Brèves de courts
Tennis Fan
Stephan Würth
Damiani, 2019
Ghost Town (2011)
et Ikinga (2016)
chez le même éditeur.
L’art du noir et blanc en 10 ans et 64 images.
Des tirages Kodak rigoureusement en noir et blanc, rassemblés pour illustrer l’histoire d’un seul sport, la passion d’une vie, sublimés à l’aide d’une grammaire visuelle qui fixe l’essentiel. Luxe et lumière dévoilés dans une simplicité absolue. Ce retour inédit aux fondamentaux proposé par l’objectif de l’Allemand Stephan Würth, nous rapproche de la réalité. Une fois de plus, l’œil de l’artiste, dénué de toute fioriture, va droit au but, à l’essence même du sujet. En l’occurrence, le tennis, ses rituels, ses masques et ses secrets, revisités à travers le monde, sans détour possible ni concession.
« C’était instinctif. Il s’agissait pour moi de documenter tout ce qui me rappelait le tennis », disait Würth. « Que ce soit une pub des US Open collée sur le flanc d’un bus, d’un match de tennis à la télé, ou simplement de mon sac de tennis posé à l’arrière d’un de ces jolis taxis-vespas en Italie : chaque fois que j’allais jouer, ou que j’avais quelque part, quelque chose à voir avec le tennis, j’essayais de prendre des photos. »
Chaque photographe nous livre à sa façon une tranche d’existence, issues d’un singulier apprentissage artistique. Les grands maîtres du noir et blanc, Robert Doisneau ou Henri Cartier-Bresson ont très vite compris l’importance de la créativité artistique au sens le plus technique et paradoxal du terme. Dépouiller l’œuvre du superflu consiste à la ramener à l’état pur afin de véhiculer un message authentique, chargé d’interpréter la réalité. D’ailleurs l’art n’est-il pas une des interprétations possibles de ce monde ? Le crayon du dessinateur, l’objectif du photographe permettent de porter un regard précis sur le volume ignoré des surfaces et les mouvements imperceptibles de la vie. Le grain de la peau, la texture d’une balle de tennis : ces labyrinthes microscopiques, troublants et mystérieux, se perçoivent souvent bien mieux sans l’effet de la couleur.
Würth le sait mieux que quiconque. En compagnie de Nadal, Federer, Cilic et les autres, ses images sobres et vivantes nous parlent de tennis. Encore et surtout du tennis. Au Brésil, au Bélize, en Italie, il est toujours là. D’un tournoi à l’autre, ou en pleine séance d’entraînement, il se cache soigneusement derrière l’objectif. Il attend pour fixer l’instant en mouvement. Témoin fantôme et silencieux d’un jeu intemporel, il laisse parler la balle.
Stephan Würth est un photographe professionnel à succès, diplômé de l’institut d’art de Fort Lauderdale aux États-Unis. Il vit à New York. Ses clichés ont notamment été publiés par Vogue, Playboy, Esquire et Porter Magazine.
Les Gestes blancs
Gianni Clerici
traduit de l’italien
par Nathalie Castagné
Viviane Hamy
Paris, 2000
Homme de sport et de plume, écrivain et journaliste sportif, Gianni Clerici est un Italien distingué qui appartient à une lignée romantique en voie de disparition : celle de la génération perdue des héros de Scott Fitzgerald et d’Ernest Hemingway, celle du Grand Gatsby et du Vieil Homme et la mer.
Il a su nous tenir en haleine pendant des décennies et nous emprisonner dans ses filets, avant de nous faire plonger et remonter à son gré. Et puis nous faire vibrer encore d’incertitude et d’agonie au son des balles perdues ou gagnées, des défis et des sets de folie remportés à Wimbledon et ailleurs par les meilleurs joueurs d’hier et aujourd’hui, les icônes de l’herbe sacrée et de la terre promise de Roland-Garros.
