Into the Game
Par Thomas Gayet
Jouer au tennis, c’est s’en vouloir. S’en vouloir de ne pas avoir le coup droit de Federer et/ou le mental de Nadal, s’en vouloir de n’être pas fichu de passer des premières quand il le faut, s’en vouloir de ne pas avoir bossé tout cela plus jeune pour ne plus avoir à s’en vouloir : une culpabilité méta qui mène inexorablement vers un espacement des sessions de jeu, vers une appréhension à l’idée de servir, vers l’impression que nos matchs n’auront jamais la saveur ou l’intensité ne serait-ce que d’un Struff–Berankis, et donc finalement vers ce choix si répandu chez les supporters de foot consistant à préférer regarder les matchs devant l’écran plutôt que de jouer. Là, confronté à la perfection technique de son canapé en skaï, l’amateur de tennis se prend à rêver : et si, lui aussi, malgré tout, était capable de tenir l’échange comme Nadal et Federer ? Devant l’exemple, il pense avoir tout compris, tout réglé. Et le désir lui vient alors de faire recorder la raquette pour aller taper la balle avec le premier gogo venu. Faute de partenaire ou de cordeur à proximité, ce désir devient frustration et le match opposant Seppi à Chardy aura raison de son enthousiasme, d’autant que ce têtu de Chardy refuse d’obéir quand il lui intime de servir extérieur. Quelle guigne.
Ne baissez pas les bras. C’est là que le jeu vidéo de tennis trouve tout son génie en permettant au passionné sur le retour de réconcilier ses deux tendances de fond : une flemme terrible à l’idée d’enchaîner les doubles et une envie de jouer aussi puissante que le désir sexuel. Sans compter que le jeu de tennis offre aujourd’hui à celui qui y joue la possibilité de redorer la carrière de Gasquet ou de Dimitrov. Bref, c’est tout bénef, et ça fait un moment que ça dure.
Au commencement, il y a eu Pong
Les jeux vidéo sont nés avec le tennis (même si l’honnêteté nous force à ajouter qu’ils sont également nés avec une boule jaune amatrice de pixels et poursuivie par des fantômes). En 1972, Atari sort Pong et permet à une génération entière d’imiter les volées-volées de McEnroe et Newcombe mais tout doucement, comme dira Bibi treize ans plus tard. Peut-on vraiment parler de jeu de tennis ? C’est sûr qu’en comparant avec les progrès technologiques futurs, il y a de quoi rire, d’autant qu’en guise de stars on avait droit à deux bâtons. Mais enfin, sur le papier, il s’agissait tout de même de gagner un échange en ne laissant pas passer une balle-pixel. Si ce n’est pas le principe même du tennis, c’est sans doute que je me suis trompé de sport (et cela expliquerait en partie ma propension à envoyer mes kicks dans la bâche).
Vingt ans plus tard sortait Super Tennis sur Super Nes, comme on disait à l’époque quand on voulait avoir l’air cool. Super Tennis était une révolution : sans aucune licence, ses concepteurs réussissaient l’exploit de représenter le top 10 en pixellisé (en omettant avantageusement les noms de famille des joueurs pour éviter toute poursuite judiciaire). Edberg, Sampras, Agassi, Korda, Lendl : ils étaient tous là, un peu râblés, comme passés en 16/9, pour le plus grand plaisir des vrais fans. Le jeu offrait la possibilité d’enchaîner les tournois en mode carrière et surtout de jouer en double (mais avec deux manettes). Pas étonnant qu’il ait recueilli des centaines de critiques positives à sa sortie, puisqu’il était tout simplement le premier vrai jeu de tennis digne de ce nom. Et sans doute la dernière occasion de jouer avec Novacek, vu que personne ne se souvient de Novacek.
L’arrivée des licences
La même année, l’arrivée des licences modifiait profondément la simulation de tennis. Avec Andre Agassi Tennis, tout un chacun se retrouvait capable de jouer contre le plus chauve des chevelus… Enfin, il fallait en avoir envie. Pour défier Agassi, il fallait en effet battre tous les autres joueurs anonymes avec son propre joueur anonyme, histoire de déterminer « qui [était] le meilleur joueur du monde », comme le disait la com’ de l’époque. Hagiographie agassienne, donc, limitée à deux joueurs et au gameplay assez sommaire, mais qui a connu une seconde vie avec une sortie pour mobiles dans les années passées. Quoiqu’il en soit, le jeu marquait le début d’une ère nouvelle, les éditeurs de jeu cherchant à accrocher des sportifs célèbres à leur marque pour vendre leurs petits produits.
