui à Roland sur le court Philippe- Chatrier. C’était un moment incroyable et je ne voulais pas manquer cette occasion unique de lui demander un t-shirt dédicacé de le remercier de m’avoir inspiré, ainsi que tant d’autres enfants du monde entier. J’ai le t-shirt accroché dans ma chambre. C’est un moment que je n’oublierai jamais. J’ai parlé avec Nadal après la rencontre pendant dix, quinze minutes. Et c’est un gars super gentil et d’un grand soutien. Et il m’a dit que j’avais le jeu pour devenir un très grand joueur. Et j’ai beaucoup appris de chaque match que j’ai joué et perdu. »

Sebastian Korda, enfant, avec Rafael Nadal, © Petr Korda

Nelly et Jessica, les autres stars

Attention, un Korda peut en cacher une autre. Ou deux. Si Sebastian excelle dans le monde du sport, c’est également le cas de ses deux sœurs – Jessica et Nelly. Toutes deux golfeuses professionnelles, les deux sœurs Korda sont des joueuses reconnus sur le circuit américain. Jessica, aujourd’hui âgé de 28 ans, détient cinq victoires à son compteur sur le circuit professionnel, dont l’Open d’Australie 2012. Nelly quant à elle, plus âgée que son frère de deux ans, est une des nouvelles prodiges de la discipline. Comme son frère, avec qui elle a partagé son enfance, et dont elle est très proche, Nelly est, elle aussi, un talent précoce. A  23 ans, la jeune femme a remporté son premier tournoi du Grand Chelem en juin 2021 avec le LGPA Championship, lui permettant ainsi d’obtenir la première du classement mondiale. Le sport est donc bien une affaire de famille chez les Korda !

Des parents et des sœurs au top de leur discipline, Sebastian Korda n’est pas en reste non plus. Le jeune cadet est bien parti pour suivre le même chemin de la victoire que semble emprunter l’ensemble de sa famille. Depuis 2017 et sa finale au tournoi de l’Easter Bowl, le bougre avance vite, très vite. De matchs en matchs, il progresse de façon fulgurante et s’affirme comme un danger sur le circuit. A seulement 21 ans et déjà ancré dans le top 50, le talentueux garçon incarne cette nouvelle génération américaine qui devrait sans doute faire parler d’elle dans les prochaines années. Bref, Korda, c’est le présent, le passé et le futur !

Sebastian Korda et ses deux sœurs, Jessica, à gauche, et Nelly, au centre, © Sebastian Korda, Instagram

Frères Ymer : l’héritage d’une maison, l’attente d’un fanion

Les frères Ymer, Elias à gauche et Mikael à droite, © Elias Ymer, Twitter

Étendards de la Suède lors de la dernière Coupe Davis, la menant même jusqu’en quarts de finale de la compétition, les marathoniens Elias et Mikael Ymer ont enfilé le bleu (et jaune) de chauffe pour (re)mettre leur bastion dans la course aux éloges.

Qui n’a jamais tapé la balle en famille ? Des échanges en dilettante après le déjeuner dominical à la partie de vacances improvisée sur le rectangle plus ou moins praticable du coin, où encore pendant les longues journées de confinement, on a tous invité (parfois de force) ses parents ou ses frères et sœurs à prendre la raquette. Certains, ont fait durer le plaisir : les sœurs Williams, les frères Zverev, Murray ou Melzer, tout comme Elias et Mikael Ymer, et ce n’était pas joué d’avance !

Leur père, Wondwosen, comptant parmi les dix meilleurs athlètes d’Éthiopie sur le 10 km,  est un des visages familiers sur la corne de l’Afrique. Abonné au Kenenisa Bekele Running Club, le paternel, ouvrier dans une entreprise laitière, est un coureur réputé du pays. Un homme à l’histoire inspirante. Grandissant sans son père, qui l’a quitté pour d’autres cieux à l’adolescence, il a mené une guerre au sens propre comme figuré le menant dans les dans les pays nordiques, plus précisément en Suède. Un nouveau départ symbolisé par une femme, Kemel, et deux descendances. Si Elias et Mikael ont d’abord suivi ses foulées, c’est finalement une autre route qui s’ouvre à eux, plus précisément celle de Skara en Suède, point de départ de leur nouveau passe-temps : le tennis.

Elias Ymer, © Art Seitz

Les petits ruisseaux font les grandes rivières. A 11 et 9 ans, ils forment la plus jeune paire de double titrée dans leur catégorie d’âge. Des joyaux bruts que va polir la Good to Great Tennis Academy. Sous la houlette de Magnus Norman, Nicklas Kulti et Mikael Tillström (ancien entraîneur de Gaël Monfils), les Ymer poursuivent leur progression : « Nous avons un excellent entraîneur mais il arrive un moment où vous avez besoin d’autres conseils, de personnes plus expérimentées pour vous entourer. Il était évident que nous allions là-bas », explique Mikael. Pour devenir une « gueule » qui compte dans le monde de la balle jaune, Elias prend le chemin de la Catalogne et confie son tennis dans les mains de Galo Blanco, l’ex entraîneur de Milos Raonic. Une collaboration fructueuse de huit mois pendant lesquels Elias se qualifie pour les quatre tableaux principaux de Grand Chelem et gagne son premier Challenger en Sicile.  Les années passent et l’aîné de la fratrie titille le Top 100 à l’été 2018, un cap symbolique que passera son petit frère en septembre 2019, comme premier Suédois à intégrer le Top 100 depuis Robin Söderling en 2011. Confiance quand tu nous tiens… s’en suit une participation aux Next Gen ATP Finals (meilleurs jeunes de moins de 22 ans) en fin de saison mais surtout une première finale à Winston-Salem en août 2021 et un 3e tour à Roland-Garros lors de ce même été.

« Le succès engendre le succès. A l’époque, nous avions Björn Borg, Wilander ou Edberg pour nous inspirer. Depuis, nous n’avons pas réellement de stars auxquelles on peut s’identifier. Le tennis était très présent dans les médias et je pense que beaucoup d’enfants en faisaient leur premier choix. J’ai moi-même commencé en regardant cette ancienne génération, il y avait toujours un Suédois que l’on pouvait suivre lors des tournois. », venant de la bouche de Robin Söderling. Il faut dire que sur la période 1980 – 1999, « le pays allongé » glane 16 Majeurs, fait 13 finales ou encore 22 demi-finales. Un bout de terre qui a vu défiler les leaders de la discipline, le tennis à la suédoise comme on le surnomme.

Robin Söderling et Elyas Ymer, © Robin Söderling, Instagram

Björn Borg (11 titres), Mats Wilander (7 titres), Stefan Edberg (6 titres), Thomas Johansson (1 titre), Magnus Norman (ex N.2 mondial), Robin Söderling (double finaliste à Roland-Garros), la liste est longue, on peut même lui gratter un nom : la perfection. Cette dernière a un vice : celle de la banalisation. Comme s’ils avaient trop bien fait. En remportant la Coupe Davis en 1997, à la maison face aux États-Unis, et 1998, à l’extérieur face aux Transalpins, date de leur dernière victoire, la Suède n’était « plus nominée dans les prix, car c’était la routine » pour reprendre les palabres de Jonas Björkman, ancien numéro un mondial en double.  

