C : Djokovic reste aujourd’hui, d’une manière globale, le moins populaire des trois. Chacun a sa petite explication là-dessus, quelle est la vôtre ?
J : La première raison, ce sont les médias, qui ont créé cette « bromance » entre Roger et Rafa en dépeignant Novak comme le Serbe de service qui vient un peu gâcher la fête. Quand on rabâche pendant des années que Djokovic est moins aimé, les gens finissent par le croire. Mais il me semble que les choses ont changé. Quand Lacoste a signé Djokovic, en 2017, ses tenues ne se vendaient pas énormément au début. Maintenant, c’est « sold-out » tout le temps. Beaucoup de gens, des sponsors ou autres, qui ont fermé des portes hier vont peut-être le regretter demain.
Je pense sincèrement que de nombreuses personnes ont acquis un nouveau respect pour Novak avec le fait qu’il ne se soit pas fait vacciner, qu’il soit resté fidèle à lui-même contrairement à d’autres joueurs qui – ne nous leurrons pas – ont fait croire qu’ils étaient vaccinés alors qu’ils ne l’étaient pas. Novak aurait pu tricher pour battre ses records. Il les a finalement battus sans trahir ses valeurs. Peu d’athlètes peuvent se prévaloir d’une telle intégrité.
C : Ce que certains ont craint dans cette histoire, c’est plutôt qu’il devienne un leader d’opinion et que ses fans le suivent dans son choix de ne pas se faire vacciner…
J : On prête aux athlètes un pouvoir qu’ils n’ont pas. Comme s’ils étaient des gourous. Est-ce que les gens ne sont pas suffisamment intelligents pour se faire leur propre opinion ? Moi, je me suis fait vacciner, trois fois. Novak aurait pu dire n’importe quoi, c’était ma décision personnelle. Être fan, ce n’est pas faire partie d’une secte. Et Novak, comme n’importe quel athlète, n’a pas à supporter le poids d’être un exemple pour le monde entier. Que l’on ne soit pas d’accord avec ce qu’il dit ou ce qu’il fait, aucun problème. Mais Novak n’a jamais dit : « faites comme moi ». Il n’a jamais essayé d’influencer qui que ce soit. Il n’a jamais été antivaccin, il a toujours été pro-choix.
C : Le jour où Novak arrête, vous arrêtez aussi ?
J : Le jour où il arrête, une chose est sûre : je serai plus riche ! Quoi qu’il en soit, j’aimerais toujours le tennis, qui reste le sport de ma vie. Mais je ne suivrai pas quelqu’un autant, sans aucun doute. Je vous l’ai dit : Novak a ranimé mon amour pour le tennis, en ce sens il est seul et unique à mes yeux. Ce lien perdurera toujours.
C : Au bout du compte, quel « bilan » tirez-vous de ces années de fanatisme, et qu’est-ce que cela vous a apporté ?
J : Cela m’a ouvert énormément de portes. J’ai rencontré des gens géniaux, je me suis fait des amis pour la vie. J’aurais pu arrêter « NDjokofan », mais si je ne l’ai pas fait, c’est parce que je sais aussi que beaucoup de gens n’ont pas la possibilité d’aller encourager Novak en tournoi et sont donc heureux de découvrir mes contenus. Au bout du compte, Novak a fait de moi une meilleure personne, plus patiente, plus empathique et plus confiante aussi alors qu’à la base, je n’ai pas du tout confiance en moi. Avec son exemple, j’ai aussi compris au fil du temps que l’on peut sans cesse changer et essayer de s’améliorer. J’aurais vécu grâce à lui un magnifique voyage personnel.
Article publié dans COURTS n° 15, automne 2023.