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Roger Federer

l’héritage invisible

© Ray Giubilo

Que retient-on d’une expérience passée ? À cette question, l’économiste comportemental Daniel Kahneman avait apporté dans les années 1990 une réponse originale en montrant que la construction mémorielle d’un événement ne dépendait pas de sa durée globale mais de deux moments en particulier : le plus intense émotionnellement (l’apogée) et le dernier chronologiquement (la fin). Si cette « loi de l’apogée/de la fin » (« peak-end rule » en anglais) était appliquée à Roger Federer, force est de constater que nous serions divisés sur l’apogée et unanimes sur la fin.

Divisés sur l’apogée car la carrière du Maestro est parsemée de victoires mémorables et de défaites qui le sont tout autant. Des heures et des heures de débats ne suffiraient pas à faire émerger avec certitude le point culminant du récit « federerien » : sa finale perdue à Wimbledon en 2008 contre Rafael Nadal dans une ambiance crépusculaire de tragédie grecque ? Son premier et unique sacre sur l’ocre de Roland-Garros en 2009 ? Son come-back éclatant à l’Open d’Australie en 2017 ? Sa cruelle désillusion face à Novak Djokovic lors de la finale de Wimbledon en 2019 ? Il n’y a donc pas un apogée mais des apogées qui se déterminent en fonction de ressentis éminemment subjectifs et personnels.

À l’inverse, la fin de l’aventure Federer fait l’objet d’un large consensus. Certes, nous étions nombreux à caresser l’espoir d’une dernière apparition et, qui sait, d’un dernier frisson dans un tournoi du Grand Chelem. Wimbledon semblait un lieu prédestiné mais c’est finalement dans un autre écrin de Londres, à l’O2 Arena lors de la Laver Cup, que l’artiste suisse a tiré sa révérence. Et de quelle manière ! En choisissant de jouer son ultime match officiel en double aux côtés de son plus ancien et plus grand rival, Rafael Nadal, Roger Federer a inscrit sa sortie dans une histoire plus grande que lui. Au-delà du match et de son résultat anecdotique, les larmes de Federer et peut-être plus encore celles de Nadal ont provoqué une déflagration émotionnelle qui a bouleversé des centaines de milliers de personnes aux quatre coins de la planète.

L’image de ces deux champions en pleurs, main dans la main, restera comme l’une des plus belles que l’histoire du sport ait produites. Elle valide (presque) la prophétie que Laurent Binet et Antoine Benneteau avaient formulée dans leur Dictionnaire amoureux du tennis : « Ils finiront ensemble, comme les amants de Pompéi pris dans la cendre. » À défaut d’avoir été grande sur le plan du tennis, la dernière danse de Roger Federer aura été parfaite sur le terrain du symbole.

La loi de Kahneman ne suffit pas, cependant, à appréhender l’expérience federerienne dans sa globalité. Repenser à Federer, ce n’est pas uniquement se remémorer les grandes dates de sa carrière. Repenser à Federer, c’est aussi se souvenir de ces petites choses qui ont fait le sel de notre quotidien tennistique pendant près d’un quart de siècle : mettre le réveil à quatre heures du matin pour le voir jouer à l’autre bout du monde ; avoir la boule au ventre avant chaque match contre Nadal ; porter des tenues griffées « RF » en espérant qu’elles nous donneraient des superpouvoirs sur le court ; pousser un « Cooooooome on » de soulagement (ou « Chum jetze » pour les plus germanophones d’entre nous) après un ace ou un juron d’effroi après un revers boisé ; éteindre la télé quand il était malmené pour lui permettre de se « reconcentrer »… Repenser à Federer, c’est enfin et surtout se replonger avec un peu de nostalgie dans ce que l’écrivain David Foster Wallace appelait les « moments Federer », « ces moments où, en regardant le Suisse, on reste bouche bée, les yeux exorbités, et on pousse de tels cris que nos épouses accourent de la pièce d’à côté pour vérifier que tout va bien. » Une émotion brute, presque enfantine, devant la beauté utile qu’un homme est capable de produire sur un terrain. Une passion débordante, voire irrationnelle, pour un tennis déclamé en alexandrin quand tant d’autres l’écrivent en prose.

© Antoine Couvercelle

Une synthèse chimiquement pure  

Bien au-delà de ses titres à la pelle et de son palmarès long comme le bras, Federer fut l’homme des conciliations improbables et des synthèses impossibles : son tempérament (à la fois de feu et de glace), son talent (à la fois inné et travaillé), sa gestion du temps (à la fois ancrée dans l’instant et dans la durée)… Chez le Suisse, tout est toujours affaire d’équilibre entre deux forces contraires. Même dans le jeu. Andy Roddick, l’une de ses victimes préférées, avait déclaré un jour : « Pendant son apogée, je pense que Roger Federer était le joueur le plus offensif du monde et en même temps le meilleur joueur défensif du monde. »

Il faut dire que l’artificier suisse disposait d’un large arsenal de munitions lui permettant de sublimer le tennis et d’en explorer toutes les potentialités.

Le coup droit d’abord, son arme favorite et fatale. Aérien, Federer pouvait le frapper dans toutes les positions et toucher n’importe quelle zone de la partie adverse. De l’accélération phénoménale imprimée par l’avant-bras et le poignet jaillissait une balle   foudroyante, avec beaucoup de puissance et beaucoup d’effet. Un « grand fouet liquide » pour reprendre l’image de David Foster Wallace ; le « meilleur coup droit du monde » pour reprendre l’expression de Toni Nadal. La preuve en chiffres : selon le statisticien professionnel Fabrice Sbarro, Federer a effectué dans sa carrière en moyenne 25 % de coups droits gagnants en plus que ses adversaires pour… 5 % de fautes en moins.

Le service, ensuite. Précis, varié et surtout illisible. Grand sans être gigantesque (1,85 m), Federer reste à ce jour le troisième meilleur serveur de l’histoire en nombre d’aces, derrière les géants Isner et Karlović mais loin devant tous les autres (y compris Djokovic et Nadal). Fabrice Sbarro rappelle qu’un joueur mesurant 1,85m fait en moyenne 30 %  d’aces ou services gagnants lorsque la première balle passe ; Federer, lui, a porté ce chiffre à 43 % ! Une performance remarquable rendue possible par la mécanique parfaite de son mouvement de balancier. Grâce à ce coup (souvent suivi d’un coup droit victorieux lorsqu’il n’était pas directement gagnant), il a marqué beaucoup de points mais en a aussi concédé très peu, son ratio de doubles fautes comptant parmi les plus faibles du circuit (5 % seulement).

Le revers, enfin. Objet de tous les fantasmes comme celui de Wawrinka et Gasquet, l’élégant revers à une main de Federer a longtemps montré ses limites face aux trajectoires bombées du coup droit de Nadal. Mais la métamorphose de ce coup, frappé plus tôt sur les conseils de son nouvel entraîneur Ivan Ljubičić à partir de 2016, a rebattu les cartes. Elle a porté ses fruits en finale de l’Open d’Australie 2017 puis dans la plupart des confrontations entre Federer et Nadal.

Le divin Suisse ne s’est pas contenté de maîtriser à merveille le triptyque de base « coup droit-service-revers ». Il a aussi excellé dans d’autres compartiments du jeu : on songe notamment à ses délicieuses amorties rétro, ses ravageuses demi-volées de fond de court ou encore ses majestueuses volées basses de revers. Il a même été jusqu’à populariser des coups hors du commun, dont le SABR (pour Sneak Attack by Roger, un retour ultra-agressif joué en demi-volée et suivi d’une montée au filet) est devenu l’illustration la plus emblématique.

Tout ça dans une parfaite décontraction, sans marque apparente d’effort ou de douleur. Une impression de facilité qui en a trompé plus d’un et qui a parfois conduit à faire un contresens sur le modèle Federer. Le Suisse, aussi doué soit-il, ne doit pas sa réussite à son seul talent. Elle est le produit de milliers d’heures de travail acharné avec son préparateur physique, Pierre Paganini. Johan Cruyff avait coutume de rappeler : « Jouer au football est très simple, mais jouer simple au football est la chose la plus difficile qui existe. » Il en va de même pour Federer, dont la virtuosité sur scène a fait oublier la besogne des coulisses.

2017, The Championships, Wimbledon, © Ray Giubilo

Le successeur introuvable 

Comment succéder à un joueur qui semble avoir été inventé pour le tennis ? Le Maestro a hissé son sport à un tel degré d’esthétique et d’efficacité que le passage de témoin avec les nouvelles générations ne va pas de soi. D’autres champions gagnent et gagneront autant ou plus que lui, c’est acté. Mais le feront-ils en jouant comme ça ? Nous touchons là au cœur du paradoxe Federer : un génie cité partout comme une source d’inspiration mais doté de qualités inaccessibles au commun des mortels. « Federer est le contre-exemple de tout. Plus personne ne dégagera une telle facilité à tous les niveaux », notait à juste titre Gilles Simon dans son livre Ce sport qui rend fou, regrettant au passage que la formation française ait pris le Suisse comme seul modèle depuis une quinzaine d’années.

Ce n’est pas faute, pourtant, d’avoir cherché un ou des héritiers à Federer. Les commentateurs d’abord, qui ont longtemps guetté les signes avant-coureurs de la perle rare capable de perpétuer le legs federerien. Les supporters ensuite, qui se sont mis en quête d’un successeur pour combler tout ou partie du vide tennistique et affectif laissé par leur « Rodgeur », éloigné du circuit depuis 2020 par des blessures à répétition. La mission s’annonçait ardue, elle s’est révélée impossible.

D’ailleurs, ceux qui ont cru (ou à qui on a fait croire) qu’ils pouvaient emboîter le pas du Maître se sont cassé les dents. Dans un article récent publié sur Eurosport, le journaliste Maxime Battistella s’est évertué à passer en revue différents prétendants susceptibles de reprendre le flambeau de l’homme aux 20 Grands Chelems. Les joueurs dotés d’un revers à une main sont ceux dont la gestuelle se rapproche le plus naturellement de Federer : on pense au Bulgare Dimitrov qui a hérité d’un surnom flatteur (« Baby Fed ») mais trop lourd à porter ; au Grec Tsitsipas, qui voue une admiration sans limites pour son idole mais n’a toujours pas remporté le moindre titre du Grand Chelem ; au jeune Italien Musetti, dont le talent brut est indéniable mais qui fait encore preuve d’inconstance, notamment sur le plan physique. D’autres (Alcaraz et dans une certaine mesure Kyrgios) brillent par un jeu créatif et offensif que leur aîné suisse ne renierait pas, mais les différences techniques empêchent toute filiation directe. Pour l’heure, aucun d’entre eux ne semble prêt à prendre sa relève.

Est-ce si grave d’ailleurs ? Après tout, il n’est peut-être pas possible et encore moins souhaitable de chercher à copier le Maître. À certains égards, Nadal et Djokovic ont montré la voie en trouvant, chacun dans leur genre, l’antidote au jeu vers l’avant incarné par Federer. Dans cette folle course à trois vers les sommets, l’histoire semble avoir donné raison aux tenants d’un tennis plus défensif ou contre-offensif, grandement aidé il est vrai par le ralentissement des surfaces et des balles ces dernières années. La révolution romantique n’a pas eu lieu. C’est sûrement ce qui a rendu l’aventure Federer si exaltante : la planète tennis avait peut-être ce pressentiment étrange qu’elle ne constituait qu’une expérience éphémère et une parenthèse enchantée dans un tennis en proie à la standardisation.

© Antoine Couvercelle

Un héritage entre les lignes

Federer va-t-il donc s’éteindre avec Federer ? Que restera-t-il de lui si aucun successeur ne parvient à faire fructifier son capital ? En réalité, son legs est à chercher ailleurs que dans le jeu. À l’image de l’expérience du chat de Schrödinger qui a mis en évidence le problème de la mesure dans le monde quantique de l’infiniment petit, l’expérience Federer met en évidence le problème de la mesure de l’héritage dans le monde de l’infiniment grand.

L’héritage du champion suisse est largement invisible, insaisissable, inquantifiable… Et pourtant, il existe. Fondamentalement, Federer a révolutionné l’approche du tennis de haut niveau et a trouvé les clés pour gagner beaucoup et longtemps dans un sport où perdre est la règle. Voici les cinq lois de la table federerienne.

Savoir s’entourer. Federer a très tôt réuni autour de lui une petite équipe solide et stable. Son épouse Mirka partage sa vie depuis vingt ans et a joué un rôle prépondérant dans sa carrière. Son entraîneur principal Severin Lüthi, son préparateur physique Pierre Paganini et son conseiller en image Tony Godsick sont des fidèles de longue date. Sans oublier certains sponsors (Wilson ou Rolex) à qui le champion suisse voue un attachement indéfectible.