Double et maintenant triple chez les Ymer. Dans la lignée de ses deux aînés, « Rafael », nom plutôt familier mais si dur à porter dans le microcosme de la balle jaune, a rejoint ses frères sur le court. Décembre 2021, alors qu’on a quitté Stockholm et qu’on baigne dans l’actualité des matchs par équipes, « Rafa » remporte l’ITF J5 de Bergen en Norvège, à 15 ans, son premier titre chez les juniors, en ne perdant qu’un seul petit set. Des débuts toujours scrutés qui lui permettent de prendre le matricule 797 au classement mondial. Ne lui mettons pas la pression mais accordons lui tout de même de l’attention !

2021 AUSTRALIAN OPEN Day 6 Mikael YMER (SWE) Photo © Ray Giubilo

Pour 2022, le self-made-man* accompagnera le clan Ymer. Des garçons qui ne font pas trop de bruit, mais qui souhaitent en faire auprès de la prochaine génération. Pour Mikael, « La chose principale, c’est d’être un homme du peuple, un homme bien ».  Dans l’attitude sur et en dehors du court. Mai 2020, en pleine pandémie de Covid-19, les frères Ymer s’associent à la Croix-Rouge suédoise et organisent une exhibition au Royal Swedish Tennis Hall de Stockholm. Une rencontre, certes à huis-clos, mais diffusée à la télévision et sur une plateforme pour un prix symbolique et un geste qui l’est tout autant, puisque les bénéfices ont été reversés à la lutte contre le virus. «  Je joue pour moi, ma famille, mon pays, mais aussi pour la prochaine génération. Je serais très heureux si je pouvais amener des enfants à poursuivre leurs rêves, d’y croire peu importe d’où ils viennent ».  Ända in i kaklet ! (endurance et persévérance) comme on dit là-bas !

 

Citation dernier paragraphe : émission Uncovered crée par l’ATP
Citation Söderling 4e paragraphe : propos recueillis par une radio publique suédoise

Citation Mikael 3e paragraphe : propos recueillis par le journal Dangens Nyheter
Photo de famille Ymer tirée du journal Dagens Nyheter (journal quotidien suédois)

Self-made-man* (terme anglo-américain) : Homme qui ne doit sa réussite matérielle et sociale qu’à lui-même

Exposition Vogue Paris au Palais Galliera : les 100 ans du magazine

À l’heure du tout numérique et de la sphère grandissante des influenceurs, alors que l’on peut désormais « shopper » en ligne sur le site de Vogue.fr, l’objet magazine revêt soudain une importance capitale. On le voit comme l’un des derniers refuges des années fastes de cette ligne exigeante de la mode où de nombreuses personnalités artistiques et littéraires contribuaient à donner le ton. Un manifeste d’une époque révolue qui ressurgit sous nos yeux à travers cette rotonde circulaire, qui ouvre le parcours, constituée de plus de mille couvertures en zigzag selon un parti pris scénographique en immersion.

L’exposition « Vogue Paris 1920-2020 », retardée d’un an en raison de la pandémie, retrace effectivement toute l’histoire du magazine à travers une rétrospective développée de façon chronologique et met en évidence le rôle majeur du magazine dans la diffusion de la création artistique, la célébration de Paris comme capitale internationale de la mode et – surtout – la construction du fantasme de la parisienne. Elle foisonne d’œuvres et de documents issus pour la plupart des archives de magazine, suscite l’intérêt et démultiplie les lectures, soutenues par des cartels explicatifs clairs et synthétiques.

Elle convoque et met notamment en lumière le talent des grands illustrateurs, et particulièrement des photographes, que Vogue Paris a promus : Hoyningen-Huene, Horst, Bourdin, Klein, Newton, Watson, Lindbergh, Testino, Inez & Vinoodh… Mais aussi les collaborations exceptionnelles avec de grands couturiers tels que Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld.

L’exposition se découvre également comme un « who’s who » de la mode française au cours des 100 dernières années, avec des photos de personnalités comme Catherine Deneuve, Kate Moss ou encore Jeanne Moreau. Elle souligne par ailleurs l’importance de la mode pour la société en général, les photos sélectionnées illustrant leurs époques successives, qu’il s’agisse d’images de période de guerre des années 1940 ou de celles marquant la crise économique des années 1970.

Aux commencements de Vogue Paris, le tennis.

Le 13 juin 1920, Suzanne Lenglen remporte ses premiers internationaux de France. Le pays la découvre et c’est un véritable choc. Son jeu est époustouflant. En effet, avec son footwork, son coup d’œil, sa frappe de balle, son service par le haut et son jeu à la volée, elle s’impose après-guerre comme le chef de file de l’avant-garde tennistique. Le journal britannique Morning Post, « lenglenophile », remarque que la Française fait « vieillir d’un siècle le jeu de fond de court stéréotypé des Anglaises ». Et tandis que les uns ne voient en elle que trépidation, les autres constatent qu’elle a tout simplement transformé en jeu athlétique une distraction féminine.

Si son jeu fascine, ses allures de femme fatale ont le même effet. En nette rupture avec les tenniswomen de son époque, elle  est le plus souvent vêtue d’une jupe plissée de soie blanche s’arrêtant juste sous le genou, un cardigan sans manche, des bas retenus par des jarretières et un épais bandeau de tulle pour maintenir ses cheveux. Elle incarne très vite le summum de l’élégance et une certaine idée de la femme parisienne.

À cette époque, la gestuelle sportive attire l’attention des artistes modernes, sensibles à l’esthétique de la vitesse, et la championne intrigue, au-delà des spectateurs avertis, la nouvelle génération de peintres, écrivains, sculpteurs et cinéastes. Mais elle plaît aussi aux grands noms de la mode et notamment à la maison d’édition de magazines Condé Nast. En effet, il n’y a pas de hasard… Le 15 juin 1920, exactement deux jours après le sacre de Suzanne Lenglen à Roland-Garros, Vogue Paris voit le jour et choisit de mettre le tennis à l’honneur pour sa première couverture. Réalisée par l’artiste américaine Helen Dryden, elle montre deux dames sur un court de tennis. Elles sont chics, émancipées, à la fois séduisantes et séductrices et représentent parfaitement le mythe de la Parisienne que le magazine fera perdurer pendant un siècle. Durant les années qui suivront, le tennis sera en couverture de Vogue à deux reprises : en novembre 1921 et en juin 1932.

Si vous souhaitez contempler ces œuvres fascinantes, et vous imprégner de leur histoire, il faudra vous dépêcher car l’exposition se termine le 30 janvier.