C’est dans ce contexte qu’est apparue la plus grande énigme tennistico-vidéoludique du siècle dernier : Yannick Noah All Star Tennis 99. Édité par Ubisoft pour aller concurrencer les licences américaines et japonaises, le jeu mettait en scène une partie des tops joueurs de l’époque, y compris du circuit WTA : on pouvait jouer Kuerten, Björkman, Philippoussis, Krajicek, mais aussi Jana Novotna et Conchita Martinez. Et donc Yannick Noah, retraité depuis belle lurette et dont on se demandait un peu comment il était arrivé en tête de gondole d’un jeu se voulant moderne (Pioline devait faire moins vendre, et ne parlons pas de Golmard). Des techniques stéréotypées et identiques pour tous les joueurs, des cris en veux-tu en voilà, des plongeons en pagaille, la possibilité de faire des matchs homme contre femme, et surtout de drôles de modes de jeu durant lesquels le court était recouvert de bombes prêtes à exploser à tout moment. L’ensemble promettant une authentique simulation reniant l’arcade. Comme une impression qu’on se fichait de nous, mais que voulez-vous ? Ce n’est pas comme si on avait une autre possibilité à l’époque de jouer avec Kuerten. Perso, pour tout vous raconter, je jouais avec Krajicek. Ne me demandez pas pourquoi, je serais bien incapable de l’expliquer.
Toujours en 1999, une autre figure du tennis plus médiatique que performante attachait son image à un jeu vidéo : Anna Kournikova. Son Smash Court Tennis (il faudra un jour m’expliquer l’intérêt d’additionner des termes sportifs sans lien les uns avec les autres dans les titres des jeux) permettait de jouer à quatre sur Playstation et de se mesurer non pas à des stars des courts mais à des personnages emblématiques développés par Namco. Le plus étrange restait le mode « balles explosives » dont l’intérêt est encore aujourd’hui discuté dans tous les cénacles scientifiques. Bref, un jeu pas désagréable et qui permettait, à l’époque, de faire remporter des tournois à Kournikova, elle qui n’a pas été fichue d’en gagner un seul dans sa carrière.
Il y eut d’autres tentatives du genre : Pete Sampras Tennis (1994 puis 1996), aussi transparent que la personnalité de sa tête de gondole malgré une vraie qualité de gameplay (vraiment bien choisi, Pete Sampras) ; Arnaud Clément Tennis, version française d’une licence internationale sortie en 2001 ; et plus récemment Rafael Nadal Tennis, dont le charme nous échappe encore sur une Nintendo DS où il faut jouer avec un stylet.
Un tournoi, une marque
S’il n’est pas forcément le plus prisé de tous les Grands Chelems aujourd’hui, Roland-Garros est toutefois parvenu à imposer sa patte dans l’industrie des jeux vidéo. Entre 1997 et 2005, le tournoi a sorti tous les ans son opus, avec une courbe qualitative ressemblant drôlement à celle de la crise des subprimes : une augmentation constante et suspecte jusqu’à l’an 2000, avant l’effondrement. Selon les années, « Roland » disposait de joueurs plus ou moins cotés (Kuerten et Grosjean en 2002, Safin, PHM et Henin en 2003) et proposait un gameplay assez aléatoire. D’autant que pour jouer avec Kuerten ou Safin, il fallait s’accrocher en débloquant peu à peu les joueurs disponibles avec les (faibles) armes à disposition sur terre – Henman, Dementieva ou Todd Martin. Le jeu avait toutefois l’intérêt notable de distinguer les attributs des joueurs en les dotant de capacités plus ou moins puissantes au service ou en coup droit. Pas tout à fait réaliste, mais on s’en rapprochait.
Roland-Garros n’est pas le seul tournoi à avoir tenté le coup. Wimbledon s’est lancé en 1992 et l’Australian Open en 2018, avec des succès discutables. Pour concurrencer cette manne et donner un peu de visibilité à son circuit à une époque où il n’en manquait pas tant que ça, la WTA a également publié son propre jeu de tennis, Pro WTA Tour Tennis, en 2001. Mais à une époque où Henin, les Williams, Mauresmo ou Hingis dominaient le circuit, la WTA avait tout misé sur Jelena Dokic. Avec un gameplay catastrophique et aucun intérêt particulier, le jeu est passé sous les radars – à croire que je suis le seul à y avoir jamais joué.