Savoir évoluer. Pour devenir « le Maître », Federer a dû apprendre à se maîtriser lui-même. Rares sont les joueurs qui ont su transformer leur comportement de manière aussi radicale. L’intéressé confesse : « Entre 10 et 16 ans, je cassais des raquettes sans arrêt. Elles volaient de partout comme des hélicoptères et je n’arrêtais pas de me faire virer des entraînements. » Dès l’âge de 17 ans, il fait le choix de consulter un psychologue du sport pour dompter ses démons, à une époque où ce type de démarche pouvait être assimilé à un aveu de faiblesse. Après 2002 et la disparition tragique de son entraîneur de jeunesse (Peter Carter), qui fera l’effet d’un déclic, on ne le surprendra (presque plus) à hurler ou jeter sa raquette.

Savoir perdre. Même dans les défaites les plus cruelles, Federer a toujours cherché à aller de l’avant. Éliminé à la surprise générale au deuxième tour de Wimbledon en 2013, il avait théorisé la « règle des 24 heures » : une défaite ne se rumine qu’une journée, pas plus ; après, il faut se tourner vers l’objectif suivant. Le Suisse a aussi su tirer le meilleur de ses échecs contre Nadal et Djokovic, qui lui ont permis de devenir selon ses propres termes « un meilleur joueur ». C’est d’ailleurs à cause de (ou grâce à) Nadal que Federer a fait évoluer avec succès son revers dans un sens plus offensif au milieu des années 2010.

Savoir s’organiser. Federer a toujours anticipé les événements et pensé ses saisons bien à l’avance. Avec l’âge, il a fait évoluer ses méthodes d’entraînement en privilégiant le qualitatif au quantitatif. Il a même fait l’impasse sur certaines compétitions énergivores (Roland-Garros notamment, plusieurs années de suite). Avec plus de 1 500 matchs officiels au compteur et aucun abandon en cours de partie, cette stratégie de « l’effort utile » s’est avérée payante.

Savoir faire du temps un allié. C’est sans doute le plus grand legs de Federer à son sport : montrer qu’on peut rester compétitif au-delà des standards communément admis tout en continuant à trouver du plaisir dans le jeu. Très jeune, Federer a eu cette intuition qu’il pouvait balayer par son travail et son génie toutes les idées établies autour de la marche inexorable du temps. Souvenons-nous que Sampras avait remporté son dernier titre du Grand Chelem à 31 ans, Becker à 28 ans, McEnroe et Borg à 25 ans, Wilander à 24 ans. Quid de Federer après 30 ans ? Quatre titres du Grand Chelem, huit finales de Majeurs et même la place de plus vieux numéro un mondial en 2018. Désormais, suivant l’exemple de leur aîné, des joueurs et des joueuses à l’approche de la trentaine peuvent espérer approcher les sommets. À l’image de Wawrinka qui a décroché son premier titre en Grand Chelem à 29 ans ou de Caroline Garcia qui vient de gagner son premier Masters au même âge.

Voilà, à grands traits, ce que lègue le Maestro aux générations actuelles et à venir : un patrimoine immatériel inestimable. Mais on aurait tort de croire que l’héritage de Federer s’arrête à sa carrière de joueur. Son influence sur le monde de la balle jaune se poursuivra autrement : comme consultant, comme mentor, comme dirigeant dans les instances du tennis mondial… Dans notre essai Federer, un mythe contemporain, nous avons montré que le héros suisse renouait avec les codes de la figure mythique (universalité, intemporalité, beauté, sacré…). Et l’avantage des mythes, c’est justement qu’ils sont éternels. 

Alors oui, depuis deux mois, on a tous un peu le Federer Blues. On peine encore à réaliser que ça y est, c’est vraiment fini, Roger ne fera plus jamais vibrer les courts  et les cœurs de ses cordes enchanteresses. Mais quand on repensera à lui dans dix ou vingt ans, on se souviendra de sa passion ardente pour le jeu et sa perfection absolue du geste. Réjouissons-nous : le tennis reste une Fed. 

© Antoine Couvercelle
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© Ray Giubilo
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Pas d’Alcaraz

de marée surles bords du Rhin

© Antoine Couvercelle

La Halle Saint-Jacques ne sera-t-elle qu’une coquille vide sans la présence du Maestro ? Les Swiss Indoors sont-ils couverts contre ce genre de forfait intempestif ? Bâle saura-t-elle rebondir après la retraite de son plus célèbre ressortissant ? Quelqu’un hors d’Helvétie connaît-il seulement le prénom composé du numéro 1 suisse actuel ? Combien de temps faudra-t-il au nouveau locataire du sommet du classement ATP pour en avoir Alcaraz le bol des questions concernant son prestigieux aîné en conférence de presse ? Nick Kyrgios a-t-il eu le temps de faire un repérage des lieux de perdition locaux les mieux cotés sur TripAdvisor malgré son invitation de dernière minute ? Un mois après l’annonce de la retraite du GOAT, on répond à toutes les questions que vous ne vous posez probablement pas en direct de la ville où tout a commencé.

 

On en a pourtant vu d’autres au « Joggeli ». D’une finale à sens unique entre David Nalbandian et Fernando González en 2002 à la présence d’un Mikhail Youzhny fort grincheux en qualifications en 2015, en passant par 2008 et un set perdu par le Fed Express face au modeste Bobby Reynolds ainsi qu’une empoignade pas si épique que ça entre Juan Martin Del Potro et George Bastl1 – le seul homme dont on pouvait apercevoir les mollets depuis la lune à l’époque. Et pourtant l’excitation autour du tournoi bâlois semble n’avoir jamais été aussi palpable qu’en l’absence de celui qui a remporté 10 des 14 dernières finales et qui n’avait plus manqué à l’appel depuis 2016. Vous l’aurez compris, on ne parle plus ici de George Bastl. Bon d’accord, toute cette agitation tient peut-être aussi au fait que les deux dernières éditions n’ont pu accueillir qu’un seul participant boulimique : le COVID.

© Ray Giubilo

Un tableau de maître(s)

 En parlant de participants, et ce malgré l’absence de cérémonie commémorative de la carrière de RF cette année, on serait un sacré enfant gâté (certes biberonné à 23 titres majeurs helvétiques en 15 ans) de dire qu’on est déçu. À en croire le 2022 ATP Tennis Year Book distribué gratuitement à l’entrée, le tournoi n’a accueilli que 27 numéros 1 mondiaux (en exercice ou non) depuis 1970 et on parvient tout juste à lister quelques tâcherons méconnus qui ont soulevé la coupe à travers les années (Borg, Lendl, Noah, Edberg, Courier, McEnroe, Becker, Sampras, Federer, Djokovic). Il était donc grand temps d’enfin avoir une édition digne de ce nom. On ira même jusqu’à dire que bon nombre des demi-finales de Masters 1000 de ces trois dernières années (coucou Montréal) n’avaient pas le cachet de certains premiers tours bâlois. Jugez plutôt : 

Le numéro 1 mondial devait se défaire de celui qu’un honorary steward des lieux nous avait décrit comme « the next Andy Murray » sur le Court n° 3 du All England Lawn Tennis & Croquet Club en 2018, 264 minutes avant que Jack Draper ne sorte vainqueur du plus long match de l’histoire du tournoi junior. Mission accomplie 4 ans plus tard : quatre places séparent les deux Britanniques au classement ATP, en faveur du rookie. On vous l’accorde, notre interlocuteur de l’époque n’avait probablement pas le 45e rang à l’esprit au moment de se muer en Nostradamus du sud-ouest londonien.

Le plus grand espoir du tennis à croix blanche avait la lourde tâche de se frotter au dernier représentant de l’enchaînement service-volée encore capable de se déplacer sans déambulateur (c’est le quiz du jour, vous les avez les deux ?). 

Le vainqueur des tournois d’Anvers, Florence et Rotterdam qu’on raillait naguère pour ses multiples finales perdues était opposé au numéro 1 suisse évoqué plus haut (vous n’avez toujours pas son nom, hein ?). 

La joie d’Alex de Minaur d’avoir décroché un strapontin de tête de série n’a dû avoir d’égale que l’hilarité provoquée par le tirage du toujours cryptique Holger Rune comme premier adversaire, c’est-à-dire l’affiche d’une demi-finale perdue par l’Australien à Stockholm la semaine précédente. 

Que dire de ce qui aurait pu être une finale de Grand Chelem à 5 ans, deux opérations au genou et une sérieuse blessure au pied près ? Sans parler de la mine à jeux de mots de bas étage que représentait ce Wawrinka-Ruud pour tout scribouillard francophone ou anglophone qui ne se respecte pas tant que ça. 

Il était impossible de se frayer un chemin direct et sans faveur dans le tableau principal sans faire partie du top 50 cette année. Au jeu des invitations, exemptions spéciales et autres classements protégés, Aslan Karatsev, 45e mondial et demi-finaliste à Melbourne en 2021, se retrouvait condamné à passer par les qualifications. On en voit qui se trémoussent au fond : oui, la LTA britannique est toujours la seule instance de la petite balle jaune à avoir exclu les ressortissants russes à ce jour. Bien au contraire, les Swiss Indoors ont même tout fait pour que Karatsev soit invité à leur grand-messe puisque le natif de Vladikavkaz, battu au dernier tour des qualifications, était ensuite repêché en tant que lucky loser – en remplacement du fils d’un ancien finaliste du tournoi qui avait pourtant plus d’une Korda son arc – pour obtenir le droit d’affronter Alexander Bublik dans un derby de l’Oural qui sentait la poudre (une odeur assez répandue dans la région ces derniers temps).

Bref, on en oublierait presque le forfait de dernière seconde (après son invitation de dernière minute pour ceux qui ne suivaient pas) de Nick Kyrgios, officiellement blessé depuis Tokyo (selon les médias mainstream), officieusement déjà en préparation pour l’Open d’Australie (selon ses stories Instagram en salle de force). C’est donc le moment de vous présenter nos plus plates excuses pour notre incapacité à apporter une réponse à ce qui était certainement la question la plus essentielle de notre liste d’interrogations initiales par ailleurs plus pertinentes les unes que les autres.

 

Un cadre imposant

À peine le temps de reprendre ses esprits après « l’affaire Simona », contrôlée positive Halepéo en fin de semaine précédente. C’est déjà parti pour ces seizièmes de finale répartis sur trois jours, c’est-à-dire une fraction non négligeable du mandat de Liz Truss à la tête du Royaume-Uni. Les premières heures d’un tournoi sont le moment où les têtes de série sont encore prenables, dit-on. Le constat est aussi valide pour les spectateurs inexpérimentés. Après s’être senti aussi vulnérable qu’un frêle esquif breton sur la Manche déchaînée en ralliant le stade sous un déluge biblique muni d’un parapluie qui était définitivement trop bon marché pour être honnête, on réalise assez rapidement en ce lundi que les raisons d’arriver avant 13 heures malgré l’ouverture des portes à 11h45 se comptent sur les doigts d’une main de personnage de dessin animé (et encore). 

D’autant que notre petit-déjeuner copieux (et surtout inclus dans le prix de notre chambre d’hôtel) nous tient encore suffisamment au ventre pour ne pas céder à l’appel, il est vrai moyennement convaincant, du bretzel à 4 CHF ou des 33 cl de bière à 7.50 CHF (le franc suisse et l’euro sont plus ou moins à parité à l’heure où nous écrivons ces lignes). Une fois la minuscule boutique de produits dérivés aux prix inversement proportionnels à sa taille explorée de fond en comble, il ne nous reste plus qu’à attendre devant la porte du secteur B désespérément fermée d’avoir le droit de prendre place dans l’arène. Le temps pour nous d’apercevoir un Severin Lüthi détendu et affable déambuler en toute tranquillité, signant quelques casquettes RF par-ci et prenant deux ou trois selfies par-là. Ivo Heuberger, ancien joueur et membre éminent de la longue liste des conquêtes passées de Martina Hingis, bien que reconverti en CEO de l’un des sponsors de la manifestation, ne semble pas avoir le même succès à son stand.

