Bâtisseurs
Par Rémi Capber
Ils sont ceux qui entourent et préparent le joueur. Qui lui permettent de toucher ses limites et de les repousser. Et qui l’accompagnent pour être meilleur… sur le court, mais aussi en dehors. Focus sur ces bâtisseurs de l’athlète, du coach au préparateur physique, en passant par les kinés, les scientifiques et les laboratoires, à l’image de NHCO Nutrition®
Construire. Déconstruire. Reconstruire. Il y a le joueur de tennis qui, toujours, souhaite apprendre et progresser, adepte jusqu’au-boutiste de la fameuse citation apocryphe d’Antoine Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Oui, pour cet athlète qui entretient l’espoir de vivre un jour l’ivresse d’une remise de trophées sur le court central d’un tournoi du Grand Chelem, rien n’est jamais perdu et tout doit contribuer à paver et niveler le chemin qui mène à cet Eden sportif.
Mais c’est oublier que « rien ne se crée » non plus, que la transformation est une traversée, un changement qui peut s’apparenter à une simple évolution… comme aux plus profonds bouleversements. C’est aussi ce que son corps raconte, jusque dans ses plus petites unités vivantes, aux tréfonds des cellules. « Quand le joueur de haut niveau fait un effort intense, il détruit ses fibres musculaires, mais c’est en s’entraînant qu’il incite son corps à mieux se reconstruire et à gagner en puissance musculaire et en performance», explique Maud Belicchi, Directrice Recherche et Développement au sein des Laboratoires NHCO Nutrition®, remémorant quelques lointaines leçons de SVT passées à rêvasser plutôt qu’à noircir des cahiers. Résultat ? « Son objectif, dès la fin de son effort, est de les reconstruire. »
Construire. Déconstruire. Reconstruire. Des verbes qui font résonner leurs nuances aux oreilles averties des latinistes : « construire », c’est étymologiquement « construere », « bâtir », « entasser par couches », le tout avec structure. « Avec ». Une préposition qui a son importance : cette plongée rapide dans les pages d’un Gaffiot qu’il a fallu retrouver entre le Lagarde et Michard d’un vieil oncle et un reliquat suranné de cours encartonnés offre un écho surprenant, mais profond à la vie du joueur de tennis.
« Mon corps est mon outil de travail »
Car on ne naît pas joueur de haut niveau. On le devient à force de construction, d’une structuration progressive qui ne peut se faire seule, mais avec : le coach, le préparateur physique, le préparateur mental, le kiné, l’expert nutritionniste… Tous participent au chantier. À sa préparation et à sa création. « La performance est une notion globale », confirme Frédéric Fontang, coach de Félix Auger-Aliassime. « Tous les aspects sont à prendre en compte, de la nutrition à la biomécanique, si on veut atteindre le plus haut niveau et durer. En tant qu’entraîneur, je suis exigeant dans mon approche à 360 degrés avec Félix. »
Il y a le soin apporté à l’accessoire, au matériel, mais surtout celui que le joueur accorde au tout premier de ses outils : son corps. Une réalité sur laquelle s’étendait longuement Pierre-Hugues Herbert dans une chronique pour Tennis Addict : « Mon corps est mon outil de travail. Il est irremplaçable. Si je le casse, ce n’est pas le genre de chose que je pourrai aller changer chez Leroy Merlin… Depuis mon plus jeune âge, mon entourage a toujours mis l’accent sur mon hygiène de vie et m’a fait comprendre qu’il fallait que je prenne soin de mon corps. » L’entourage, ce sont aussi ces différents experts qui contribuent au chantier. « Les meilleurs joueurs du monde voyagent quasiment tous avec des personnes chargées exclusivement de prendre soin d’eux (masseur, ostéopathe, préparateur physique, diététicien) », continue P2H. « Novak Djokovic avec son régime sans gluten, ses séances de yoga et ses deux kinés en est un très bon exemple. Tout comme Serena Williams qui voyage, elle, avec son cuisinier sur les tournois. »
Charlotte Ducos, responsable de la préparation physique pour la All In Academy, abonde. « C’est un travail d’équipe, dont le chef d’orchestre est l’entraîneur-tennis. C’est évidemment lui qui dicte, puisque la préparation d’un joueur dépend de la planification des tournois et de ce que le coach veut travailler. » Il y a les staffs médicaux qui permettent d’établir très précisément le profil physique du joueur avec ses faiblesses et ses pathologies. « Et nous aussi, du côté des préparateurs physiques, on a nos petits tests : est-ce que le joueur est fort du haut du corps, du bas, du devant, du derrière ? est-ce qu’il y a un déséquilibre ? On répète ces tests régulièrement tout au long de l’année pour vérifier que le travail physique mis en place fonctionne. Et on s’adapte. »
Adaptation, le mot est lâché. Car, comme pour tout chantier, les imprévus sont légion. Et le temps manque toujours… « C’est effectivement difficile de caler de grosses périodes de préparation physique dans l’année », confirme Charlotte Ducos. « Pour nous, l’objectif, c’est que le joueur n’arrête jamais complètement de travailler. Tout stopper, c’est faire un pas en arrière. On essaie de le faire comprendre à nos jeunes joueurs : ce travail contribue à prendre soin de leur corps, à le préparer à ce qu’il va endurer. Parce que l’on ne travaille pas seulement le développement physique ; on bosse aussi à prévenir l’apparition des pathologies. »