E que s’apelorio Virtua Tennis
Et puis enfin vinrent les messies – depuis le temps qu’on les attendait. Deux jeux concurrents, aux profils éminemment distincts et ô combien complémentaires : Virtua Tennis et Top Spin. Virtua Tennis était un jeu designé pour l’arcade. On rattrapait même des smashs de Philippoussis, on courait à droite à gauche et surtout on s’amusait. Le mode carrière était réussi et il n’en fallait pas plus pour donner envie de continuer à jouer en boucle, tout le temps, afin de débloquer tous les joueurs mystérieux que l’éditeur nous promettait, dont une espèce de super Borotra habillé en pantalon-pull Lacoste blanc, muni d’une raquette en bois, et qui s’avérait absolument indébordable. Suffisant pour nourrir des envies de suite : Virtua Tennis 2, World Tour, 3, 2009, 4 et Challenge allaient continuer de nourrir les envies des joueurs sur une dizaine d’années, sans apporter de changements radicaux dans le gameplay.
Pour concurrencer Virtua Tennis et donner satisfaction aux amateurs de simulation, les Français du studio PAM allaient sortir Top Spin, au gameplay proche mais profondément différent. La qualité des coups distribués dépendait du temps de préparation qu’on leur allouait (ou dont on disposait) et à l’aspect technique s’ajoutait donc la nécessité de jouer intelligemment en ne tentant pas, par exemple, un coup trop puissant en bout de course. Le jeu prévoyait aussi une barre de confiance inédite, laquelle permettait, une fois remplie, de donner dans le tennis champagne sans risque de se planter. Que d’Agassi–Sampras joués au meilleur des cinq sets ont vu cette barre de confiance enfler et se dégonfler sur le central de mon salon à télévision cathodique ! Je n’ai pas gardé les bandes, mais ça valait parfois des quarts de l’US Open. Comme Virtua Tennis, Top Spin s’est décliné en diverses versions, atteignant sans doute son acmé dans le volume 2 où, en plus de proposer des joueurs vraiment attrayants (Federer, Roddick, Haas, Blake, Hewitt, Grosjean, Venus Williams, Sharapova, Mauresmo, Davenport), les concepteurs avaient ciselé le gameplay pour en faire une véritable simulation difficile d’appréhension et hautement gratifiante. Le 4, repris par un studio tchèque, disposait aussi de trois licences de Grands Chelems sur quatre et bénéficiait de la présence du Big Four (en plus de Wawrinka et Roddick). Et puis avec Top Spin et Virtua Tennis, il était possible, pour la toute première fois, de jouer en ligne contre d’autres utilisateurs (et de se faire éclater par un Jim Courier coréen). Pour Norman Chatrier, joueur professionnel d’e-sport, animateur sur Game One et petit-fils d’un court central : « C’était ce qui se rapprochait le plus du jeu de combat en un contre un, avec l’adrénaline et le sentiment de tout avoir entre ses mains. Top Spin 4, c’était le plus grand jeu de sport du moment car il était réaliste et qu’on avait le sentiment que tout était bien retranscrit. » Un bonheur de courte durée.
De la raréfaction du tennis sur consoles
De courte durée car, peu à peu et faute sans doute de ventes suffisantes, les éditeurs allaient se détourner des jeux de tennis au profit d’autres sports plus rentables. Wii Tennis et autres Mario Tennis peinaient à entretenir une flamme vacillante en privilégiant l’arcade et les facéties très nintendesques au jeu proprement dit. Encore qu’aux yeux de Norman Chatrier, Mario Tennis est probablement le seul jeu de tennis qui vaille le coup depuis plusieurs années : « Mario Tennis sur Switch est un vrai divertissement. Le côté arcade revendiqué fait le travail : on s’amuse. »
On se consolait en jouant à des jeux de tennis sur Internet, type ATP Tennis, digne des grandes heures de la Super Nes et qui, faute de licences, donnait au joueur la possibilité de choisir entre Fredever, Damvitrof ou Roanic pour le représenter à l’écran. Du moins jusqu’à l’annonce tonitruante de l’arrivée d’un petit nouveau, Tennis World Tour, finalement sorti en 2018 et assez décevant. Malgré un casting de haute volée (Federer, Dimitrov, Tsitsipas, Gasquet, Monfils, Goffin, Nadal – McEnroe ou Agassi pouvant être débloqués moyennant finances) et un système de jeu totalement repensé pour mettre en valeur les atouts mentaux des différents joueurs avec un système de cartes, Tennis World Tour ne permet pas de réellement s’amuser. Les erreurs de placement des joueurs sont innombrables, il est presque impossible de terminer un point à la volée, les animations sont affreuses et surtout la jauge de stamina, déterminante pour tenir le choc, s’effrite en un jeu pour ne jamais revenir à la normale. Sans compter qu’une simple erreur de manipulation lors du choix du joueur peut entraîner une véritable catastrophe lorsqu’on clique trop vite et qu’on se retrouve à manier Bautista-Agut. En réalité, lors de sa sortie, le jeu n’était pas tout à fait terminé. Mais faute de communication et accablé par la mauvaise publicité, il n’a pas réussi à convaincre ses détracteurs malgré les mises à jour. On pourra toujours remercier le Master 1000 de Madrid d’avoir organisé un tournoi virtuel entre vrais joueurs du tour sur son moteur au moment du confinement, tournoi d’ailleurs commenté par Norman Chatrier. Mais les matchs n’avaient rien de particulièrement spectaculaire.