On vous parlait du secteur B : figurez-vous que pour certains convives pourtant pas encore avinés, différencier les parties B1 et B2 des gradins relevait des travaux d’Hercule, voire de la recherche du laisser-passer A38 dans la maison qui rend fou, à entendre certaines conversations ubuesques entre les préposés à l’information et certains détenteurs de billets égarés. C’est d’ailleurs peut-être là une des explications au fait que la halle bâloise a sonné creux une bonne partie de la journée. Jusqu’à l’entrée en scène d’un certain Álvaro Soler, ombrageux chanteur hispano-allemand polyglotte de son état, apparemment très connu au Mexique, en Italie et en… Suisse alémanique (on vous laisse chercher le dénominateur commun musico-linguistico-culturel entre ces trois lieux, on n’a pour notre part pas trouvé). Pas sûr que le stade ait été plus proche d’afficher complet qu’à ce moment de la semaine. Une pensée pour Karatsev et son adversaire kazakh, heureusement généralement bon Bublik, qui jouaient en même temps sur le court 1. Enfin paraît-il, on n’y était pas. D’ailleurs, un match que personne n’a vu a-t-il réellement eu lieu ? Vous avez quatre heures (c’est-à-dire un demi-jeu de service de Marin Cilic, on en reparle juste après).

Tout ça pour vous dire que certaines choses sont immuables aux Swiss Indoors, Roger ou pas Roger. Après une enceinte aux deux tiers vide pour suivre un double initial et un Goffin-Nakashima en guise d’amuse-bouche, l’effervescence de la cérémonie d’ouverture musicale et du prime time entre Alcaraz et Draper (encore fallait-il que Soler s’éclipse), place au fameux graveyard shift de 22 h 30. C’est Cilic, vainqueur en 2016, et le Texan d’adoption Arthur Rinderknech qui ont tiré la courte paille le premier jour. Devant une salle qui ne compte plus qu’une cinquantaine d’insomniaques dans ses rangs dès le début de la manche décisive, tout se termine sur le coup d’une heure du matin au tie-break du troisième set après plus de 2h20 de jeu, en faveur d’un outsider presque aussi soulagé que la poignée de badauds occupés à placer des allumettes sous leurs paupières dans la dernière ligne droite. Les 16 rebonds entrecoupés d’exactement deux hésitations (2 … 12 … 2) précédant chaque première et chaque seconde balle de service de Cilic nous hanteront encore pendant des mois. Les TOC de Rafa Nadal sont définitivement relégués aux oubliettes. Encore une très bonne raison de ne même pas essayer d’arriver sur le site avant 13 heures le jour suivant. On en conclura que l’appellation douteuse de Super Monday pour une session qui comptait respectivement trois et cinq matches de moins que les deux jours suivants aura finalement tenu ses promesses en termes d’heure de coucher. Et d’étoiles dans les yeux pour la partie non négligeable du public qui était venue uniquement pour la performance d’Álvaro. Lunaire.

© Ray Giubilo

Jour de vernissage

Mardi, traditionnellement dédié au premier tour de Roger Federer, était la journée des Suisses cette année, avec les apparitions de Dominic Stricker (qui n’est autre qu’une partie de la réponse au quiz de notre première rubrique) et surtout de Stan Wawrinka pour sa première sortie à domicile depuis 2019. Et pourtant, les stars étaient clairement ailleurs en ce… Hyper Tuesday (on cherche encore un terme pour qualifier ce qui nous attendait mercredi, jour à 11 duels répartis sur les deux courts de la St. Jakobshalle). 

Casper Ruud tout d’abord, sorte de Nikolay Davydenko des temps modernes, tout le charisme d’un abat-jour de lampe de bureau, top 5 en jouant 200 matches (statistique affinée à la louche) par année pour la plupart dans des ATP 250 et en ne battant strictement que des joueurs moins bien cotés que lui (certes avec une régularité impressionnante, surtout sur terre battue). Mais en ce mardi rouge à croix blanche, c’est en « Monsieur 100 % » qu’il s’est présenté sur le central bâlois, puisqu’il n’avait encore jamais perdu un seul match dans un tableau principal sur sol helvétique (16 victoires, 4 titres à Genève et Gstaad). C’était le dernier moment pour placer ce chiffre immaculé. En effet, Stan et ses 55 % de victoires dans son pays natal qui le rend d’ordinaire si nerveux (dont un malheureux 13-13 à Bâle jusque-là) se sont chargés de lui rappeler qu’un minimum de panache et d’audace finit parfois par payer.

L’audace, c’est aussi celle du docte préposé aux interviews d’avant-match (un procédé à bannir de toute urgence, par pitié) qui, à court de questions technico-tactiques (il faut dire que tant Ruud que Wawrinka sont des clients à faire frémir le Nelson Monfort le plus endurci dans cet exercice), a décidé de jouer la carte placement de produit : « Vous portez le même outfit (sic), ça vous gêne ? » La consternation soudainement apparue dans le regard de son interlocuteur suggère que l’existence même de cette interrogation a remis le concept de gêne en perspective.

Du haut de notre clémence, on vous avait laissé deux paragraphes supplémentaires pour trouver la seconde partie de l’équation de notre quiz. Toujours pas ? C’est bien Maxime Cressy que Stricker affrontait en guise d’apéritif avant l’entrée du Stanimal dans une arène surchauffée. Et on avoue qu’on n’a pas tout compris au plan de match du plus français des Américains, qui crie sur tous les toits depuis deux ans qu’il compte devenir numéro 1 mondial et gagner les quatre levées du Grand Chelem. On en est presque à se demander s’il a pris la nationalité américaine de sa maman pour pouvoir cultiver le melon sur plus d’hectares. Et pourtant, qu’est-ce qu’on est fan de son noble idéal de serveur-volleyeur sur une surface aussi lente qu’un mollasson avant sa première gorgée à la Source des Dieux. C’est encore plus beau quand c’est inutile. De là à servir à 200 km/h sur chaque seconde balle jusqu’à commettre deux doubles fautes consécutives à 3-4 dans le tie-break de la manche initiale, il y a un pas que le Parisien de Hermosa Beach a franchi allégrement. Pour le plus grand bonheur de son adversaire de tout juste 20 ans, qualifié par la même occasion pour les Next Gen ATP Finals de Milan.

 

La Next Gen essuie les plâtres 

En ce qui nous concerne, le règlement rapide des affaires courantes par Roberto Bautista Agut sur le central et le lâcher d’un Alejandro Davidovich Fokina préalablement dégoupillé sur le court 1 nous ont permis de finir une heure plus tôt que la veille, de profiter d’une longue nuit de sommeil et d’arriver frais comme un gardon pour attaquer ce… euh… Giga Wednesday (ça vous va comme sobriquet ?) plein de promesses. 

Les promesses sont effectivement tenues, même celles qui n’avaient jamais été faites. Après deux jours passés à observer nos voisins consommer toutes sortes de liquides sur leur siège pendant les rencontres, on décide de rentrer naïvement une bouteille d’eau à la main, achetée sur place au prix de notre treizième salaire annuel indexé à l’inflation de 7 %. On nous signifie alors que les bouteilles sont interdites sur le central. Depuis quand ? Mystère. Toujours est-il qu’il suffit de rebrousser chemin, de glisser ladite bouteille et sa valeur exorbitante sur le marché dans notre sac, et de repasser par la même entrée, accueilli par la même ouvreuse zélée 45 secondes plus tard, comme si de rien n’était. C’est bien ce qu’on pensait : les bouteilles visibles à l’œil nu sont interdites sur le central, pas les autres.

Ce menu incident mis à part, on sait recevoir en ce Jour Trois des Swiss Indoors. On n’a pas fait deux pas dans l’enceinte que la playlist du stade nous propose Ghostbusters, en guise de célébration de la disparition d’un Casper complètement passé à travers le soir précédent face à un Stan redevenu The Man et déterminé à exorciser les fantômes bâlois du passé. Holger est quant à lui bien présent en chair et en os et Rune les espoirs d’un Alex en mode ré mineur en ouverture de la journée avant qu’un Lorenzo Musetti aux faux airs de… Roger Federer remporte tous les suffrages d’un stade rapidement acquis à sa cause comme à celle de son glorieux aîné. Las, les efforts consentis à Naples, Florence et Sofia finissent par peser trop lourd face à son adversaire espagnol aussi roublard qu’expérimenté, malgré des balles de 5-1 en troisième manche. La Next Gen (la vraie cette fois) est bel et bien au rendez-vous, mais n’oublions pas que c’est dans les vieux flacons qu’on boit les meilleurs Viñolas.

Le reste de la journée appartient à Monsieur Interview d’Avant-Match (vraiment, stop). Notre virtuose enchaîne les prouesses linguistiques, en français tout d’abord avec Félix Auger-Aliassime, autre nouvelle coqueluche du public, malgré son refus d’accorder à la résistance de Marc-Andrea Hüsler (interrogé en suisse-allemand à l’entrée) un autre sort qu’une défaite honorable. Il enchaîne ensuite en anglais et en espagnol avec Carlos Alcaraz avant de poser, pas une mais deux fois, la question qui tue (notamment par son originalité) à Botic van de Zandschulp : « comment prononce-t-on votre nom ? » On peut lire dans les yeux du Hollandais la lassitude teintée d’extrême patience d’un parent qui réexplique pour la énième fois à son enfant de 3 ans égaré dans un magasin de porcelaine que non, on ne touche pas, on regarde avec les yeux. Le brave Botic s’exécute toutefois… avant de se faire exécuter par un numéro 1 mondial qui n’a pas besoin de trop forcer son talent. On ira même jusqu’à dire que Juan Carlos Ferrero a plus transpiré que son protégé en signant moult balles, casquettes et drapeaux espagnols après avoir été repéré par la faction ibère du stade dans le box de « Carlitos » à la fin du match.

22 h 15. Ne reste plus au programme que le grand mystère du jour : la programmation de Dominic Stricker en night session face à Pablo Carreño Busta, peut-être le joueur le plus sous-estimé de la planète depuis cinq ans. Le Bernois avait-il mentionné aux organisateurs son allégeance aux Young Boys, rival honni du FC Bâle au moment de son inscription pour mériter un tel traitement ? Toujours est-il que la course-poursuite avec le dernier tram de 1 h 02 du matin est lancée dès le début de la partie pour les spectateurs comptant s’accrocher jusqu’au bout de la nuit. C’est à minuit cinquante-six que le jeune gaucher doit sortir du court vaincu après trois sets d’une âpre lutte, acclamé par la poignée d’irréductibles fort bruyants encore présents dans la Halle St-Jacques. Selon nos informations avisées, même la télévision alémanique SRF avait posé les plaques bien avant cette échéance fort tardive et le commentateur francophone de la RTS a dû rapidement prendre ses jambes à son cou pour attraper l’ultime transport en commun susmentionné et ainsi s’éviter 50 minutes de marche vers le centre ville à cette heure indue.

 

Nul besoin de broyer du noir

Vous l’aurez compris, tout orpheline qu’elle est, la mouture 2022 du tournoi ATP 500 de Bâle se porte bien, merci pour elle. Une génération 2000-2003 (Alcaraz, FAA, Rune, Musetti, Nakashima) qui n’était pas ou à peine née lors des deux premières finales du Swiss Maestro dans sa ville d’origine y a pris le pouvoir comme lors du reste de la saison indoor, quelques vieux lions (Wawrinka, le toujours jovial Bautista Agut et le gai luron Ramos-Viñolas) ont montré quelques beaux restes et la relève locale (Hüsler, Stricker) ne demande qu’à continuer de briller sous les projecteurs du plus grand rassemblement tennistique que leur contrée natale peut leur offrir. Finalement, à défaut d’être flamboyant sur le terrain, Andy Murray a tout de même apporté sa pierre rhétorique à l’édifice en début de semaine en ironisant sur le fait qu’il venait d’atterrir dans la ville abritant l’un des plus grands athlètes du monde (Granit Xhaka bien sûr) dans un message au grand absent de la semaine largement relayé sur les réseaux sociaux. 

Même si on raconte que les Swiss Indoors auraient déjà fait des appels du pied au paradis fiscal zougois et à la Genève internationale pour reprendre le flambeau en cas de non-reconduction du contrat avec Bâle qui arrivera à son terme à la fin 2023, on serait prêt à miser gros (un bretzel voire une bouteille d’eau hors de prix par exemple) sur le fait que l’étape rhénane du circuit saura survivre sans son enfant chéri comme elle avait longtemps existé avant lui. La municipalité bâloise ne dit d’ailleurs pas le contraire puisqu’elle refuse pour l’instant les demandes insistantes d’une partie de la population qui milite activement pour que le nom de Roger Federer soit pérennisé en le donnant à l’une de ses rues. En Suisse, on n’offre en principe pas cet honneur à un citoyen de son vivant, et pas moins de cinq ans après son décès (oui, le deuil est long et douloureux sous nos latitudes). La raison ? On veut être sûr que la réputation de la personne choisie soit bel et bien aussi immaculée que les clichés qui circulent sur le pays du fromage, du chocolat, des montres et donc de la propreté la plus absolue. Avouez qu’il serait bête de devoir rebaptiser la Roger-Federer-Strasse en cas de frasques tardives du retraité éponyme. Imaginez par exemple que le malheureux décide de porter des Crocs en public ou de circuler en trottinette électrique – les deux plus terribles suppôts de Satan en ce monde – dans ses vieux jours et qu’on soit contraint de le déboulonner de son piédestal. 