Buying a memory

The Australian Open has become the first tournament in tennis history to go NFT!

During the early 2000s, in the heyday of digital piracy, the Intellectual Property Office of Singapore and the Motion Picture Association announced a joint campaign to combat the unauthorised distribution of digitised goods such as films, songs, and entire albums. Akin to the war on drugs, the initiative targeted end-users, with a short clip included at the beginning of films recorded on DVD, making it clear to unsuspecting cinephiles that, should they copy said film, they might as well join a gang and embrace the life of crime.

“You wouldn’t steal a car,” the warning proclaimed. “Downloading pirated films is stealing. Stealing is against the law. PIRACY. IT’S A CRIME.”

Heavy-handed and out of touch, the campaign fell prey to spirited internet-goers and was promptly turned into a popular meme. “You wouldn’t download a car,” it said.

Fast forward to 2021, and the ascent of platforms such as Prime and Spotify all but wiped out the idea of digital piracy.

While these days, your ex-girlfriend’s flatmate’s extended family are free to use your Netflix account to binge-watch the second season of Emily in Paris, it is likely they still wouldn’t download a car (bar unexpected advancements in 3d printing technology).

However, if you are a die-hard tennis fan, the Australian Open would love you to download a chair.

2021 was a strange time for anyone with access to the Internet. On the one hand, it made us painfully aware of how much grief, devastation, and misery the pandemic ravaging the world has caused. On the other, it showed us that the world, reality-based or digital, will plough on.

When the idea of NFT was conceived in 2014, saying “I have a Non-Fungible Token” was sure to cause your interlocutor to cast a nervous look and awkwardly shift away. Seven years later, the same words evoke a feeling of envy.

From a $4 video clip sold as the first NFT in 2014 to a digital collage that took digital artist Mike Winkelmann aka Beeple 13 years to complete, and which then, in 2021, fetched the mindboggling price of $69,000,000 through an auction at Christie’s, Non-Fungible Tokens have enjoyed an impressive rise in status.

But what NFTs actually are? According to investopedia.com, they are “cryptographic assets on a blockchain with unique identification codes and metadata that distinguish them from each other.” And in human language? They are unique digital assets, such as a picture or a video clip, with a blockchain-based certificate of authenticity and ownership—the same technology that protects cryptocurrencies. As with all digital goods, they can be easily copied and duplicated, but the use of a blockchain ensures the identity of the author as well as the owner.

The NFT craze and the "Bored Ape Yacht Club", a kind of digital Panini card featuring wacky monkeys, have been invading the web since this summer

In the world of sports collectibles, the project that brought NFTs into the public consciousness is NBA TopShot—a tokenised collection of NBA and WNBA highlights that fans can buy and proudly own. While some way off from the prestige of a championship ring or match-worn Michael Jordan trainers, these pieces of basketball history are nevertheless highly sought after and often go for five- or even six-digit sums. With TopShot’s success, a blueprint for fan engagement (and an additional revenue stream) was created.

These days, a keen (and wealthy) tennis fan with the soul of a collector is offered an exciting range of opportunities. As tennis personalities and organisations are racing to outdo each other in NFT-enabled fan experience, the competition has opened a whole range of digital doors.

In July 2021, wenewmoments.com, a self-proclaimed “curator and provisioner of iconic moments” announced a $177,777 sale of Andy Murray’s 2013 Wimbledon winning moment. If that seems like a steep price for a 10-second clip from a TV broadcast of Novak Djokovic putting a backhand into the net, that’s because it is. To further entice potential buyers, the winning bid was also entitled to a collection of Andy Murray-signed memorabilia, two tickets to the Wimbledon 2022 men’s final, and a half-hour hit with Sir Andy Murray himself.

Tennis NFTs seem to be limited only by the imagination of their creators, and while some of them are more closely related to art as we know it (Naomi Osaka and her sister Mari’s digital art on basic.space), others try to be more interactive. WTA’s world number 18, Jessica Pegula, for example, is selling the Jessica Pegula Limited Edition NFT trading cards, whereas three-time major winner Stan Wawrinka has put his name to a whole game—the Ballman project. Users who buy his Ballman NFTs are given access to virtual tournaments where they can win tangible memorabilia by competing against others.

Stan Wawrinka also got into NFTs with the "Ballman" project!

During the summer swing of the 2021 tennis season, fans were able to buy collectible Champion Cards depicting iconic moments in the US Open history. Following the trend set by other tennis NFTs, the cards came with actual memorabilia. For example, Andy Roddick’s 2003 US Open winning moment was accompanied by an original framed ticket from the 2003 US Open Men’s Final and courtside tickets to the 2022 US Open Men’s Singles final.

One of the more creative solutions was served up by this year’s Australian Open. In partnership with Decentraland, they created 6776 virtual tennis balls for sale, each assigned to a 19×19 cm square on an AO tennis court. Every time a winning shot lands in that square during the tournament, the NFT ball will be updated in real-time with match and ball-tracking data, creating a very unique piece of digital memorabilia. To sweeten the deal even more, should a championship point fall on a given square, the corresponding owner will receive the actual tennis ball used in the match in a decorative case.

With Non-Fungible Tokens being the hot-new thing, opportunities like these disappear almost as soon as they become available. In the grand scheme of Australian Open viewership, only the lucky few will be able to enhance their watching experience by tracking their own NFT tennis ball. Mimicking the world of art, the scarcity of these digital goods creates demand and increased value. At present, the way sports NFTs are marketed and sold puts the emphasis more on the experience of buying and owning one, rather than the actual piece of art itself.

The rest of us who long for a digital piece of tennis history, but happen not to be Bitcoinnaires, have to resort to more muted expressions of fandom, and Tom Mizzone, CEO of an NFT marketplace Sweet, has just the thing for us.

“We love this idea of turning IP into digital memorabilia and tying that memorabilia back to an experience—the idea that the AO designed an umpire chair that had never been seen before and now tennis fans can own and display that umpire chair as an NFT is just amazing—it’s truly a new level of access.”

But you wouldn’t download a chair. Or would you?

Acheter un souvenir

Le phénomène NFT a même gagné le tennis et l'Open d'Australie sous la forme de balles multicolores !

Au début des années 2000, à l’apogée du piratage numérique, l’Office de la propriété intellectuelle de Singapour et la Motion Picture Association ont annoncé une campagne commune pour lutter contre la distribution non autorisée de produits numérisés tels que des films, des chansons et des albums entiers. À l’instar de la guerre contre la drogue, l’initiative vise les utilisateurs finaux, avec un court clip inclus au début des films enregistrés sur DVD, indiquant clairement aux cinéphiles peu méfiants que, s’ils copient ledit film, ils pourraient aussi bien rejoindre un gang et embrasser la vie de criminel.

“Vous ne voleriez pas une voiture”, proclamait l’avertissement. “Télécharger des films piratés, c’est voler. Le vol est contraire à la loi. LE PIRATAGE. C’EST UN CRIME.”