Né à Côme en 1930, Gianni Clerici est un grand narrateur du tennis international. Il débute par des chroniques sportives à la Gazzetta dello Sport avant de poursuivre sa carrière à la Repubblica. On lui doit de nombreux ouvrages sur le tennis, mais aussi des romans, des poésies, des essais, des récits et des pièces de théâtre. Les gestes blancs, ce sont précisément les gestes à vide, les shadow swings, à exécuter régulièrement pour développer la mémoire gestuelle du sport. Exercices un peu ingrats à accomplir, ils nous protègent, nous inspirent confiance et finissent par nous sauver des erreurs, telles les répétitions incontournables et cultivées de l’histoire et de la vie en général. Trois romans, trois clins d’œil, trois leçons à tirer : Londres 1960 ; Côte d’azur 1950 ; Alassio 1939. Une trilogie sensible et audacieuse, élégamment déclinée dans l’espace du temps et de l’Europe en mouvement. Un beau voyage au bout de la nuit et de l’Italie de Mussolini, avec arrêt entre Cannes et Beaulieu, destination tennis.
The Circuit
A Tennis Odyssey
Rowan Ricardo Phillips
216 pages
Farrar, Straus & Giroux
2018
« Le rôle du poète n’est- il pas de se mêler de ce qui ne le regarde pas ? Car tout le regarde et ce serait singulièrement réduire sa tâche que de le limiter à l’encre. » (Jean Cocteau, 1938.)
Voici une prose anglo-saxonne généreuse et vivante, délicate et poétique. Celle de Rowan Ricardo Phillips. Un passionné de tennis et de basketball. Entre New York et Barcelone, il aurait pu devenir musicien ou photographe, mais il a choisi d’être poète. Finalement, Phillips reste un peu tout à la fois, ce qui est le propre de nombreux artistes. Sa plume parvient à faire rimer sport et littérature, au gré d’un livre qui tient debout tout seul, droit comme un magnum de champagne millésimé. On y voit une explosion de bulles pétillantes, qui jaillissent comme de grandes et majestueuses fleurs colorées, à tour de rôle, avant de faire littéralement sauter le bouchon du circuit ATP 2017.
Cette brève et fulgurante odyssée du tennis nous ramène l’espace d’une année à son point de départ : l’amour inconditionnel pour le sport de raquette et de balle et sa narration. Depuis l’Open d’Australie en janvier jusqu’au tour final à Londres en novembre. Des mots simples et concis traduisent gestes et émotions, talent, rage et volonté. Ils livrent les combats des dieux, les secrets de la potion magique, mais aussi les faiblesses, les blessures et les déceptions des joueurs contraints à l’abandon. Point d’orgue : l’inattendue et éternelle résurrection de Roger Federer et de Rafael Nadal. Des monstres sacrés en orbite venus d’une autre planète. Ils tournent impitoyables autour du soleil et anéantissent les météores terrestres de ce monde.
Il serait trop simple de prétendre résumer le décryptage poétique de l’auteur en quelques paragraphes. Le circuit de la vie et du tennis ne coule pas souvent tel un long fleuve tranquille. Loin s’en faut. Tout n’est pas qu’ordre et beauté autour des courts. L’horizon 2017 est chargé d’incertitude. Aux États-Unis, Donald Trump a remporté l’élection présidentielle. Sa vision populiste d’une grande et nouvelle Amérique, libérée de l’immigration et teintée de préjugés raciaux, inquiète considérablement Phillips. Reste alors le tennis : « Un jeu que mes parents m’ont transmis », nous confie-t-il, mais aussi un mode de vie – des valeurs et des principes à respecter – aussi important à ses yeux que l’art ou la littérature.
Au fil des matchs nous héritons en direct d’un tableau vivant de David Goffin, assorti d’une jolie gouache du gaucher Albert Ramos Viñolas, et d’un portrait de Nick Kyrgios. L’œil exercé du poète filme et capture inlassablement les multiples facettes d’un spectacle passé désormais en mode court-circuit. Chapeau au photographe-cinéaste et artiste peintre, Rowan Ricardo Phillips ! Picasso dit un jour à Jacques Prévert : « Tu ne sais pas dessiner, tu ne sais pas peindre, mais tu es peintre. » Phillips lui, sait tout être à la fois : poète du sport et de la vie, romancier, traducteur et journaliste. Son œuvre poétique lui a déjà valu de prestigieux prix littéraires. Aujourd’hui, il enseigne à Harvard et Princeton.
Dictionnaire du tennis
Valerio Emanuele
Honoré Champion
Paris, 2019
Ésope le bègue, fabuliste grec et philosophe de l’Antiquité, disait à qui voulait l’entendre : « La langue est la meilleure et la pire des choses. » Peut-on en dire autant du savoir, dans l’histoire et aujourd’hui ? Il y a bien là matière à réfléchir et disserter.