Il n’y aura donc pas de passe-droit et il y a fort à parier que le ciment indoor continuera de tourner malgré tout. Et si vous ne nous croyez pas, attendez janvier et la première édition de la United Cup, créée sur les cendres encore brûlantes des Hopman et ATP Cups, qui vous prouvera que l’Histoire est un éternel recommencement. Retour Alcaraz départ en somme. Que le patron du circuit nous pardonne tous ces calembours, les vannes carcérales n’étaient pas libres. 

 

Article publié dans COURTS n° 13, automne 2022.

1 Si d’aventure le dernier cité nous lit, on profite de ces lignes pour lui communiquer notre gratitude éternelle pour l’émotion rétrospective qu’il procure au soussigné à chaque mention de Pete Sampras et du « cimetière des champions » en 2002. Un exploit majuscule qui nous fait (presque) oublier ce cri intempestif dans le public sur balle de demi-finale de Coupe Davis face à Nicolas Escudé un dimanche soir de printemps 2001 à Neuchâtel. Un premier souvenir tennistique télévisé qui contribue encore à peupler certains de nos cauchemars 21 ans plus tard.

Arnaud Federer

Arnaud Federer
Laurent Chiambretto
Solar Édition, 2022

Fin septembre 2022, quelques jours après les adieux de Roger Federer lors de la Laver Cup, Arnaud Federer est sorti. Publié chez Solar, ce livre est le quatrième de Laurent Chiambretto, ancien 2e série et responsable d’un grand club de tennis parisien. Un ouvrage qui séduit par son originalité, l’une des marques de fabrique de l’auteur.

 

Pour atteindre le plus haut niveau, il faut impérativement se cheviller à une hygiène de vie aussi saine que celle d’un prof de yoga amateur de boulghour. Foutaises ! Pour devenir Roger Federer, il suffit de se murger la tronche. Dans un roman de fiction, en tout cas. Dans Arnaud Federer, pour être précis. Après le succès de Rodgeur forever, sorti en mai 2019, Laurent Chiambretto, également auteur de Top 5 tennis et du Dico bien frappé du tennis, a écrit de nouvelles aventures à son héros : Arnaud Toulemonde, fan inconditionnel du Suisse aux 20 titres du Grand Chelem.

Mais les choses vont mal désormais pour Arnaud. Et c’est un euphémisme. Finie la période de rêve coïncidant avec le retour au premier plan de l’idole en 2017-2018. Suite à la finale de Wimbledon 2019 perdue par « RF » malgré deux balles de match face à Novak Djokovic, sa vie devient cauchemar. Traumatisé, hanté par cet enfer, M. Toulemonde se transforme en homme aussi insupportable qu’une personne restant immobile dans la file de gauche des escalators. Résultat, sa femme l’éjecte du foyer familial pour rester seule avec leurs deux enfants (sanction que devrait subir chaque sans-gêne des escalators s’il y avait une justice en ce bas monde !).

Cherchant à se changer les idées, le protagoniste trouve une solution. Une très connue et adoptée par beaucoup, mais qui ne résout jamais les problèmes : une soirée très arrosée. Trop arrosée. Mais Arnaud n’est, finalement, pas comme tout le monde.
Le lendemain, pas de mal de crâne, de nausées ou de trou noir. Non. Le lendemain, il se réveille dans la peau de Roger Federer, la veille de la fameuse finale de Wimbledon 2019. Avec un but : changer le cours de l’histoire pour remettre sa propre vie en ordre.

Nous embarquant dans un récit rocambolesque, Laurent Chiambretto fait une nouvelle fois mouche avec sa plume drôle, décalée, piquante ; sa maîtrise du dialogue et son sens de la punchline. « En même temps, demander à un joueur français des conseils sur le mental, c’est comme demander à Donald Trump une thèse sur l’humilité », peut-on lire à l’entame du chapitre 29. « J’veux me marier avec une fille déguisée en hotdog et comme ça, je l’embrasserai tout le temps », fait-il dire à l’un des deux fils de Federer.

Il donne également vie à des personnages hauts en couleur, comme « Mamie Lubrique » ou Ted Keating, préparateur mental aux répliques dignes du Père Fouras. « Si tu vois tout en gris, déplace l’éléphant », « Celui qui veut voir l’arc-en-ciel doit déjà apprendre à aimer la pluie », « La connaissance est de savoir que la tomate est un fruit. Et la sagesse, c’est de ne pas en mettre dans une salade de fruits », déclame par exemple un Keating très important dans le récit, et très précis dans les exercices imposés pour travailler l’esprit. La force des recherches réalisées en amont par Laurent Chiambretto.

« Pour la préparation physique, j’ai eu des échanges approfondis avec Fabrice Nocera, ostéopathe de l’équipe de Serbie féminine de basketball, nous explique l’écrivain. Les journalistes de la RTS, Mathieu Aeschmann et Hervé Borsier, m’ont aidé à coller au plus près du protocole de Federer et à décrire Wimbledon de façon précise. Pour la prépa mentale, je me suis entretenu avec un diplômé – Alexandre Sokolowski – et j’ai ensuite ingurgité plusieurs lectures sur le sujet pendant un mois. » Reste à savoir si – exception qui confirmerait la règle – l’alcool a permis à Arnaud de résoudre ses problèmes. Et à Roger Federer de sabrer le champagne. 

 

Article publié dans COURTS n° 13, automne 2022.

Constant Lestienne

un magicien dans le Top 100

Sur le circuit, il est connu pour son jeu atypique, ses services à la cuillère et… ses tours de magie qu’il distille dans le vestiaire aux autres joueurs. Constant Lestienne, 30 ans, a goûté pour la première fois à la lumière du top 100 l’été dernier après de longues années à batailler dans l’ombre du circuit secondaire. Une belle récompense pour le Français qui a raconté à Courts ses premiers pas dans l’élite, sa rencontre avec Roger Federer et sa passion pour la magie.

 

Courts : Comment as-tu vécu ton entrée dans le top 100, comme un soulagement, un aboutissement ou simplement une étape de franchie ? 

Constant Lestienne : Oui, on peut le voir comme un aboutissement dans le sens où j’avais essayé toutes ces années de l’atteindre sans réussite. Je suis très content de pouvoir dire que j’ai été dans le top 100, c’est symbolique pour tout joueur de tennis. Mais maintenant que j’y suis, je le vois plus comme une étape et j’ai envie d’aller chercher bien plus haut, pourquoi pas jusqu’au top 30 par exemple. Je m’en sens capable. 

 

C : Tu as joué pendant des années sur le circuit Challenger, est-ce vraiment l’univers impitoyable que l’on imagine ? 

C.L. : Oui, c’est vraiment la guerre. Tout le monde a le couteau entre les dents, on ne gagne pas beaucoup d’argent. C’est vraiment une étape que tout le monde veut franchir avant le Graal, qui est de jouer les tournois ATP. Donc c’est une ambiance qui est assez dure. Tout le monde a envie d’être performant, les conditions de jeux sont plus difficiles, les matches ne sont pas télévisés. C’est compliqué, il faut faire son trou.

 

C : Maintenant que tu joues les tournois ATP, qu’est-ce qui change le plus par rapport au circuit Challenger ?

C.L. : C’est surtout l’organisation qui est bien meilleure. On joue dans de grandes villes qui sont faciles d’accès. On a des beaux hôtels, on vient nous chercher à la gare ou à l’aéroport. On mange mieux. Et puis forcément, on joue sur des courts centraux avec du monde. Mon entourage peut regarder mes matches à la télé. Tout est plus facile en fait, ce sont plein de petits détails qui font que la vie est plus agréable.

 

C : Financièrement aussi cette entrée dans le top 100 doit te permettre de voir venir, est-ce que tu sens moins de pression à ce niveau-là ?

C.L. : Contrairement à ce qu’on pourrait penser, on ne joue pas pour l’argent. Moi, en tout cas, je ne joue pas pour l’argent. Ce qui peut me faire stresser, c’est plutôt les points ATP. C’est le véritable enjeu. La question de l’argent ne m’a jamais paralysé dans mon jeu. Après, dans les tournois du Grand Chelem, on sait qu’il y a la possibilité de gagner énormément d’argent, mais tout ça vient avec le classement. 

 

C : Est-ce que tu t’es fait un petit cadeau pour fêter ton entrée dans le top 100 ?

C.L. : Non, pas vraiment. J’ai voyagé un peu en business quand je suis allé à San Diego et puis ensuite pour aller à Tel Aviv. C’était la première fois de ma vie que je voyageais en business class donc je considère ça comme un petit cadeau. Mais je ne me suis rien acheté encore. J’essaie de garder la tête sur les épaules et de ne pas m’emballer. 

 

C : Physiquement tu sembles enfin avoir trouvé une certaine stabilité alors que jusque-là, ta carrière avait toujours été freinée par les blessures.

C.L. : J’ai un kiné qui est basé à Paris que je vois régulièrement et qui prend soin de moi. Ça me permet de repartir « requinqué » pour le prochain tournoi. D’ailleurs, mon but pour l’année prochaine serait de voyager avec un kiné sur plusieurs semaines pour travailler plus en profondeur. L’objectif, c’est aussi de pouvoir jouer encore longtemps, jusqu’à 35 ou 36 ans. Ce serait vraiment génial parce que j’adore ça. Grâce à mon classement et au prize money des tournois ATP, maintenant je peux envisager de voyager avec un kiné. Sur le circuit Challenger, à moins d’avoir un sponsor, la question ne se posait pas. 

 

C : Il semble aussi que tu aies trouvé de la stabilité dans ton entourage avec ton entraîneur Julien Varlet.

C.L. : Oui, ça se passe super bien avec lui à la « French Touch Academy » où je vais aller cet hiver pour préparer l’Australie. C’est vraiment une équipe de « mecs » adorables et compétents, je sens que je fais partie d’une famille, tout le monde est derrière moi. C’est important de savoir qu’on a des personnes derrière nous. Il y aussi ma copine Léa qui est pour beaucoup dans ma réussite. Elle m’a beaucoup aidé émotionnellement à franchir le cap. Elle m’a accompagné pendant un an sur les tournois. Tout cet environnement m’a beaucoup aidé à entrer dans le top 100. 

C : Avec ces bons résultats, tu as été un peu plus médiatisé, est-ce que tu sens plus d’attention et de reconnaissance ? 

C.L. : Oui un petit peu. Bon, c’est sûr que si je marche dans la rue, personne ne va me reconnaître (rires). Ce qui pourrait me faire connaître c’est de gagner des matches à Roland-Garros ou à Bercy. Mais pour l’instant, je ne suis pas encore connu du grand public. 

 

C : Quel joueur du top 10 aimerais-tu affronter ?

C.L. : J’aimerais bien jouer contre Nadal parce que c’est mon idole. Mais bon, je préfère faire des matches contre des adversaires moins bien classés et les gagner, plutôt que de tomber au premier tour contre un membre du top 10, même si ce serait une bonne expérience. 

 

C : Tu as eu l’opportunité de servir de sparringpartner à Roger Federer en 2018 à Dubaï. Peux-tu nous raconter cette expérience ?

C.L. : C’était un super souvenir, que je garde précieusement. Roger avait demandé deux Français pour s’entraîner pendant 3 semaines à Dubaï et la FFT nous avait fait ce cadeau avec Corentin Moutet car on avait fait une bonne saison. C’était incroyable de partager ses entraînements pendant presque trois semaines. J’ai appris à le connaître et c’est vraiment un mec en or, trop sympa. Il m’avait donné quelques conseils. 

 

C : Dans ta façon de jouer, assez créative, on sent que tu as besoin de t’amuser sur le court. Est-ce que quand on est joueur professionnel on arrive encore à voir le tennis comme un jeu ? 

C.L. : Pas trop, je le prends vraiment comme mon métier. Parfois, il est bon de se rappeler qu’on joue à un jeu. Mais on arrive à un niveau où il faut vraiment être sérieux, où tout le monde a envie de gagner avant de s’amuser, avant de jouer. 

 

C : Tu es un adepte du service à la cuillère, quel est le secret pour réussir ce coup ? 