Lourde et déconnectée de la réalité, la campagne est devenue la proie d’internautes fougueux et s’est rapidement transformée en un mème populaire. “Vous ne téléchargeriez pas une voiture”, disait-on.

Avance rapide jusqu’en 2021, et l’ascension de plateformes telles que Prime et Spotify a pratiquement effacé l’idée de piratage numérique.

Si, de nos jours, la famille élargie de votre ex-copine est libre d’utiliser votre compte Netflix pour regarder la deuxième saison d’Emily à Paris, il est probable qu’elle ne téléchargerait pas une voiture (sauf avancée inattendue de la technologie d’impression 3D).

En revanche, si vous êtes un fan inconditionnel de tennis, l’Australian Open aimerait que vous téléchargiez une chaise.

L’année 2021 a été une période étrange pour quiconque avait accès à Internet. D’une part, elle nous a fait prendre douloureusement conscience de l’ampleur du chagrin, de la dévastation et de la misère causés par la pandémie qui ravage le monde. D’autre part, elle nous a montré que le monde, qu’il soit réel ou numérique, continuera à avancer.

Lorsque l’idée du NFT a été conçue en 2014, dire “J’ai un jeton non fongible” était sûre de provoquer chez votre interlocuteur un regard nerveux et un déplacement maladroit. Sept ans plus tard, ces mêmes mots suscitent un sentiment d’envie.

D’un clip vidéo à 4 dollars vendu comme le premier NFT en 2014 à un collage numérique qui a pris 13 ans à l’artiste numérique Mike Winkelmann, alias Beeple, et qui a ensuite, en 2021, atteint le prix ahurissant de 69 000 000 dollars lors d’une vente aux enchères chez Christie’s, les jetons non fongibles ont connu une ascension impressionnante.

Mais que sont réellement les NFT ? Selon investopedia.com, ce sont des “actifs cryptographiques sur une blockchain avec des codes d’identification uniques et des métadonnées qui les distinguent les uns des autres.” Et en langage humain ? Ce sont des biens numériques uniques, comme une photo ou un clip vidéo, avec un certificat d’authenticité et de propriété basé sur la blockchain – la même technologie qui protège les crypto-monnaies. Comme tous les biens numériques, ils peuvent être facilement copiés et dupliqués, mais l’utilisation d’une blockchain garantit l’identité de l’auteur ainsi que du propriétaire.

The NFT craze and the "Bored Ape Yacht Club", a kind of digital Panini card featuring wacky monkeys, have been invading the web since this summer

Dans le monde des articles de sport à collectionner, le projet qui a fait entrer les NFT dans la conscience du public est NBA TopShot – une collection de jetons des meilleurs moments de la NBA et de la WNBA que les fans peuvent acheter et posséder fièrement. Bien que loin du prestige d’une bague de championnat ou de baskets Michael Jordan portées en match, ces pièces de l’histoire du basket-ball sont néanmoins très recherchées et se vendent souvent pour des sommes à cinq, voire six chiffres. Avec le succès de TopShot, un modèle d’engagement des fans (et une source de revenus supplémentaire) a été créé.

Aujourd’hui, un fan de tennis passionné (et fortuné) qui a l’âme d’un collectionneur se voit offrir un éventail de possibilités passionnantes. Alors que les personnalités et les organisations du tennis s’efforcent de se surpasser les unes les autres en matière d’expérience des fans grâce au NFT, la compétition a ouvert toute une série de portes numériques.

En juillet 2021, wenewmoments.com, qui s’autoproclame “conservateur et fournisseur de moments emblématiques”, a annoncé la vente pour 177 777 dollars du moment de la victoire d’Andy Murray à Wimbledon en 2013. Si cela semble être un prix élevé pour un extrait de 10 secondes d’une émission de télévision montrant Novak Djokovic plaçant un revers dans le filet, c’est parce que c’est le cas. Pour séduire davantage les acheteurs potentiels, l’enchère gagnante donnait également droit à une collection de souvenirs signés Andy Murray, à deux billets pour la finale masculine de Wimbledon 2022 et à un entretien d’une demi-heure avec Sir Andy Murray lui-même.

Les NFT de tennis ne semblent être limités que par l’imagination de leurs créateurs, et si certains d’entre eux sont plus proches de l’art tel que nous le connaissons (l’art numérique de Naomi Osaka et de sa sœur Mari sur basic.space), d’autres tentent d’être plus interactifs. La numéro 18 mondiale de la WTA, Jessica Pegula, par exemple, vend les cartes à collectionner Jessica Pegula Limited Edition NFT, tandis que Stan Wawrinka, triple vainqueur de tournois majeurs, a mis son nom sur un jeu entier, le projet Ballman. Les utilisateurs qui achètent ses NFT Ballman ont accès à des tournois virtuels où ils peuvent gagner des souvenirs tangibles en se mesurant aux autres.

Stan Wawrinka also got into NFTs with the "Ballman" project!

Pendant le swing estival de la saison de tennis 2021, les fans ont pu acheter des cartes de champion à collectionner représentant des moments emblématiques de l’histoire de l’US Open. Suivant la tendance établie par d’autres tournois de tennis, les cartes étaient accompagnées de véritables souvenirs. Par exemple, la victoire d’Andy Roddick à l’US Open 2003 était accompagnée d’un billet original encadré de la finale masculine de l’US Open 2003 et de billets pour la finale du simple masculin de l’US Open 2022.

L’une des solutions les plus créatives a été proposée par l’Open d’Australie de cette année. En partenariat avec Decentraland, ils ont créé 6776 balles de tennis virtuelles à vendre, chacune étant affectée à un carré de 19×19 cm sur un court de tennis de l’AO. Chaque fois qu’un coup gagnant atterrira dans ce carré pendant le tournoi, la balle NFT sera mise à jour en temps réel avec les données de suivi des matchs et des balles, créant ainsi une pièce unique de souvenir numérique. Pour rendre l’affaire encore plus intéressante, si un point de championnat tombe sur une case donnée, le propriétaire correspondant recevra la balle de tennis réelle utilisée lors du match dans un étui décoratif.

Les jetons non fongibles étant à la mode, des opportunités comme celles-ci disparaissent presque aussitôt qu’elles sont disponibles. Dans l’ensemble des spectateurs de l’Open d’Australie, seuls quelques chanceux pourront améliorer leur expérience en suivant leur propre balle de tennis NFT. À l’instar du monde de l’art, la rareté de ces biens numériques crée une demande et une valeur accrue. À l’heure actuelle, la commercialisation et la vente des NFT sportifs mettent davantage l’accent sur l’expérience d’achat et de possession d’une balle que sur l’œuvre d’art elle-même.

Ceux d’entre nous qui aspirent à un morceau numérique de l’histoire du tennis, mais qui ne sont pas des bitcoinnaires, doivent recourir à des expressions plus discrètes de leur ferveur, et Tom Mizzone, PDG d’une place de marché NFT Sweet, a exactement ce qu’il nous faut.