Le deuxième opus, sorti en 2020, tient mieux le choc. On apprécie l’arrivée du challenge et un meilleur gameplay. Mais on est encore loin du plaisir que pouvait nous apporter Top Spin. D’autant que l’aspect mental, véhiculé par un système de cartes rappelant tout à la fois l’UTS et la belote, n’est pas très facile à appréhender. Or, la pratique du tennis relève tellement du mental qu’il semble désormais indispensable de retranscrire cet aspect dans le jeu.
Malgré ces réserves, il sera tout de même intéressant de suivre le tournoi Roland-Garros eSeries by BNP Paribas, en marge de la compétition « IRL ». Disputé lors de cette quatrième édition sur Tennis World Tour 2 pour PS4, le tournoi devrait être de haut niveau puisqu’il bénéficiera de l’apport de la Team MCES, un club professionnel d’e-sport qui accueillera en son sein le vainqueur de la compétition. Des qualifications dans sept pays, une phase finale in situ… Dites donc, ça ressemblerait presque à un vrai Grand Chelem, tout ça. L’idée du tournoi est assez noble, puisqu’elle vise à repérer et à accompagner des futurs champions d’e-sport en leur donnant une visibilité internationale au-delà du titre plutôt plaisant de « champion du monde d’e-tennis ». BNP Paribas, la FFT et Team MCES comptent ainsi réaffirmer le lien intangible entre l’e-sport et le sport réel, et accorder une place grandissante à cette discipline qui gagne en popularité.
Voilà une manière plutôt maligne de faire le pont entre le sport et le jeu vidéo puisque les épreuves et les ateliers d’accompagnement se dérouleront dans le stade de Roland-Garros. D’un point de vue tactique, on pourra également se réjouir de voir que la fédération et ses partenaires font le choix d’investir l’espace e-sport qui intéresse traditionnellement les jeunes, à l’heure où la plupart des études prouvent que le spectateur de tennis moyen est vieillissant. De quoi nourrir l’espoir d’un engouement partagé : en incitant les plus jeunes à s’intéresser aux jeux de tennis, on les oriente incidemment vers le tennis lui-même. Une spirale vertueuse, donc, qui ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’une vraie compétition avec de vrais joueurs qui sont vraiment bons : d’ailleurs, il est amusant de voir que les entraînements d’e-sport se rapprochent de plus en plus des entraînements sportifs. Il suffit de citer le recrutement à la direction sportive de la Team MCES du champion olympique Yannick Agnel pour s’en convaincre.
Entre nous, il y a fort à parier qu’un bon Tsitsipas–Thiem virtuel diffusé en direct sur Twitch offre une intensité supérieure à celle d’un bon vieux Caruso–Barrère sans public sur court annexe. D’autant que TWT2, s’il présente encore quelques limites comme évoqué précédemment, a le mérite de proposer un compromis intéressant entre simulation et spectacle. Ce n’est pas toujours le cas d’un Caruso–Barrère et certainement pas le cas de toutes les licences actuelles.
En l’occurrence, Tennis Elbow, la simulation de tennis ultime développée par Mana Games pour PC, est d’une complexité infinie, avec sa communauté de fous furieux qui ont développé une base de données gargantuesque de joueurs actuels et passés. Des techniques reproduites à l’identique, une trajectoire de balle limpide : rien à dire, c’est magnifique. Malheureusement, le jeu souffre d’un moteur graphique un peu passé et, surtout, de sa difficulté. Après des heures et des heures de jeu, votre pauvre serviteur continuait à perdre sans réellement que le tableau d’affichage ne souligne sa progression. Certaines parties de Tennis Elbow, filmées et rediffusées sur YouTube, ont l’air de vrais matchs. Pas étonnant, donc, que le jeu soit humiliant : si l’on se trouvait face à un vrai joueur professionnel sur le vrai court dans la vraie vie, on ne ferait pas longtemps le malin.