C.L. : Le service à la cuillère, j’ai commencé à l’utiliser il y a 4 ans. C’est parti d’une blessure à l’épaule qui m’a empêché de servir à plus de 160 km/h pendant trois ans. Il y a des moments où ce coup m’a sauvé. C’est un coup qu’il faut garder pour des moments précieux, il ne faut pas en abuser. D’abord, il faut s’assurer avant de le faire que son adversaire est bien en position, sinon il peut prétendre qu’il n’était pas prêt et le point doit être rejoué. Il est plus facile de le tenter côté avantage. Il doit être le plus court et rasant possible pour que l’adversaire soit en bout de raquette obligé d’aller au filet, puis on tire un passing ou un lob.

 

C : En dehors du court tu as une passion peu commune, la magie, d’où vient-elle ? 

C.L. : J’ai toujours aimé la magie. À l’âge de 24 ans, j’ai eu une blessure et donc je suis resté à Paris pendant plusieurs mois. Je suis entré dans un magasin de magie et j’ai rencontré des magiciens qui m’ont dit : « Vas-y, montre-nous ce que tu sais faire. » Je tremblais, mais j’ai essayé de faire un tour (rires). Ensuite les mecs m’ont emmené dans un café et m’ont montré plein de trucs. Là, j’avais des étoiles dans les yeux, je suis tombé amoureux de la magie. Depuis ce jour, je n’ai jamais arrêté.

 

C : Est-ce que tu trouves le temps de pratiquer ? 

C.L. : Avec une vie de joueur de tennis on a beaucoup de temps morts, dans les hôtels, dans les transports, les aéroports. Je trouve ça bien d’avoir un paquet de cartes dans la poche. On a le temps de s’exercer ou bien d’amuser la galerie, de faire plaisir aux copains. Je trouve ça très agréable. Ça me permet de me changer un peu les idées pendant les tournois. J’en ai fait un peu moins cette année car j’ai été plus concentré sur mon tennis, mais je garde cette passion ; et pourquoi pas l’utiliser plus tard ?

 

C : D’ailleurs, est-ce que tu as parfois recours à la magie pour jouer des mauvais tours à tes adversaires ?

C.L. : J’ai étudié le mentalisme qui est une partie de la magie et ça m’a un peu aidé à lire mes adversaires au retour de service.  Oui, il y a deux ou trois trucs qui m’ont aidé pour essayer de lire les zones. 

 

Est-ce que les autres joueurs connaissent ta passion pour la magie ?

C.L. : Oui, je suis connu dans le vestiaire pour mes tours de magie. Quasiment tous les joueurs le savent, j’ai fait pas mal de tours pendant les tournois. On m’appelle le magicien ! 

 

Article publié dans COURTS n° 13, automne 2022.

Close Encounters With Vitas Gerulaitis

The generous, charismatic, beloved “Lithuanian Lion” from Queens, New York once inspired a dear friend to say: “Vitas wouldn’t give you the shirt off his back if you needed it, he’d go home and get you a clean one.”

Vytautas Kevin Gerulaitis was born on July 26, 1954 in Brooklyn, NY. Taught by his father was a tennis instructor, “Vitas” played one year at Columbia University in New York before embarking in 1971 on a successful professional tennis career, highlighted by winning the 1977 Australian Open title vs John Lloyd 63 75 57 36 62, playing in the US Open final of 1980 vs. John McEnroe and the 1980 Roland Garros final vs. Bjorn Borg. Gerulaitis won 26 overall ATP singles titles and eight more in doubles including 1975 Wimbledon doubles title with Sandy Mayer. His highest career ranking was ATP no. 3 in February 1978.

After his playing career, which ended in 1986, Gerulaitis became a successful TV analyst for USA Network from 1988-1994. He also coached Pete Sampras during the 1994 Italian Open, due to Pete’s regular coach Tim Gullikson being on a family vacation. Sampras won the final in Rome vs Boris Becker in straight sets.

Just days after the 1994 US Open, Gerulaitis tragically died in Southampton, New York, while sleeping in a guesthouse of a friend, due to carbon monoxide poisoning.

This feature – a collection of memories, stories and anecdotes – is a tribute to one of the most popular and beloved champions in the history of sport…

Chris Lewis: Before commenting on his game, I would like to say a few things about Vitas, the person. On the tour, he was universally liked. Flamboyant, charismatic, witty and incredibly generous, Vitas was always great company, with a tremendous sense of life. With Vitas, there NEVER was a dull moment. Whether it was watching his favorite sports teams, heading out to Studio 54 in his Rolls Royce or practicing for the US Open at his Long Island home, Vitas enjoyed himself. He lived life as if every second counted. And he was popular because wherever he went, he was always in good humor. People loved being around him, and he them.

For example, even though he wasn’t exactly an embodiment of the values represented by that golden era of Australian tennis, when Australia ruled the tennis world, he was well liked by the Australian greats. For instance, he got on tremendously well with Fred Stolle and I know that Tony Roche also thought highly of Vitas and you only had to look at who attended his funeral to see how highly regarded he was by his contemporaries. As far as his playing goes, he definitely was NOT a subscriber to ‘The Seles Principle.’ He was no 800 lb. gorilla, his game had no ‘heft.’ It was a game built purely around speed and reflexes – lightning quick foot speed and even faster cat-like reflexes. He was also an extremely quick thinker and decision maker, making full use of a limited arsenal to exploit any of his opponents’ weaknesses. He was also a guy who wasn’t scared to take the initiative by coming in behind a relatively weak second serve, backing himself – and his speed – to worry the guy into making a return error. You need a special sort of courage to do that.

His was a game that said: “pass me or lob me fifty times in the next two hours and the match is yours.” Bjorn could do it, Jimmy could do it, Ivan could do it, John could do it, but there weren’t too many others who could do it often enough to beat him consistently. To quote Peter Bodo, ‘Vitas was a player who fits into the, One thing I’m confident about, though, is that it’s pretty easy to overlook the value of speed and quickness. Give me a player with world class speed (and I’m talking track-and-field world class), consistent groundstrokes, and a strong mind and – bingo! – he’s Top 5 for sure category. In Vitas’ case, it wasn’t that he relied on consistent groundstrokes and his speed around the baseline to win matches, even though he did this well when he couldn’t get in, he relied on consistent volleys and his speed around the net. I think another factor in Vitas’ on-court success was his larger than life off-court status; he was a true celebrity in the tennis’ rock ‘n roll era. Didn’t matter where he was, walking down the streets of Manhattan, dining in a fashionable restaurant in London or stepping on to the Concorde in Paris, Vitas turned heads. He was the guy who hung out with guys like Mick Jagger and dated Vogue cover supermodels like Janet Jones. Like Bjorn, Vitas brought fans through the gate. Crowds wanted him to win. Most of the time, the guys he played just didn’t have nearly the same status, nor the same star quality. A born showman, Vitas nearly always established a very positive rapport with the spectators. He engaged them. They wanted to see HIM play the next day, not the other poor sap. He was exciting to watch. Is this a factor in a tennis match… the psychological factor involved when playing a BIG name? You bet — unless you’re one of those anti-hero types who likes to spoil the script by ruining the ending. Didn’t happen that often, though. Just against the very best. Like the sixteen times in a row he was beaten by Jimmy and upon finally beating him for the first time, Vitas’ immortal words to the press were, “Nobody beats Vitas Gerulaitis seventeen times in a row.” Classic Vitas!

I mentioned in an earlier post that I practiced extensively with Vitas. Just a word about that. On the practice court, Vitas was all business. His work ethic – he was a Harry Hopman protégé – was flawless. He was easily one of the Tour’s most hard-working, conscientious players on the practice court. Tireless, even after a VERY late night, or nights. Like everything he did, he loved to play. He was one of the few guys who actually ENJOYED pushing himself to the max in practice, and then heading off for some interval training afterwards. Nicknamed “Broadway Vitas” by the press, he lived life in the fast lane, all the time. To me, his legacy is that of someone who squeezed out every ounce of life before his accidental and tragic death. He was both a great player and a great person.

John James: It is a match I would like to forget. I had a very good tournament beating some higher ranked players and reaching the semis. Vitas beat me 6-0,6-0. Very embarrassing. Feature match on a Saturday afternoon. I remember I really played okay. He was just too good for me. I somewhat consoled myself by realizing that we had very similar styles of play. He was just much better at it. The other main thing I remember from the match was how quick he was. None of my shots were big enough to get anything by him. A side note. After I stopped touring I played a lot of tournaments in the New York area. Many of those were held at the National Tennis Center where Vitas Gerualitis Sr. was a coach. He regularly came to watch my matches and chat afterwards. Very nice person. I was flattered that he took an interest in my tennis when he had a son who was such a great player.

Bill Koegler: I was very close friends with Vitas at the time of his death. Incredibly sad. Vitas and I had some wild times together, and he and I had many things planned for the future. I collect cars, and he sometimes would drive one around for a few days when he was in Los Angeles, and he had a key to my condo in Brentwood, near Barrington and San Vicente, between Sunset and San Vicente. He and I and Wilt Chamberlain played three times at the Barrington courts and at The Riviera Tennis Club, where I was a member. Then they were gone.. passed away, my heart aches still.

Jan Triska: The era of McEnroe, Connors, Gerulaitis and Borg… they seemed divine, supernatural creatures, making a hard game look easy. The racquets were basic, not the high tech equipment of the “Big Three” era of men’s tennis. Try playing with the gear of 1980 today and see how it goes.

Gene Mayer: I played Vitas four times and lost each time. I never won a set from him. He was very quick, it was hard to dictate points against him, he transitioned from defense to offense seamlessly.

My lasting memory of Vitas… his huge heart, incredibly generous, always upbeat, a real zest for life, a real concern for inner-city youth and how took great care of his family.

Ed Wolfarth: In the late 70s I was one of his hitting partners at Alley Pond Tennis in Queens, where his dad, Vitas Sr, was tennis director. In the early 80s, Vitas often went to Turnberry Isles in Miami to hit and train with Fred Stolle. He had a great work ethic. One rainy day he took all the kids who were watching him train, bowling in his Rolls Royce! He was a pied piper. Loved by all.

John Cavanaugh: Vitas was the man . The writers would ask the players where they were going at night after the Open and they said, “Wherever Vitas is going.” Borg stayed with Vitas at his home on the Island with it’s own court. My dad Jack Cavanaugh covered the Open from Forest Hills to Flushing and always said the writers loved him. I was lucky enough to meet him back then. Broke my heart when he died. Took the wrong guy. One of the biggest gut punches I can ever remember in sports. Everyone shed a tear for Vitas. A true legend the likes of who we’ll never see again.

Lisa Kerkorian: I first met Vitas Gerulaitis at the US Open in 1981. I was coming into the player lounge as he was leaving. I was starstruck – I wasn’t yet 16 and here was a legend of the game, a man larger than life with an energy about him: charismatic and cool. My lasting memory, though, is of him as person. Jovial, fun to be around, always kind and generous with his time. I got to know him well in 1984, when eight of us went on an exhibition tour of Japan. He was wearing Maggia at the time, and I recall thinking how stylish he looked – and how my clothes felt second rate in comparison.

Kyle Johnson: I got to play doubles twice against Vitas on the Satellite circuit in San Antonio and North Carolina after I finished playing at Penn State. It was mid to late 70s. Players like Vitas, Connors, Nastase would sometimes play Satellites to stay sharp between the bigger tournaments. I remember Vitas hit with a lot of top spin, if you didn’t get in the right position to hit his ball it would bounce right over you. And he was just so friendly, so nice. Not like the other guys like Nastase and eh…

Rob Glickman: A lot of people don’t know who Vitas really was. Everybody thinks he was a cocaine addicted tennis pro. He worked very hard to get to no. 4 in the world, he trained very hard. He liked to party and date beautiful models like Carol Alt and Janet Jones. Vitas Sr. was my boss. Ruta was a year younger than me, I was two years younger than Vitas. Ruta was the most beautiful girl in the world. I had the biggest crush on her. One day at Port Washington I was playing with Larry Davidson, an excellent player, and on the court next to us was Vitas and John McEnroe playing a challenge match. While I was playing Larry, I was also watching them play at the same time [smiles]. Seven years later they were both in the US Open final. When Vitas was in 12th grade, McEnroe was in seventh or eighth grade. I trained with Vitas, two hours of drills, Harry Hopman had us doing everything. When we were all at Port Washington, you’re not exactly friends, more like competitors. Vitas was an amazing athlete, he could have been professioal soccer player or baseball player. He could have chosen any sport but he picked tennis. McEnroe also played soccer and basketball in high school and he chose to concentrate on tennis.

A lasting memory of Vitas? Probably going to Studio 54 and seeing Vitas there on the dance floor with two beautiful models. The confidence he had wherever he went. He was handsome, blond, confident and generous. He was my idol. Everybody wanted to be Vitas. Did you know he put white gauze tape on his grip? He learned that from me. I think about him almost every day. I wonder what he’d be like as a 60 year old. Like he was becoming a good TV analyst and interviewer. It’s too bad he passed away too young. Everybody loves Vitas, Pete Sampras, McEnroe, Connors, Borg. Did you see who came to his funeral? It’s great that you are doing a book about Vitas. I hope they make it into a movie.