“Nous aimons cette idée de transformer la propriété intellectuelle en souvenirs numériques et de lier ces souvenirs à une expérience – l’idée que l’AO a conçu une chaise d’arbitre qui n’avait jamais été vue auparavant et que maintenant les fans de tennis peuvent posséder et afficher cette chaise d’arbitre en tant que NFT est tout simplement incroyable – c’est vraiment un nouveau niveau d’accès.”

Mais vous ne téléchargeriez pas une chaise. Ou bien si ?

Maxime Cressy : « Devenir n°1 en pratiquant le service-volée ! »

Le canonnier franco-américain Maxime Cressy en action sur les courts de Melbourne (Crédits photo : ActionPlus/Icon Sport)

Valeur montante du circuit, le Franco-Américain Maxime Cressy a intégré le top 100 en début d’année à la faveur de sa première finale à l’ATP 250 de Melbourne contre Rafael Nadal. Ambitieux et décomplexé, ce serveur-volleyeur « à l’ancienne » est revenu pour Courts sur son parcours atypique entre la France et les Etats-Unis.

 

Courts : Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Maxime Cressy, j’ai 24 ans et je suis Franco-Américain. J’ai commencé à jouer sur les circuits Future et Challenger en 2019. La même année, j’ai eu mon diplôme en mathématiques et en économie à UCLA. J’habite entre Paris et Los Angeles. Je suis un serveur- volleyeur qui vient de commencer sur le circuit et qui est en pleine forme !

 

C : Qu’avez-vous appris pendant ce cursus universitaire aux États-Unis ?

Au début, mon objectif ce n’était pas forcément d’aller sur le circuit professionnel. Je me suis passionné pour les mathématiques, j’ai fait du coding informatique. J’ai aussi développé une passion pour la méditation et le yoga. Grâce à cette vie en dehors du tennis, j’ai acquis un certain relâchement. Si je ne réussis pas dans ma carrière sportive, j’ai quelque chose à côté qui me permet d’avoir une vie équilibrée.

 

C : Quand vous êtes rentré à l’université, vous ne pensiez pas à devenir un joueur professionnel ?

Mon objectif c’était d’avoir un diplôme comme mon grand frère et de vivre une vie normale aux États-Unis. J’aurais sûrement fait du coding, je serais peut-être devenu programmateur vers San Francisco ou quelque chose comme ça. A partir de ma 3e année j’ai commencé à avoir de très bons résultats avec l’équipe. C’est seulement à l’âge de 20 ou 21 ans que j’ai décidé d’aller sur le circuit.

 

C : Qu’est-ce qu’il y a de plus français en vous ?

Mon amour de la nourriture française (rires). Mais je me sens autant français qu’américain. C’est juste que j’ai fait un choix après l’université. J’ai décidé de choisir les États-Unis parce que c’est en université américaine que j’ai développé mon identité de jeu. A l’époque, je n’étais même pas classé à l’ATP et je ne pensais pas progresser aussi rapidement.

 

C : Vous avez une attitude très démonstrative sur le court, ce « fighting-spirit » est-il inné ou acquis ?

Je l’ai appris dans une académie en Californie, quand j’avais 17 ans. J’avais un coach qui voulait que les joueurs s’encouragent d’avantage et montrent leur esprit d’équipe. C’est à ce moment que j’ai développé cet instinct de m’encourager et d’encourager les autres. Et lors des championnats universitaires, je me suis lâché. Je n’ai pas hésité à montrer mes émotions. J’ai gardé cette attitude sur le circuit, même si je me suis un peu calmé. Mais ce « fighting-spirit » est toujours en moi.

 

C : Comment et quand avez-vous fait le choix assez radical du service-volée ?

A l’âge de 14 ans, j’ai eu une douleur au coude qui m’empêchait de jouer du fond du court. Et comme je suis très compétiteur et que je ne veux jamais abandonner, j’ai essayé de faire service-volée. Et cette sensation de finir les points au filet, c’était la meilleure sensation que j’ai expérimentée sur le court ! Donc j’ai opté pour ce style. Et j’espère donner envie à beaucoup de gens de jouer comme ça.

 

C : Parmi vos sources d’inspiration, vous citez Pete Sampras et Patrick Rafter, peu commun pour un joueur de 24 ans…

J’ai des grands frères qui regardaient Pete Sampras, Andre Agassi ou Pat Rafter. J’ai regardé des vidéos de leurs matches sur Youtube. J’ai une grande fascination pour ce tennis un peu vintage, parce que j’admire le calme et la constance de ces joueurs. Ces joueurs m’ont donné beaucoup d’espoir. Sans eux, je n’aurais pas cru autant au service-volée.

 

C : Qu’est-ce que ça fait de jouer sur le stadium Arthur Ashe, le plus grand court du monde, contre Stefanos Tsitsipas (ndlr en 2020 au 2e tour de l’US Open) ?

 C’était vraiment une sensation spectaculaire, même s’il n’y avait pas beaucoup de monde. Malheureusement, je me suis senti un peu étouffé par tout cet espace. Je n’étais pas vraiment prêt pour jouer dans ces conditions. Ça reste une expérience unique. J’espère que c’est un court où je vais jouer régulièrement. J’ai aussi joué sur la Rod Laver Arena contre Alexander Zverev, c’était une belle expérience.

 

C : Quand vous jouez face à ces joueurs du top 5, qu’est-ce que vous vous dîtes : « il y a encore du travail ou finalement je ne suis pas si loin » ?

Franchement, j’ai 100 % confiance en moi pour pouvoir les battre. Et maintenant c’est juste une question de temps pour pouvoir être dans le top 50. Et quand j’arriverai à en battre un cela va beaucoup m’aider.

 

C : Quel est votre objectif pour 2022 ?

Mon objectif n’est pas le top 100. Je n’ai qu’une vision, c’est d’être numéro un mondial. Je me suis souvent fixé des objectifs à court terme et ça m’a limité. Donc j’ai décidé d’avoir une vision : devenir n°1 en pratiquant le service-volée.

Le souriant américain posant avec le deuxième numéro en anglais de Courts lors du Challenger de Pau en novembre 2021 (Crédits photo : Bastien Guy)

Like the Greatest Books,

the Naomi Osaka Story

Is One You Can’t Put Down

2019 © Ray Giubilo

Sat in a restaurant, celebrating her 22nd birthday, Naomi Osaka turned to her mother to ask a poignant question. 

“Did you think, by the age of 22, I would have done more? Or do you think this is acceptable?”

At that moment, Osaka was the world number one women’s tennis player. She had won two Slam titles. She would soon become the highest-paid female athlete of all time over a single 12-month period.