Près de deux siècles plus tard (380 av. J.-C.), Aristote avait compris l’importance de la définition des mots. Selon sa méthode, définir consiste surtout à identifier les attributs essentiels et à en préciser les différences. Ainsi, le mot balle, dérivé de l’italien balla ou palla, au sens large du terme, indique une pelote sphérique remplie d’air qui a la faculté de pouvoir rebondir.
En 2012, Rafael Nadal nous décrit le terme en mode tennis : « Une balle n’est jamais semblable aux autres – jamais. Dès le moment où une balle est en mouvement, elle peut prendre un nombre infini d’angles et de vitesses ; plus ou moins liftée, coupée, frappée à plat, plus ou moins haute. »
Cette année, le Dictionnaire du tennis livre à son tour l’origine étymologique du mot ainsi qu’une description technique et détaillée, couplée à une liste des expressions les plus répandues associant le mot balle au langage tennistique contemporain. À première vue, cela peut sembler le fruit d’une vaste et pénible recherche, aussi laborieuse que méticuleuse. Surtout si ce travail rigoureux regroupe des milliers d’entrées lexicales ! En réalité, c’est infiniment plus et mieux. Son auteur, l’Italien Valerio Emanuele, a accompli un effort titanesque, destiné à combler un vide ressenti au plus profond de son âme sportive et scientifique.
Il existait bien un dictionnaire du football ou du rugby en France, mais aucun ouvrage de référence digne de ce nom sur le tennis, susceptible de satisfaire à la fois la curiosité de l’amateur et les exigences du spécialiste. Jean Pruvost, maître de recherche lexicographique à l’université de Cergy-Pontoise a su encourager son ex-élève, Valerio Emanuele, à combler cette lacune. Une œuvre cohérente sur le savoir du tennis, riche et accessible à tous, était devenue indispensable, non seulement en France mais dans un monde aux prises avec la globalisation, où le sport rime le plus souvent avec l’argent et l’ignorance du public.
Le nouveau dictionnaire débute dans la clarté, avec une chronologie événementielle sur l’histoire du tennis et ses moments-clés. Une trentaine de pages suffisent amplement à l’auteur pour résumer l’évolution de ce sport. Il le parcourt courageusement, raquette à la main, depuis la naissance du jeu de paume au XIIe siècle jusqu’aux récentes victoires de Roger Federer et Rafael Nadal en 2018. La section maîtresse de l’ouvrage est constituée par le grand ensemble des mots techniques, des locutions et des anglicismes, ainsi que par les expressions dérivées du tennis et recensées dans la vie courante.
Cerise sur le gâteau, un bel aperçu encyclopédique fournit au lecteur les connaissances nécessaires pour s’y retrouver dans le cadre des tournois du Grand Chelem ou des jeux Olympiques et de la Coupe Davis, mais également « en dehors du terrain » si l’on peut dire, dans des univers multiples reliant le tennis aux médias et à la communication. Pour conclure, une bibliographie ciblée balaie les ouvrages sur le tennis parus au cours des cinq dernières années, presse sportive et revues spécialisées comprises.
La préface est signée Henri Leconte. Simple et touchante, elle est criante de vérité et prend toute sa place au sein de tant d’érudition. Lisez-la, elle saura vous parler.
Rodgeur Forever
Laurent Chiambretto
Solar
Paris, 2019
La carrière exceptionnelle de Federer, racontée par son plus grand fan, M. Toulemonde. Avec passion et humour, Laurent Chiambretto retrace l’invraisemblable comeback de Roger Federer au sommet du tennis mondial. Mais également l’incroyable impact qu’a eu le Suisse sur le sport en général. Pour ce faire, l’auteur est entré dans la peau d’un fan absolu qui articule sa vie autour des matchs du Suisse. Un père de famille classique qui nous fait partager sa passion et ses excès 100 % « Rodgeur ». Un Monsieur Toulemonde qui nous embarque dans son quotidien de supporter comblé, perdant tout sens de la mesure à chaque apparition du Suisse. À travers ses propres yeux, nous allons vivre ou redécouvrir avec exaltation la carrière et les plus grands exploits de son héros.
Laurent Chiambretto, ancien 2e série et responsable d’un grand club de tennis parisien, est l’auteur des ouvrages Top 5 Tennis et Le Dico bien frappé du tennis.
Article publié dans COURTS n° 5, été 2019.