Denis Grozdanovitch

« Jouer, c’est du temps de gagné »

© S.ROUDEIX/Opale/Leemage

Le jardin du Luxembourg au cœur de Paris, ses mythiques courts de tennis, la douceur d’une après-midi de fin d’été, le cadre est posé pour une discussion avec un tennisman philosophe. Dans De l’art de prendre la balle au bond, Denis Grozdanovitch a narré son parcours peu banal d’apprenti champion de tennis devenu écrivain. S’il a finalement choisi l’écriture comme terrain de jeu, le lauréat du prix Saint-Simon 2019, 74 ans, a gardé son âme d’enfant de la balle. Témoin privilégié de l’évolution du tennis, il raconte à Courts ses rencontres avec René Lacoste, Jean Borotra ou Ken Rosewall et défend son approche romantique du tennis, qui renvoie au plaisir originel du jeu. Pendant ce temps-là, une leçon de tennis vient de débuter sur l’un des courts du jardin du Luxembourg…

Courts : Vous avez pratiqué à haut niveau le tennis, le squash, le jeu de paume. Maintenant vous jouez de façon assidue aux échecs. Pourquoi est-ce que vous aimez tant jouer ?

Denis Grozdanovitch : Je devais être un enfant assez angoissé avec des parents et des grands-parents traumatisés par les deux guerres mondiales. Le jeu a été une sorte de refuge pour moi. Le club de tennis était à quelques centaines de mètres de la maison familiale à Mesnil-le-Roi. Tous les soirs j’allais m’entraîner au mur, jusqu’à la nuit. Les premières étoiles apparaissaient et il y avait cette petite planète blanche, car les balles étaient encore blanches, que je faisais circuler. Il y avait quelque chose de commun avec ce jeu des planètes. « Regarde les étoiles comme si tu tournais avec elle », disait le philosophe latin Lucrèce. Dans l’Antiquité, les jeux de balles étaient en corrélation avec une forme d’astronomie. Si on arrivait à maîtriser ces petites planètes bondissantes, on pouvait mieux maîtriser son destin. Ce que j’aimais, c’était la sensation de contrôler la balle, de la mettre où je voulais. Au fond, c’est quand je jouais à mes jeux d’enfant, puis à mes jeux d’adulte, que je ne perdais pas mon temps. C’était du temps gagné. J’ai toujours eu l’impression que ma vie était justifiée par le jeu.

 

C : À l’origine, le tennis se joue dans les jardins. Cette connexion avec la nature, elle semble importante à vos yeux.

D.G. : Ah oui ! J’ai des souvenirs d’enfant à jouer au tennis en bord de Seine. Il y avait quatre courts en terre battue entourés de grands arbres. J’ai joué toute mon enfance dans cet endroit. Pour moi, ce contact avec la nature fait partie du tennis. Ici, au jardin du Luxembourg, c’est pas mal parce qu’on entend le bruit du vent dans les arbres. J’ai toujours été conscient de l’environnement, de la beauté du jardin autour, du soleil qui joue son rôle pendant la partie.

 

C : Dans les années 60, vous êtres un apprenti champion à l’INSEP (Institut national du sport) mais vous êtes passionnés de littérature et vous devez vous cacher pour vous adonner à la lecture dans un milieu pas très porté sur la culture.

D.G. : Oui, j’avais compris qu’il ne fallait pas trop montrer son côté intellectuel dans les milieux sportifs. J’avais amené en secret une malle de livres que je cachais sous mon lit. J’avais trouvé une vieille salle de musculation désaffectée dans laquelle le lisais. Un jour, j’ai été surpris par un camarade en train de lire. Il était complètement effaré (rires). Le soir, ils ont essayé de me bizuter. J’ai toujours pâti de ce côté intellectuel. C’est pour ça que j’ai arrêté assez tôt ma carrière professionnelle. Ce n’était pas du tout mon truc parce que les entraîneurs voulaient me robotiser. J’adorais le tennis mais je ne voulais pas devenir un robot comme le sont la plupart des joueurs modernes…

 

C : C’est une rencontre avec René Lacoste qui achève de vous convaincre que cette carrière n’est pas pour vous. Que s’est-il passé ?

D.G. : J’étais champion de France junior, j’avais 17 ans. René Lacoste était venu assister à l’un de mes matchs au Tennis Club de Paris et ensuite il était venu me voir dans les vestiaires. C’était un grand de ce monde, il est arrivé avec son majordome qui lui tenait son manteau plié sur le bras. Il s’est approché de moi et m’a dit : « Jeune homme, je crois que vous avez les qualités si vous le voulez bien pour devenir champion du monde. » Au moment où il m’a dit ça, je me suis dit qu’il se trompait complètement… Par la suite, nous avons continué à avoir des échanges. Il a commencé à me prendre sous son aile, à me donner des conseils diététiques, stratégiques et même psychologiques.

 

C : Avez-vous côtoyé d’autre illustres joueurs ?

D.G. : Oui, j’ai joué avec les quatre mousquetaires, René Lacoste, Henri Cochet, Jacques Brugnon et Jean Borotra. J’ai joué tous les dimanches avec Jean Borotra, pendant plusieurs années. À 60 ans, il avait encore un niveau de première série, c’était étonnant. Il était assez filou. À chaque fois que je gagnais deux jeux de suite, il essayait de « m’endormir » au changement de côté. « Ah tu vois Denis, ce coup me rappelle ma finale de Wimbledon contre Bill Tilden, en 1932… » Je repartais la tête dans les étoiles et je perdais les deux jeux suivants (rires).

 

C : Éprouvez-vous des regrets par rapport à cette carrière avortée ?

D.G. : J’ai le regret de l’ambiance du tennis de l’époque, de son esthétique, mais pas de ne pas avoir été un champion. J’ai mené cette vie d’hôtels en hôtels, de clubs en clubs pendant cinq ans quand j’étais un espoir. J’ai trouvé que c’était une vie absurde. Vous allez à Moscou, vous allez à New York et vous ne sortez pas du club. Vous ne voyez pas la ville, vous ne rencontrez pas les habitants, c’est un enfermement. Ça ne me plaisait pas du tout.

 

C : Le style est important en littérature, il l’est aussi au tennis selon vous ?

D.G. : Ah oui ! C’est pour ça que je trouve que Roger Federer est un prodige, un ovni prodigieux. Au sein de ce monde professionnel complètement frelaté, dévoyé par le commerce et le sponsoring, il a réussi à garder son âme d’enfant. Il est passionné, comme un enfant à ses jeux. Il a dit une fois en interview, et c’est passé assez inaperçu, « je crois que personne ne s’amuse plus que moi sur un court de tennis ». Il a gardé ce sens du jeu et c’est ce qui fait sa qualité. David Goffin me donne aussi cette impression de jouir de l’élégance de son jeu.

 

C : Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération avec des joueurs aux styles différents comme Tsitsipas, Kyrgios ou Medvedev ?

D.G. : Il y a un renouvellement qui est assez intéressant. L’ennui, c’est tout ce qui va autour, comme les tenues épouvantables des joueurs, par exemple. Je respecte tout à fait Nadal, mais ses tenues ce n’est vraiment pas mon truc. Les chaussures noires sur terre battue, j’ai du mal. Mais bon, vu mon âge, c’est peut-être une question de génération…

 

C : Pour finir, pouvez-vous nous raconter votre plus beau souvenir de tennis ?

D.G. : Dans les années 1950, il y avait les « tournées Kramer » qui réunissaient les meilleurs joueurs du monde. Un jour, je m’entraînais seul au service au Tennis Club de Paris, quand sont arrivés sur le court d’à côté Ken Rosewall, le no 1 un mondial de l’époque, Pancho Segura, Lewis Hoad et Alex Olmedo. Ils ont commencé à jouer un double d’entraînement. Je me suis arrêté, je les ai regardés et puis le directeur du club qui était là m’a montré du doigt en disant que j’étais le champion de France junior. Une fois leur double terminé, mon idole Ken Rosewall m’a proposé de faire des balles. Il y a un effet de mimétisme qui se crée quand on joue contre un joueur professionnel. On a joué une demi-heure et il m’a « aspiré » dans son jeu. J’ai joué le meilleur tennis de ma vie. J’ai écrit un texte sur ce moment, je l’ai appelé « Un tennis de rêve ». 

 

Article publié dans COURTS n° 9, automne 2020.

Happiness in Four Colours!

© Nils Martenet

With System 4, Michel Russillon is reinventing the tennis court in order to bring back its adolescent soul. And to magnify what it exists for – to play.

 

“In life, what you love, you do well.” In this simple sentence lies a proverbial truth. Not absolute, no – but the proven truth of a person who dedicated his life to tennis, tennis as a game, and as an apprenticeship – an allegory of the life we all pass through, tennis as a way of being and behaving: Michel Russillon.

A sports teacher by training, with emphasis on tennis, Russillon has developed a concept, System 4, which aims to put play and fun back at the centre of tennis education. 

“Remove three saucepans that stick to our sport,” he explains the proposed transformation. “From a so-called elitist game, to make a popular game; from an individualistic game, switch to a friendly game; and, rather than suggesting that tennis is difficult to access, provide a learning method that is simple and understandable for all.”

Elitism, individualism, complexity… Criticism that does not date to yesterday. And which today seems to manifest itself within various tennis federations as a decline in popularity. In France, at the national level, the erosion of the number of people holding a tennis licence has emerged as a fundamental campaign theme during the presidency elections of the French Tennis Federation. While in 2010, 1.1m licences were issued, now there are only 950,000. Moreover, ten years ago, when the number peaked, the Federation was already struggling to find ways to attract young players. 

“There is a disaffection with tennis among young pre-adolescent girls,” observed Odile de Roubin, then in charge of tackling the problem at the FFT. A similar battle occurs in the United States, where the number of tennis participants only began to increase with the COVID pandemic, after having decreased from 19 to 17 million between 2010 and 2017. 

On the other hand, the public still longs for its champions, even as the typical tennis spectator has aged. The average age of a tennis fan has ballooned from 51 to 61 in the last 15 years, the cause of much hand-wringing within the sport. 

Perhaps new vision and new champions are what is needed to break this trend. 

 

“We need to touch and feel the ball!”

For Michel Russillon, the key is to focus not on the champions but the players and the teachers. 

“We messed up our approach,” he analyses. “We did too many drills, the so-called Hopman method of hitting baskets of balls in repetition. People saw the coach send balls like that to Federer, Nadal, and company. But, for them, that’s not a problem! For Roger or Rafa, the automation is done, they are just warming up. On the other hand, a beginner who receives a ball fed from a coach does not learn anything. He doesn’t know if it’s an attacking ball, a defensive ball… I’m not criticising those who prefer to use the basket, but I really don’t think this is the right way to learn tennis.” 

Hit the ball and shut up!” reads an article in Le Monde written 40 years ago about Harry Hopman’s Academy. An entire program! Should we play the role of a charlatan and let the trick be on those who wish to learn the sport properly? No. 

“There is this viral phenomenon among the generation Y, it is undeniable,” says Russillon. “Being able to offer different types of tennis at a club, which is also very popular in the USA: pop tennis, touchtennis, pickleball, padel. For me, it is not a worry. There is no competition – these are just fashions, trends. Most of those who try something else pick up the racquet half an hour later.” 

As time has proven, we don’t drop our passion for the fuzzy yellow ball on a whim; we simply take a break from time to time to reflect on this strange relationship between the mind, the body, the court, and the racquet. 

“Obviously, you need to touch and feel the ball. There is something very specific about tennis,” adds Russillon. 

It is perhaps this imagination that has accompanied us since the moment we struck the first ball. Those dreams that we’ve been chasing since youth. Those moments spent hitting alone against a wall, imagining ourselves in front of throngs of spectators, playing for a trophy against a legend of the sport. Visions of Slam finals, at the end of our idyllic little street, against the worn door of the family garage or the wall of our tennis club – maybe even inside the house, with the sofa fashioned into a net. 

Those euphoric wins we experienced, for the very first time, scoring a victory over a big brother, a friend, an older partner who had been schooling us for years… We mimicked the gestures of our tennis idols – the insouciant volatility of John McEnroe, the crisp, clean technique of Stefan Edberg, the joy of Guga, coolness of Borg, eloquence of Federer, and vibrancy of Nadal – and formed a mystical bond with this craziest of sports.

© Nils Martenet

The pupil? A treasure that has all the talent in the world..