Le problème tient à ce que le tennis a perdu en popularité auprès des jeunes. Aucun studio solide ne semble aujourd’hui décidé à lancer une licence en sachant qu’elle sera infiniment moins rentable que les jeux de football. Restent quelques jeux sympathiques disponibles sur smartphones, à commencer par Tennis Clash, le premier jeu dans lequel les joueurs de tennis sont habillés comme des fans de Tokio Hotel. Mais ces jeux sont tournés vers la dépense permanente de l’utilisateur qui, pour progresser, n’a d’autre choix que de faire chauffer sa carte bleue afin d’obtenir du matériel de meilleure qualité. Toutefois, la possibilité de jouer contre des humains un peu partout dans le monde est un vrai plaisir – de fait, s’il y a une chose que les CPU nous ont enseignée, c’est que servir extérieur et venir conclure à la volée permet globalement de ne jamais perdre un point de service.
Norman Chatrier regrette tout à la fois qu’il n’y ait pas aujourd’hui de tournoi professionnel organisé sur Mario Tennis et qu’aucun studio ne parvienne à créer le FIFA ou le Football Manager du tennis, mêlant vrais coups, bonnes sensations, beaux graphismes et obtention de toutes les licences de joueurs et des tournois. La solution pourrait venir de la réalité virtuelle : pour Norman Chatrier, elle bénéficierait à tous les jeux de sport. Le test d’un jeu à Roland-Garros a permis d’attirer des foules de curieux qui n’étaient pas forcément sensibilisés aux jeux vidéo. Mais pour le moment, la VR reste un gadget très cher à exploiter.
… à son renouveau programmé
Nous aurions pu achever cet article sur une note incertaine, marquée par l’inquiétude de ne voir aucune perspective viable émerger d’une nouvelle licence dans un futur proche. C’était sans compter sur l’arrivée prochaine d’un certain Tennis Manager. Avec près d’un million et demi de joueurs convertis à leur premier opus sur mobile – ce qui, il faut l’avouer, est remarquable pour un jeu de coaching et de stratégie –, on peut s’attendre à une belle surprise de la part du jeune studio français Rebound qui prépare une version PC pour l’été 2021. Force est de constater, après quelques heures à jouer sur la version privée, que la proposition est proche du phénomène culturel Football Manager en termes de complexité et de profondeur. De quoi passer un nouveau confinement serein. Au lieu d’être manager d’un club de foot, on marche ici dans les pas de Bollettieri ou Mouratoglou : création d’une équipe pro, entraînements adaptés, scouting des futurs talents (5 000 joueurs reproduits depuis les juniors de quatorze ans et une armada de statistiques), conférences de presse, gestion des sponsors et des finances sous la pression du board… Tout y est. L’interface soignée est très inspirée de FM. Le match engine semble très solide et, pour une immersion garantie, le jeu propose une option de match 3D qui donnerait presque envie d’aller prendre sa manette ! Ici pas de « x » pour courir ou de « o » pour taper plus fort, mais une infinité de choix tactiques que le manager pourra dispenser à son joueur depuis le box : prendre des risques sur une deuxième balle de Karlovic, pilonner le revers de Roger à coups de lift de gaucher ou abuser d’amortis à la Gaston pour faire dégoupiller l’adversaire. Voilà une approche rafraîchissante, d’autant que Tennis Manager offre un terrain infini pour raconter des histoires, en bon jeu de gestion. On attend avec impatience les streams croustillants de La Monf’ et des autres Mousquetaires qui tenteront sur Twitch d’aller chercher le Grand Chelem qui leur manque. Voilà de quoi nous passer du baume au cœur avant l’arrivée un jour de la VR ou d’un Top Spin du futur.
En tout état de cause, nous ne mourrons pas de ne pas revoir de simulation exceptionnelle sous peu, comme nous ne mourrons pas de ne peut-être plus assister à une victoire de Federer en Grand Chelem. En fait, nous ne mourrons de rien à part d’une forme de lassitude de nos cellules grises qui finiront par jeter l’éponge. Mais d’ici là, et avec le développement de la VR, on espère pouvoir très rapidement casser sa télévision grâce à un passing bout de course un peu trop enthousiaste.
Article publié dans COURTS n° 11, printemps 2021.