It’s unimaginable to the layman that this wouldn’t be enough. Most tennis players who spend years slogging around the globe, splitting their hours between hotel rooms, airport waiting lounges and practice courts, will never come close to winning a major title. For some, a foray into the top-100 – a remarkable achievement in any walk of life, albeit less celebrated in the sporting world – will be the pinnacle of their career. Others will spend a decade or more in the lower rungs, and never even qualify for a Grand Slam tournament. 

How could it be, then, that Osaka could feel this way? How could one so talented, so dedicated feel so insecure over her success? 

The insatiable thirst for glory that dominates the psyche of the greats of the sporting world paints too simplistic a picture. Osaka is a fascinatingly unique character. One incomparable to any other figure in sport. 

Her question to her Japanese mum, Tamaki – who was quick to reassure her daughter that, yes, of course, she has exceeded the wildest expectations – was captured in a newly-released three-part Netflix docuseries focused on Osaka’s rise from days spent hitting balls back and forth with her Haitian father, Leonard Francois, and older sister, Mari.

Approached by American basketball legend LeBron James’s film company, SpringHill Entertainment, Osaka signed up to work with director-producer Garrett Bradley to document, what could be described as, Chapter One of her life. 

While the sports documentary world is booming, it is unusual for an athlete as young as Osaka to be its centre point. Andy Murray, by comparison, was 32 when Resurfacing was released. However, those close to her argue that the piece should be viewed in the same cultural sphere as 19-year-old American singer Billie Eilish’s recent release, The World’s a Little Blurry. Osaka, in their view, should be perceived in a lens wider than mere athleticism.

Stylistically, Murray and Osaka’s films couldn’t be more different. Murray, perhaps more comfortable in his own skin, some 10 years Osaka’s senior, is clearly content in the camera’s presence. Osaka, by contrast, is filmed at arm’s length. While Murray is happy to let his dry, playful Scottish humour loose, offering scathing analysis of the media, and opening up about the emotional and physical trials of rehab, there are few moments where you feel close to Osaka, who is intriguingly introverted. 

However, like Murray, the moments she is most willing to let her guard down are not those filmed by a camera crew. Rather, they are in video diary format, sat talking to her mobile phone. 

Three days after failing to defend her Australian Open title in 2020, slumping to a third-round loss to Coco Gauff, Osaka grieved the tragic death of American basketball star Kobe Bryant, who had been a close friend and mentor to her.

“I felt so similar to him,” she says in her self-shot footage, before adding: “So I’m feeling like I let him down, like, I’m supposed to carry on his mentality in tennis and here I am… I haven’t won a Grand Slam. Like, I’m losing matches because I’m mentally weak… that’s so uncharacteristic of him.”

Fighting back tears, she laments a text message unsent before his death. “We’re having all these talks and I’m not even doing what we’re talking about,” she says. “So, it’s like, I’m just gonna text him again, like, ‘How do you deal with this situation?’ And then I didn’t text him that cause I didn’t wanna feel like a loser, and now I’ll never have the chance to talk to him again. I don’t know, like wow.”

While that is a rare example of raw emotion on show in the three-episode series, the context surrounding Osaka is fleshed out. 

Her career path was chosen for her. Soon after she could walk, she was taken to tennis courts to hit for eight hours a day. Almost off the cuff, she remarks, she must “become a champion or probably be broke”. 

A champion she has become. Money will now never be an issue to the Osaka clan. 

However, while clearly there is steely determination to further add to her legacy on the court, there is also a sense of desperation to expand her horizons and portfolios – best demonstrated by her exploration of the fashion world. 

It feels as though she wants to experience aspects of life that were perhaps denied to her in her family’s relentless pursuit of tennis greatness. As she herself admits, she was “a vessel” for her parents’ ambitions.

2021, AUSTRALIAN OPEN © Ray Giubilo

Still, while clearly there was an internal struggle behind the scenes – brought to life by the documentary – the Osaka story, as perceived by the wider world, has been nothing but a smooth, glorious transition to the top. 

At the start of 2021, just before filming halted, and after a broken and extended two-year spell – in large part due to the Coronavirus pandemic – Osaka won a fourth Grand Slam title at the Australian Open. 

As insiders of the Osaka camp will readily admit, there was little to no negative coverage of this multicultural superstar, who is not only a gritty champion on court but a quirky, thoughtful character off it. 

Indeed, she has been hailed for her activism, championing causes such as Black Lives Matter. In the aftermath of George Floyd’s death, she joined other sports stars in boycotting their matches in protest of police brutality. Such is her influence, the entire tennis world stopped for 24 hours. A fortnight later, she had won a second major title at Flushing Meadows, having worn, during each of her matches, masks emblazoned with the names of seven different black victims of violence in America. 

Her stock simply just continued to rise. Forbes rated Osaka’s 12-month earnings at an astonishing $60 million in 2021, smashing the women’s record she had set a year earlier. 

Heading into the French Open, the only major challenge that appeared at her doorstep was tennis-focused: would she be able to adapt her hard-court dominance to the, so far, less-successful clay and grass? 

Now, the landscape has significantly changed. A smooth sail, at least in the public eye, to become the most marketable athlete in the history of women’s sport had now entered choppy waters. Welcome to Chapter Two. 

By her own admission, Osaka’s handling of the press conference row that engulfed the French Open was clumsy, at best. Claims that written media had used the forum to “kick a person while they were down” were demonstrably untrue – particularly in relation to her own media engagements – and few on the tour supported her suggestion that the format should be changed. 

Speaking ahead of the US Open, she reflected: “There’s a lot of things that I did wrong in that moment, but I’m also the type of person that’s very in the moment. Like, whatever I feel, I’ll say it or do it. If I could go back I would say, ‘Maybe think it through a bit more.’ I didn’t know how big a deal it would become.”

To suggest Osaka was the only one in the wrong would be a total fabrication. Threats from the Grand Slams to exclude her from tournaments after refusing to partake in her media commitments were petty and heavy-handed, while those loud, rent-a-gob pundits, who attacked her character, showed an utter lack of compassion in what should have been a sensitively handled issue. 

Ultimately, the saga was tennis’s loss. Osaka withdrew from the French Open, and subsequently skipped Wimbledon to focus on her mental wellbeing. Unnecessarily, the sport was without one of its biggest stars for two of its biggest events in 2021.

© Art Seitz

She returned to court – in hindsight, perhaps prematurely, although in the context of a home Olympics, completely understandably – at Tokyo 2020. What started as a moment of great pride, as she was bestowed the honour of lighting the Olympic torch, ended in a disappointing defeat to Markéta Vondroušová. She admitted afterwards that she didn’t “cope with the pressure”. 

Osaka soon returned to the headlines in Cincinnati when her first press conference since the French Open row was tearfully interrupted. Asked by a local reporter, Paul Daugherty, of the Cincinnati Enquirer, how she intends to marry the discomfort of dealing with the press and external interests that are served by having a media platform, she gave an insightful response on how she is “not really sure how to balance the two” before the moderator had to press pause and usher her out of the room. 