It is also for this reason that Russillon decided to implement his ideas. System 4 is a versatile concept, embodied by a new vision of the tennis court and a new educational approach to competing between the lines. On the surface, occupied by a traditional court within its, not always attractive, grid boundaries, 18 by 36 meters, Russillon has created a “tennis park” with four, quadricoloured progressive courts. 

Colour-coded, on the same surface, and with the doubles alleys eliminated so that the eye can focus on what’s important, the player can become truly aware that they are playing on a rectangle. The four courts can either take this form for educational purposes or another one – a little different and less colorful, but with an associated racquet rental service on top, so that the club can make it a space dedicated to more than tennis, from pickleball to touchtennis.

“Our sport has been around for 150 years, and it never budged,” Russillon says. “I believe it is time to change the infrastructure in order to learn better and have fun immediately. Suddenly, we have smaller courts, which allow us to hit more balls, a colour code reminiscent of traffic lights, and the different roles that I have to play during a game: server or returner, defender or aggressor. 

“In the red zone, I am behind the baseline – I am defending. In the orange zone, I start to take the initiative. In the green zone, I attack, and in the yellow zone, I finish – I volley, I conclude the point. It transcribes well the game that I advocate, a creative game and not a robotic one. If we look at contemporary tennis, we see that it is played a lot in the red zone. With the children, we try to start in the red in order to teach them consistency, but, then, we quickly go to the yellow zone where we take the initiative.”

This colourful environment, that gives pleasure and breathes life into training sessions, must be accompanied by a thoughtful educational approach. 

“I am in favour of the active method, in which people play and draw the necessary resources from themselves,” explains Russillon. 

And finally, System 4 comes with a credo: each child has all the talent in the world. 

“A student is a treasure, an essential person loved by their loved ones, the family, the whole environment,” says Russillon. “It is the coach’s responsibility to help the student find those resources that will lead to success. The player must therefore be able to analyse his game by asking the right questions in order to find the solutions: Did I react well? Did I play with the right pace? Was I well oriented and balanced? Did I play the right shot?”

Using this approach, the quadricoloured courts make it possible to get closer to the essence of the sport. 

“They maximise the stimulation of training. And this is important, because I believe that, if the children have difficulty concentrating, it is perhaps because I, as a coach, have not succeeded in offering them a training session that would lead them to concentration.”

 

The four courts can therefore be broken down into four workshops, says Russillon. “On the largest court, training is individualised with a player and a coach. On the two intermediate courts, we practise improvement and play, free or with instructions. In all three cases, we are in a real match situation. Finally, on the smaller court, we work on coordination using balance balls and footwork ladders, to promote stability and equilibrium. The children are spread out over the four courts and switch according to a set timing.

The result? Satisfaction. 

“When they get home at night, they can say that they’ve perfected themselves, that they’ve worked out physically, that they played and had fun!” 

Last but not least, there is an essential aspect of the instruction: the use of the whole range of training balls. “We are aiming for immediate success,” confirms Russillon. “It’s better to start the volley with a soft ball and, if all goes well, move on to the heavier red ball, then to the orange ball, sharper than the yellow ball, or to the green ball, slower. If you fail, no worries, we go back to the soft ball – we adapt to the level of the child.”

© Nils Martenet

“Tennis is a way to feel good about yourself”

If tennis is a sport that feeds back after every point played, success or failure, the challenge of System 4 goes far beyond. For Michel Russillon, tennis is not a goal in itself. It is “a way to be good with yourself”. 

“It’s only for Roger or Rafa that it’s a goal in itself,” he jokes. “For us, it’s a game, a pleasure, which allows us to develop qualities that we need throughout our lives: taking initiatives, contact with others, responsibilities – useful values ​​in everyday life that allow us to feel good in our sneakers and with our peers. There is no tennis without camaraderie! In short, it is a lifestyle from a young age, and until the most advanced level. It is still rare to find a sport that you can play from 4 to 77-years-old! You do singles, doubles, you can adapt and evolve.”

“In short, it’s the sport of a lifetime. On the physical level, on the play level, but also on the relational level. And that is essential with this painful period that we have been through.” 

System 4 takes up this challenge. Creating bonds, bringing back conviviality in tennis clubs and in everything related to the fuzzy yellow ball.

“Absolutely!” Exclaims Michel Russillon: “When there are eight children who alternate between workshops, have fun, and succeed on these four quadricoloured courts, you have twice as many parents and grandparents around who join the discussion, and then, who knows, maybe play together. When you have the young and the old playing touchtennis or a game of pickleball on the courts, you have so many interested looks and people around who want to test it and maybe come to the club once more during the week.” 

The project then takes on a formidable importance. For Michel, it is embodied in a true profession of faith: “My goal is to bring tennis to the city. In the city! Build city parks that make you want to hit balls rather than go for a run on the treadmill.”

A non-prescription prescription of conviviality and shared happiness: “The game is all within us. And, at the end of the day, we’ll have a drink together!” 

 

Story published in Courts no. 2, autumn 2021.

The Queen said

“it must have been terribly hot”

on Centre Court.

© Art Seiz

Did you know that Althea Gibson was in a John Ford movie playing opposite John Wayne and William Holden? Are you old enough to know who Althea Gibson was? 

And why is it that, although she had a major role in the 1958 movie, Gibson’s billing hardly ever showed up in any publicity? She had, after all, been ranked world number one female tennis player one year earlier. In 1956, she had won the French Open, and in 1957 she had glided to the top with victories at the Australian Open, Wimbledon, and the US Open. Is it because she was thought of more as a sportsperson than an actress that, even though she was on screen more than any other woman except for Constance Tower, her name is twenty-third in the credits?

More likely, of course, the reason that the 5ft 11in tall 32-year-old who played a slave girl in Ford’s film was not given star billing, or any billing at all, is that she was Black.

When she won at Roland Garros, she had been the first Black woman ever to win a Grand Slam tennis title. Six years earlier, in 1950, she had, at age twenty-three, broken the colour barrier of the American Lawn Tennis League by playing at the exclusive West Side Tennis Club in Forest Hills in the U.S. National Tennis Championships. In 1951, she had been the first African-American player to play at Wimbledon. None of it had come easily. Following her Wimbledon title six years after that, when she was shown being congratulated by Queen Elizabeth, she said, “Shaking hands with the Queen of England was a long way from being forced to sit in the coloured section of the bus going into downtown Wilmington, North Carolina.” 

Gibson was born to sharecroppers who worked on a cotton farm in rural South Carolina. The Great Depression had an immediate impact on rural farmers, and in 1930, her parents moved to Harlem. The Police Athletic League operated a play-area near to the family’s apartment on 143rd Street between Lenox and Seventh Avenues—Gibson, a natural athlete, played lots of sports there, and by age twelve, she was the women’s paddle tennis champion for all of New York City. Her father taught her boxing, and she took to it naturally. Her neighbours made a collection for her to have tennis lessons. At first, she considered tennis to be a sport for weak people. She would later say that combat came so naturally to her that she would “fight the other player every time I started to lose a match,” but, still, she played and she played well. 

Soon, Gibson began to win tournaments. She was discovered by Walter Johnson, a physician in Lynchburg, Virginia, who mentored young African-American tennis players—Johnson would eventually mentor Arthur Ashe as he did Gibson—and he helped her gain entry into tournaments that did not normally have Black competitors. She moved back to the South, to Wilmington, North Carolina, and her tennis was of such sterling quality that she got a full athletic scholarship to attend Florida A&M University. 

But the tennis world was not fully open to her. Gibson was initially kept out of the US National Tennis Championships at Forest Hills. Racial discrimination was prohibited by law, but to qualify for the Nationals, players had to win a certain number of sanctioned tournaments, and they were held at all-white private clubs where Blacks never went onto the courts, even in tournaments technically open to everyone. It took the doyenne of women’s tennis, Alice Marble, to publish an editorial in the July 1950 issue of the magazine American Lawn Tennis to change history. 

Gibson reprints Marble’s diatribe in her lovely autobiography, I Always Wanted to be Somebody— a book that is rare for its candour, lack of boasting, and its freshness of tone, even if it is not great literature. Marble, as cited in Gibson’s book, writes that lots of people “Want to know if Althea Gibson will not be permitted to play in the Nationals this year. Not being privy to the sentiments of the U.S.L.T.A., … when I directed the question to a committee member of long standing, his answer, tacitly given, was in the negative … The attitude of the committee will be that Miss Gibson has not sufficiently proven herself.”

Tennis Legends during Us Open Tennis Championships ceremonies at Louis Armstrong Stadium. Rod Laver, Tony Trabert, Tracy Austin, Arthur Ashe, Maria Bueno, Althea Gibson, Fred Stolle, Vic Seixa, Jack Kramer, Fred Stolle, Jimmy Connors, Frank Parker © Art Seiz

Marble writes that the committee member did not think it adequate that Gibson had been a finalist in the National Indoors. She would have to play in the tournaments in Orange, East Hampton, and Essex. But they were invitationals. “If she is not invited to participate in them, as my committee member freely predicted, then she obviously will be unable to prove anything at all, and it will be the reluctant duty of the committee to reject her entry at Forest Hills.1

“We can accept the evasions, ignore the fact that no one will be honest enough to shoulder the responsibility for Althea Gibson’s possible exclusion from the Nationals. We can just ‘not think about it.’ Or we can face the issue squarely and honestly … It so happens that I tan very easily in the summer—but I doubt that anyone ever questioned my right to play in the Nationals because of it.”

Just after the editorial appeared, Gibson tried to enter the New Jersey State Championships at the Maplewood Country Club, but was refused on the basis that there was “not enough information.” Then, however, American Tennis Association officials joined the battle for Gibson’s admission to Forest Hills, and the Orange Lawn Tennis Club in South Orange, New Jersey, allowed her to play in an important championship. “The dam broke,” Gibson would write. At age twenty-three, she was invited into the Nationals and became the first Black player, female or male, to enter the tournament. An article in The Daily Worker reported that “No Negro player, man or woman, has ever set foot on one of these courts. In many ways, it is even a tougher personal Jim Crow-busting assignment than was Jackie Robinson’s when he first stepped out of the Brooklyn Dodgers dugout.”2 Ebbets Field, where the Dodgers played, did not, after all, reek of exclusivity. The half-timbered Tudor-style buildings of the elegant club in Forest Hills, an oasis of verdure and space in New York’s borough of Queens that seemed like an English village in the middle of the metropolis, made it a bastion of America’s white Protestant establishment. It’s thirty-five tennis courts bespoke quiet wealth—that was one large piece of real estate a short trip from midtown Manhattan. The founders and subsequent inner sanctum of the place had ideas on how to keep it the way they wanted; like private schools, dancing classes, country clubs, and universities all over America’s so-called segregated Northeast in the 1950s, there were unwritten rules concerning the eligibility of Blacks and Jews. 

Gibson’s getting into the tournament was a breakthrough, but it would not have secured her membership in the tennis club. In 1959, Ralph Bunche Jr, the fifteen-year-old son of Dr Ralph Bunche—one of the most distinguished Black people in America, a Nobel Prize winner and United Nations Under-Secretary for Special Political Affairs—was denied membership. Bunche Jr was taking lessons with George Agutter, a 72-year-old pro who had been teaching at Forest Hills for 45 years, and Agutter had urged him to apply for junior membership. Agutter had not realized that his pupil was a light-skinned Negro. After the error was recognised and Bunche Jr was told it was out of the question, “The elder Bunche thereupon called the club president, Wilfred Burglund, who said he was sorry, but Forest Hills simply didn’t take in Negroes or Jews. When Bunche protested that Negro star Althea Gibson twice won the women’s singles title at Forest Hills (in 1957 and 1958) Burglund replied that the club had no control over the players in the tournaments held there by the U.S. Lawn Tennis Association, but it definitely could decide its own membership. If the club admitted Negroes, said Burglund according to Bunche, hundreds of its members would instantly resign.3

Bunche went public about the matter, which was rare for him. “Neither I nor my son regard it as a hardship or humiliation. It is not, of course, in the category of … segregation … suffered by … Negroes in the North as well as the South. But it flows from the same well of racial and religious bigotry. Rather, it is a discredit to the club itself.” Five US senators publicly spoke up against the Club’s policy, and New York’s deputy mayor joined the protest against the heinous policy. The response from the leadership of the Club was silence. The US Supreme Court had made its landmark school integration decision five years earlier, but since the club had nothing in its bylaws or constitution establishing the policy that prohibited Blacks and Jews and other unspecified minorities from joining, no one had further recourse, and the policy stayed in place. Even with the breakthrough allowance to play at Forest Hills, it was not all onwards and upwards. Gibson would write that she was “discriminated against by the tournament committee when they assigned me to Court 14, which is the farthest removed from the clubhouse of all the courts on the club grounds and has the smallest capacity for accommodating spectators.”4 

Ginger Rogers, who played mixed doubles in the tournament, was, on the other hand, put on the court directly in front of the clubhouse. Even at her obscure location, though, Gibson was noticed, to the extent that she had to cope with the annoyance of flashbulbs constantly going off in her face and temporarily blinding her. The press was excited by her breakthrough presence, and her tennis was remarkable. Lean and muscular, she used her long arms gracefully, dazzling people especially with her powerful serve.