La science des acides aminés
Si la préparation et la prévention font partie du quotidien du joueur, certains athlètes poussent la rationalisation de leur corps plus loin en mettant la science à contribution. L’analyse biomécanique, par exemple, comme ce fut le cas de Daniil Medvedev avec sa gestuelle au service. La réalité virtuelle également : à l’INRIA à Rennes, on a développé un serious game en VR qui permet aux gardiens de but, en football, de travailler l’anticipation des mouvements « en suivant des cibles de couleur qui bougent dans tous les sens », explique-t-on du côté de l’institut. Pourquoi pas le tennis ? « Il y a des zones cérébrales liées à la concentration, la douleur, l’appétit… plusieurs zones spécialisées qui peuvent communiquer », confie Maud Belicchi. « À force d’entraînement, on peut stimuler certaines connexions cérébrales qui nous permettent, grâce à la répétition et au travail, d’être sollicitées plus facilement et de créer des réflexes. Le cerveau est élastique : plus vous en stimulez des zones différentes, plus les neurones développent de nouvelles connexions entre eux. Il se passe la même chose dans le cerveau du sportif. En fonction des exercices qu’il réalise et à force de répétitions, il ancre une routine jusque dans ces neurones. C’est ainsi qu’il peut modifier son cerveau, ses réflexes, sa rapidité, son contrôle musculaire… »
Mais la nutrition et la micronutrition sont elles aussi des sujets d’innovation propres à participer au bâti du joueur de haut niveau. Au sein des Laboratoires NHCO Nutrition®, on a ainsi développé le concept d’Aminoscience®. L’explication ? « Le laboratoire a tout simplement intégré les acides aminés dans ses compléments alimentaires », indique Maud Belicchi. La poésie chirurgicale du vocabulaire scientifique a ceci de paradoxal qu’elle est d’une justesse absolue – mais évoque une polysémie d’univers inconnus aux oreilles béotiennes. « Toutes nos protéines sont composées d’acides aminés. Il en existe des centaines, mais seule une vingtaine d’acides aminés sert à fabriquer des protéines, protéines qui servent, elles, à faire les fibres musculaires, entre autres. »
Pas besoin d’être prix Nobel pour le supposer : si les fibres musculaires s’avèrent fondamentales pour le promeneur solitaire qui flâne d’un pas rêveur, à quel point le sont-elles pour Rafael Nadal lorsqu’il vient claquer son ultime volée de revers après 5 h 24 de match en finale du dernier Open d’Australie ? « Un sportif, dans le cas d’une activité intense, a un métabolisme accru. Il a donc besoin de plus de nutriments. On va lui apporter plus d’acides aminés pour faire plus de protéines et, ce faisant, plus de fibres musculaires. Améliorer : c’est vraiment le but des compléments alimentaires. »
Certains acides aminés peuvent être utilisés pour la reconstruction musculaire. Directement assimilables, ils servent immédiatement à faire et à refaire du muscle. D’autres vont davantage permettre de prendre de la masse musculaire ou de faire une sèche en forçant l’organisme à puiser dans ses graisses tout en préservant ses muscles. D’autres encore participent à la prévention de pépins physiques : « On travaille d’ailleurs beaucoup sur l’articulaire », confirme Maud Belicchi. « Avec, d’un côté, le renforcement et le confort articulaire et, de l’autre, le tendineux pour limiter les risques de blessures. Les compléments alimentaires constituent alors une bonne alternative au traditionnel anti-inflammatoire qui soulage ponctuellement le sportif : ils proposent des ingrédients et des substances naturelles pour une utilisation de fond. »
« Anima sana in corpore sano ! »
« Avec un corps bien préparé et des nécessités physiques honorées, l’on peut s’attacher à préparer la tête », assénait Nick Bollettieri dans son Tennis Handbook. D’autant que pour Frédéric Fontang, « le physique et le mental sont liés. Pour moi, ils ne font qu’un et on en a la preuve au quotidien si on prend soin d’écouter son corps et son esprit. Ce sont des vases communicants. Il est important pour un joueur de haut niveau d’être stimulé en dehors des limites pour progresser, mieux se connaître et se dépasser lorsque les circonstances le demandent. » Charlotte Ducos va plus loin : « Technique, physique et mental doivent s’imbriquer complètement. Mais je mettrais presque le mental au-dessus des deux autres. Courir, frapper des coups droits, des revers… Ils savent tous le faire. Ce qui fait souvent la différence, c’est la gestion des émotions sur le terrain. »
L’objectif final de ce chantier global ? Être un meilleur joueur de tennis. Mais surtout… « Être une bonne personne ! », s’exclame Charlotte Ducos. « C’est l’essentiel et c’est aussi ce que l’on essaie d’inculquer aux jeunes joueurs : quels individus veulent-ils être sur et en dehors du court ? » Exactement ce que confiait Ashleigh Barty l’année dernière, après son titre à Wimbledon : « Je me sers de toutes mes expériences pour progresser et devenir une meilleure personne. Le tennis m’a beaucoup appris, certes, mais devenir une bonne personne, c’est ça ma vraie priorité. »
Construire. Déconstruire. Reconstruire. Et devenir !
Article publié dans COURTS n° 12, printemps 2022.