While Osaka returned to answer a further question in English, and several in Japanese, the fireworks had begun. Her agent, Stuart Duguid, promptly released a statement branding the reporter a “bully”, and claiming that his “sole purpose was to intimidate”. 

Once again, external noise had blown way beyond Osaka’s control, and her tennis didn’t do the talking. She was beaten by unfancied Swiss Jil Teichmann. 

It was a similar story in New York as her title defence was ended by Leylah Fernandez – the Canadian teenager who went on to lose to Britain’s Emma Raducanu in the final. 

Both Teichmann and Fernandez dismissed many other top-class performers in their respective runs to the finals in Cincinnati and at the US Open, but the results were enough to convince Osaka that she needed to step away from the sport again. 

“I feel like for me, recently, like, when I win, I don’t feel happy,” Osaka said while fighting back tears after her US Open defeat to Fernandez. “I feel more like a relief. And then when I lose, I feel very sad. I don’t think that’s normal. I didn’t really want to cry, but basically, I feel like… I feel like I’m, kind of, at this point where I’m trying to figure out what I want to do, and I honestly don’t know when I’m going to play my next tennis match. But I think I’m going to take a break from playing for a while.”

So here we are – in the present. One of the sport’s most engaging, thought-provoking, talented, and marketable athletes is unsure of what lies ahead. 

If, from the outside, Chapter One appeared to be a straightforward, meteoric rise to the top, it overlooked the internal turmoil that rested within. 

Future documentaries on Osaka have been tentatively floated – although it’s understood they will likely be produced from within her camp next time – so further accounts are expected to be offered to explain this tumultuous period and connect some of the dots. 

For now, what is clear is that this is a young athlete at a crossroads in her life. The life she’s always known – one that has made her so admired, wealthy, and successful – is one that is currently not bringing her joy. Osaka is a deeply inquisitive and intriguing character, who challenges cultural norms, and who won’t simply accept the status quo. She’s a person who is socially awkward, but artistically talented, and caring about a world far beyond her own. 

What isn’t so obvious is where she goes next. Will she come back with a vengeance, rediscovering that fire and fight that made her the world’s best? Or will she decide, as is her right, to focus her efforts on other passions, to master other crafts? 

As was evident in her questioning of her own success, Osaka is one to deeply review and assess her own standing. Has she done enough? Can she do more? Is it all worth it? 

What she decides and when that decision will come remains unknown. For now, we have to wait patiently to turn the page to the start of Chapter Three. 

 

Story published in Courts no. 2, autumn 2021.

2021, US OPEN © Ray Giubilo

Elegant, Competitive, Global

Roger Federer 

On His Two Decades on Tour

© Ray Giubilo

“I thought to myself, if the greatest player ever, Roger Federer, sat next to me one day on my 30- minute train journey into work, what would we talk about? What do I want to know from him? And in one word it came down to longevity, which was also relevant to the heritage of the Wilson brand. I wanted to know how this guy with four kids who’s a couple of years away from being forty is still able to compete at the very highest level in professional tennis.”

That was the challenge Courts Magazine and Wilson set for Louis Castellani. When the 45-year old, father of two, and life-long tennis fan is not being a lawyer in London, he’s on a tennis court or messing around with his hobby Instagram account @vintage.tennis. His tennis idols are Borg, Lendl, Sampras, and Federer.

August 2019. Roger was competing in Cincinnati and had beaten Juan Ignacio Londero 6-3 6-4 the day before. Louis was on vacation sipping a Campari when suddenly his phone rang from a mysterious Swiss mobile phone number: “Hi, it’s Roger…”

 

Louis Castellani: You’ve been on tour for a couple of decades and, in that period, you’ve maintained the highest of levels ever. At this stage of your career, what is the hardest part of life on tour? 

Roger Federer: I think organising the entire family to get on the road takes major organisation and planning skills, but also patience, because it’s just a lot of work. But as long as it is all worth it, and the kids are happy on the road, and we are having a good time, it’s all good. 

As a player, I think it’s just how you keep the fire burning because I’ve been to certain tournaments for 20 straight years. You still want to make it as special as it would be your first, second, third time, or like when you first tried to defend that title. 

I think just being able to keep that going, I need a really strong team around myself that also helps me to squeeze that extra one percent out of me, and reminds me to bring the energy for the next match. In terms of physicality, I think just listening to the body, the signs, and managing a good schedule.

 

LC: The physicality of playing on tour for a long period of time, has that required you to adapt what you do off the court with training and fitness?

 RF: I think, in the beginning, when you’re younger, you have to put in the hours, and be able to stay focused, prove to yourself that you can stay with your opponents, focus on the ball for two, three, four, five hours a day. And that also physically, you can endure the stress and everything. 

It’s one thing doing it in practice, but it’s also another thing being able to prove it in matches when the stress level gets greater. You could cramp because of stress, playing with fatigue like jet lag, changing surfaces from one day to the next. In the beginning it’s all a learning experience, but you have to learn quick. 

And then later, you know it all so you don’t have to work on it that much anymore. I believe in quality over quantity, if you like. 

 

LC: You mentioned jet lag there. I think we underestimate the effect it has on those early rounds when players arrive just a few days beforehand. Do you have to think about that as part of the schedule? 

RF: 100 percent. That’s why you sometimes, as a professional, can say, “OK, I’m going to sacrifice a few more days at home to leave early for the tournament to get over the jet lag”. The thing is, you just don’t know if that’s really going to make a difference in the draw, and sometimes being home for a bit longer makes you maybe a bit more happy, so you always have to weigh it – is it worth it? 

But that’s why maybe you would try to have a schedule that doesn’t make you go from South America to Asia to America to Europe to Africa to America, so you try to have it in swings rather. But I do believe when you’re playing with jet lag, you have a bigger risk of injuring yourself. 

The body might be sleeping and you’re awake or vice versa. Maybe you’re feeling all of a sudden tired when the third set rolls around. I do believe how you manage jet lag and how you manage your flight and pre-flight routines make a difference in your health throughout your career.

© Antoine Couvercelle

LC: We often hear tennis pundits talk about the challenges of playing five sets because it doesn’t happen at that many tournaments anymore. What’s the toughest bit of recovery for the next match when you’ve won in five sets?

RF: I really think you can’t put a finger on it. I think the overall energy comes down a little bit, that explosiveness maybe, you know, that peak of point for point mentality, and that sharpness you have maybe has just been shaven off a little bit when you’ve played a five-setter, so you really have to give extra effort to recreate that energy. 

That’s one thing I see that maybe younger guys struggle with the most, and maybe even when you get older, too, but obviously the problem is, if you’re playing five sets, and you’re carrying somewhat of an injury, that injury will only increase as the tournament goes on, and that’s why people do say, “you can’t win a slam in the first week, but you could definitely lose it”. 

 

LC: You touched on injury there. How do players play through an injury and still manage to be competitive on tour?

RF: I think it’s important to listen to your body and understand the signs of the body, and as long as you know that the injury cannot get worse, or much worse, it’s worth playing, I believe. 

If you know that you could literally snap a tendon or you could break something by playing further, if that’s going to really damage the future of your career or take you out of the game for a long period of time, you’ve got to really weigh it up – is it worth it, you know. 

But then, you could always just not walk on court the day of the match, just because it’s like, “I just cannot take this chance right now,” but more often than not, I believe you can navigate through the pain or the injury and I always tell myself, well maybe my opponent is also carrying something, or maybe it’s gonna start raining. You never know, but you might get lucky, and you win a match, and the next day you feel better. 

 

LC: Do you consider the November-December period before Australia as your off-season for recovery or your pre-season to prepare, or a bit of both? 

RF: Yeah, I mean, obviously, it sort of resets January 1st in a way. It used to be the classic off- season where you’re taking a break and then you’re really having the pre-season right after and you train really hard. 

But since I schedule a bit differently now and I have a family as well, I have several of these blocks – usually two of them: one at the end of the year and one mid-year. In the previous years, I had one during the clay-court season. 

This year, I didn’t because I’m still profiting, I think, from working hard in those off-seasons. I think they’re very crucial for a player because when you are able to take six to eight weeks off, take a proper break of, maybe, 10 days to two weeks, and then train really hard physically, and eventually also add tennis to that, you can really improve your potential. 

The problem is that if you’re only playing tournaments all the time, and not taking enough time to practise, you actually will not really improve. You become a better match player, you become match tough and all that, but actually your shots or your game are not really evolving and that’s why I’m a big believer in training blocks. 

And very often you see, when somebody does return from injury, how hungry, fresh and rejuvenated they are, you know, you see it very often so it shows taking breaks sometimes is a good thing. 

 

LC: In 3 words how would you describe the tennis culture today? 

RF: I think tennis has always been an elegant sport, so I’d say elegant. I think people see it that way, too. There is, sort of, the ballerina aspect as well that we have on the tennis court. I think it’s an arena sport, you know, in a way. I think the stadium’s big but not too big so it’s intimate and really elegant. It may be one of the most global sports. We go on the world tour from January to November, so I always compare it to us being musicians going on a world tour. Musicians don’t do it every single year but we have to, and we do it every single year so I think it’s super global. And then, I just think it’s competitive. It’s super competitive. There’s a lot of tennis players out there. With that ranking system, you have to defend what you did the year before. You’re only as good as your next match, and it makes it very hard, you know, in some ways, to be at the top, and I think the competition is huge, so I’d say it’s elegant, global, and competitive.

Australian Open, 29/1/2017, Men's Final © Ray Giubilo

LC: Has tennis taught you any lessons over the years that you think are relevant to real life off court? 

RF: Oh yeah, of course. I think anticipation. On a tennis court, we anticipate every single move, “Is he going to play there or there?” I think, in life you sometimes do the same. We try to plan a lot, and as tennis players we have to make decisions, micro decisions, “What’s going to happen next, where shall I serve, what am I going to do.” 

But then, also just in general, too, from a business perspective, I have to make so many decisions. And then when it comes to being able to battle through the sort of perseverance that we were talking about before, you know, fighting through injury, overcoming tough moments, coming back from defeat, how do I handle it now coming back from my Wimbledon loss. How do you get back from a moment like this and how you stay motivated after you’ve won it all – I’ve done that. I see a million things that I’ve learned from tennis and I’m super grateful. 

 

LC: You talked about the business world before. Relationships come and go, and in tennis, you very rarely see an athlete stay with the same set of partners for their full career. You’ve done that with Wilson. 

RF: Wilson is very strong on grass roots, you know. As a junior, you’re not really aware of it, all I remember is that a lot of my friends all played with Wilson racquets, and then my heroes played Wilson, as in Sampras and Edberg, and that’s the racquet I wanted to play with. 

And then when I got to know them, even at a junior level, they were all very supportive and helpful when it came to providing a grip here or a string there or whatever. I just always felt like the local people at Wilson were really well-equipped to help a young player to feel special. I think that was nice for me especially with my parents who come from very normal backgrounds. We were happy with any support we could get, like getting a free racquet which was very helpful at a young age. 

I think, in some ways, you are also forever grateful for that. And then, just getting to know top management and the people at Wilson, I feel it’s a family, and I always had a great time with them. We never had any issues and I don’t see myself ever changing – I remember where I come from, where they’ve been with me all along the way. This is more than just a business agreement in my eyes. 

 

LC: Playing on the Centre Court in SW19, all quiet and hushed, and then heading to Arthur Ashe in New York – those are very different environments for playing tennis. How do you keep focused? 

RF: The good thing is that a lot of the practice courts are very busy and loud. Like here now [in Cincinnati], I was practising next to a ventilator the last few days. There are trucks driving in and out, there are the fans – the practice courts usually are a more, sort of, savage environment. When you go on a match court, it’s much easier to focus. 

I know the US Open might be tough, because it’s loud, there’s the pressure of the stadium, you hear the subway going by or a train on the track, you smell the grill of the hot dogs and all that stuff, and it’s loud at the change of ends – they play the music and people are dancing – and there almost is this culture, the fans are talking during the point to some extent, because that’s what fans are allowed to do in basketball, baseball, and NFL. 

I think that’s the beauty of our sport. What I like about the US Open, about the pressure of the US Open and Arthur Ashe, is that you feel the people show up there, it’s like at the movie theatre – they eat their popcorn, and then they are waiting for something to happen and then once you start making good shots, good points and you show you are engaged, this is when they are like, “Oh, right this is when the movie starts, this is the entertainment factor we’ve been waiting for and looking for,” and that’s when they engage fully and they’re one of the most incredible crowds in the world that I love to play in front of. 

I love playing at Wimbledon, too, and if you ask me as a tennis guy, I’d probably pick Wimbledon, but the combination is crazy good, and I love both equally.

 

LC: Looking back, what advice would you give to your 20-year-old self? 

RF: Well, it’s funny, you know. In a way, I’d say, “Hey, don’t worry. You have time, Roger,” and at the same time, “It’s going to go by fast.” It’s a bit of both because you know a lot of the time when you’re young, you’re like, it’s got to happen right now or tomorrow. At the same time, you realise that, “Hey, we have time, take your time, practise, don’t stress out about everything.” 

So I think it’s important to enjoy it, not stress too much about every little detail to begin with, try your best, learn quick. And then trust your coach and trust the training, and really get stuck into the details because I do believe at the very top on the professional tour, it’s the details that make the difference.

 

LC: Last question. What advice do you think your 50-year old self would give you now? 

RF: He’d tell me to play for a few more years! 

 

LC: I thought you might say that! 

RF: Really? I don’t know, I’d be like, “Come on, Roger, try to play as long as possible and enjoy yourself.” I hope that’s what he would say! 

 

Story published in Courts no. 2, autumn 2021.