Whatever the battles she had been through to get her into Grand Slam tournaments, in 1957, not only was Gibson the first Black champion at Wimbledon, she was the first champion ever to receive the trophy personally from Queen Elizabeth II. When she had been getting ready for the match, “Everyone in the dressing room was talking excitedly about the news that the Queen was going to be there. That made me feel extra good. I would have been terribly disappointed if she hadn’t been.”5 An hour before the match, when she was practising on a side court, she “saw Queen Elizabeth eating lunch on the clubhouse porch. Instead of making me nervous, it made me feel more eager than ever to get out there and play.” As Gibson changed into a fresh shirt, she was counselled how to curtsy to the Queen after the match. Then, just after Gibson won the finals with dashing tennis, the tournament officials asked her and the other finalist, Darlene Hard, to walk over to the umpire’s chair and wait as workmen unrolled a red carpet from the royal box.

“Queen Elizabeth, followed by three attendants, walked gracefully out on the court. She wore a pretty pink dress, a white hat and white gloves, and she was absolutely immaculate, even in all that heat. One of the officials called me to step forward and accept my award. I walked up to the Queen, made a deep curtsy, and shook the hand she held out to me. ‘My congratulations,’ she said, ‘it must have been terribly hot out there.’ I said, ‘Yes, your majesty, but I hope it wasn’t as hot in your box. At least I was able to stir up a breeze.’ The Queen had a wonderful speaking voice and looked exactly as a Queen ought to look, except more beautiful than you would expect any real-life queen to look.” Queen Elizabeth then presented the gold salver to Gibson. Gibson “curtsied again and backed away from her… I remembered the backing away business from the movies.6 The Queen then retreated and the red carpet was rolled back up.

Althea Gibson, Zina Garrison, Arthur Ashe and not sure of man on right... Could be Althea’s Companion at Wimbledon. © Art Seiz

At a celebration ball that evening at the Dorchester Hotel, Gibson addressed the Duke of Devonshire, who was master of ceremonies, and said, “In the words of your distinguished Mr. Churchill, this is my finest hour.” She thanked “the many good people in England and around the world whose written and spoken expressions of encouragement, faith, and hope I have tried to justify.” She said that her win was “a total victory of many nations… created through the international language of tennis.”7 Then Gibson started the dancing by going out on the dance floor with the tennis pro Lew Hoad. The two of them circled the ballroom to the song ‘April Showers’, which Gibson had requested, and it took several minutes before others in the awestruck crowd followed them onto the dance floor. In New York, following her triumph in London, Gibson was the second African-American—Jesse Owens had been the first—to be honoured with a ticker tape parade. President Dwight Eisenhower wrote her, “Recognizing the odds you faced, we have applauded your courage, persistence, and application. Certainly it is not easy for anyone to stand in the centre court at Wimbledon and, in the glare of world publicity, and under the critical gaze of thousands of spectators, do his or her very best. You met the challenge superbly.”8

Gibson then won the US Open in the stadium where she had previously been forbidden entry. The following year, she glided to victory yet again in both tournaments. The Associated Press, in both 1957 and 1958, declared her “Female Athlete of the Year.”

It was an unusual idea of John Ford’s to put Gibson in his movie, The Horse Soldiers, and an odd decision on her part to take the role. On the screen, she is subservient and docile. She generally has a look on her face of wide-eyed astonishment.Although she refused to speak in the dialect that Ford had initially requested, and had great dignity as a tall, well-dressed, and pretty slave, was the antithesis of the warrior she was in real life. 

And she is shot dead well before the end of the movie, which generally roars with testosterone and is a general bloodbath. It is not a brilliant part, but she is competent at it.

Gibson liked performing, and not just on the tennis court. Gibson was a talented singer and saxophonist; in 1943, she had been runner-up at an amateur contest at Harlem’s renowned Apollo Theater, and in the same year she won those three Slam tennis titles, she had sung in public at the Waldorf Astoria Hotel at an 84th birthday tribute to W.C. Handy, a well-known songwriter who was considered “The Father of the Blues.” The year after she was in The Horse Soldiers, she released a phonograph record and performed on the Ed Sullivan Show. But despite her moments of glory, Gibson struggled. Once she stopped winning Grand Slam matches, she was low on funds, and made money doing exhibition matches before Harlem Globetrotters basketball games. She, and her doubles partner Angela Buxton, who was Jewish, were turned down on the many occasions that they sought admission to the The All England Croquet and Lawn Tennis Club. Gibson, meanwhile, became a professional golfer, and joined the Ladies Professional Golf Association—the first African-American to do so—at age thirty-seven. She was able to be a member, but still was banned from tournaments not just in the South but also in the North, and often had to dress for matches in her car because she was not allowed into the clubhouse. 

The rest of Gibson’s life did not have the glamour of her Queen Elizabeth years. She did well at golf, but not spectacularly, and made money largely by doing sponsorship deals. She continued with golf and tennis, but not on the same level as in earlier years. Nonetheless, in 1976, Althea Gibson became Athletic Commissioner of New Jersey—and was the first woman to hold such a post anywhere in the U.S. Married and divorced twice, she was essentially alone in the world when she then had two cerebral haemorrhages and a stroke and, unable to pay her rent or medical treatment, she asked for help from various tennis organisations but never received it. Fortunately, Angela Buxton raised over a million dollars from mutual acquaintances to ensure her comfort until 2003 when Gibson died. Today, there are children’s books featuring Althea Gibson as an exemplar of courage and tenacity. Through tennis, she changed the world. 

1 I Always Wanted to be Somebody, pp. 63-65

2 Rodney, L: 

On the Scoreboard: Miss Gibson Plays at Forest Hills, The Daily Worker, August 24, 1950

3 Segregation: West Side Story, anonymous article dated July 20, 1959 in the Ralph Bunche papers of the University of California, UCLA Special Collections

4 p. 71

5 p. 132

6 p. 134

7 p. 138

8 p. 140

 

Story published in Courts no. 3, Summer 2022.

The Ultimate Demise of New York’s East River Courts?

 

Built on a New York ‘flood plain’ the courts will leave tennis loving New Yorkers dry for at least four years

East River park on a full night in August 2020, not long after Covid-19 restrictions were partially lifted. Photo © Adrian Brune

In the summer of 2019, as the U.S. Open show rolled into New York, the city’s public courts became a boon for celebrities: Lindsay Davenport shot a Heineken ad on a court along the Hudson River; Eugenie Bouchard drilled with then-coach Pat Cash at the Bronx’s Cary Leeds Tennis Center; even Daniil Medvedev turned up to play. His choice: the Brian Watkins Tennis Center at Manhattan’s East River Park.

Why East River Park? The proximity to East Midtown, where a lot of the players stay? For the views of the Williamsburg Bridge? Sightseeing spots created by the famous urban planning despot Robert Moses? Or the relative anonymity and no-BS attitude of the Lower East Side?

The regulars at the Center, one of the most popular tennis playgrounds in Manhattan, never asked. And Medvedev never said. But as the 2022 U.S. Open winds down and hurricane season rolls into the Tri-State area, another storied tennis venue could go the way of the Tudor City Courts, the Forest Park Tennis Courts in Queens and the former Cosmopolitan Tennis Club in Harlem: the Brian Watkins Tennis Center. 

“This is a very low- and moderate-income neighborhood. Most of the park is lined with public housing. It’s people who have been here for generations, who love this park and this place,” said Pat Arnow, a neighborhood resident who started the group East River Park ACTION. “That is why you are losing the park, because the city doesn’t care about the people who love this park right now… It’s not a tourist park. It doesn’t have a lot of rich people enjoying it.”

Courts under construction in the early 1930. Photo © New York Public Library

Last winter, despite protests, court petitions and players staging sit-ins amid bulldozers, construction started on the $1.4 billion “East Side Coastal Resiliency Project (ESCR),” — a hurricane-defense plan created in the wake of 2012’s massive Hurricane Sandy, which put FDR Drive and a good part of the East Side under water.  Following the current blueprints, city contractors will build a 1.2 mile wall along the water and cover the razed park with eight feet of fill to create a berm that will supposedly block hurricane-sized currents. A new park and new courts have been planned to sit atop the levee in four, maybe five years — or whenever workers finish. 

Protestors stand outside during and early morning last November 2021, a last ditch effort to save the courts. Photo © “East Side Coastal Resiliency Project (ESCR).

“If we built resilience measures, and didn’t protect the park itself, we would continue failing our communities for the exact reason the environmental justice movement started,” said Carlina Rivera, the City Council member who has represented the area since 2018. “My community doesn’t deserve a park that essentially turns into a bathtub every few years when there’s a hurricane. We deserve a park that’s protected.”

 

Back to Beginnings

For once, the reviled Moses might have done something good for the city — when he embarked on changing the waterfront, the East River was a hub of slaughterhouses, power stations and railroad yards. In tandem with Franklin D. Roosevelt Drive (FDR), Moses created a tree-shaded esplanade that rolled out with the highway. It housed abundant recreational facilities, lots of green space and windswept views — a respite for the tenements.

Acquiring land for a park in the LES proved prohibitively expensive and legally twisted, however. Instead, the city opted to fill in the waterfront, and in 1939, East River Park opened. It  featured a running track, a track house, an amphitheatre for famous producer Joseph Papp’s productions of  Shakespeare in the Park, and 12 tennis courts with a storage house and public toilets. 

The finished East River Courts in 1939 — a urban renewal project by the famed city planner, Robert Moses. Photo © New York Library Archive.

Since then, however, the city has chipped away at the park. In 1949, the administration decided to widen FDR and took a section of the park to do it. In 1963, Mayor Robert F. Wagner extended South Street for tourists and pushed into the park. But the most drastic change to the waterfront took place in 2012, when Hurricane Sandy came to town. In a matter of hours, East River Park was under water. 

To keep the fate from repeating, not long after Sandy, the administration of outgoing mayor Bill DeBlasio presented a more palatable $760 million plan which would have razed a smaller section of the park, built berms and marshland, and installed floodgates on FDR Drive. In 2018, however, De Blasio scrapped it for the ESCR, a proposal he argued would create a better-protected space and make construction faster and easier. It would also temporarily sacrifice the newly refurbished track, the amphitheatre, and the courts, while permanently demolishing 1,000 trees — some 80 or more years old — an ecology project, and possibly the landmark protected tennis and track houses.

A bird’s ever view of the torn-up East River courts and the playground , both of which the city allege will rebild in 2025. Photo © Adrian Brune

Local citizens under several groups, including East River Park ACTION, filed lawsuit after lawsuit. Initially, it seemed something might stick. But last December — the final month of de Blasio’s administration — demolition crews began working around the clock under constant police protection and in defiance of an appeals court restraining order to flatten the Southern half of the park, while men, women and their children sat on park amenities and stood in front of trees. On December 16, the restraining order was rejected, but by then, the damage was irreversible.

A couple waits for their court to come up during a warm August night in New York City. The courts have been the sites of numerous friendships made, much dating and even celebrity sightings. Photo © Adrian Brune

One of the more widely used courts in the city, the East River courts were renamed — a bit morbidly — the Brian Watkins Tennis Center in honor of a Utah tourist and University of Idaho tennis player who was slain in the subway while attending the 1990 U.S. Open. By spring 1991, the courts had a $1.7 million resurfacing and $30,000 donation from an anonymous donor to teach tennis to local children. 

Used nearly year-round, the courts had recently fallen into disrepair, with cracks filled with cement, downed windscreens, and nets held up, at times, with spare tennis balls, cans and anything leftover in racquet bags. With one of the major tennis centers now gone, other tennis associations across the city have braced themselves for the spill over. 

“My guess is that we are definitely seeing spill over. Fort Greene is very, very busy this season,” said Sam Burns of the Fort Greene Tennis Association, which operates the closest set of two or more public courts next to the East River. “I’m really glad that the City has committed to rebuilding the courts by including them in the improvement plans and I know that the NYC tennis community will be extremely happy when they have access to public tennis courts again.”

A sign-up sheet is used to designate the times of matches. It doesn’t always work, and while some courts have website reservations sites, none have city-wide apps to reserve courts. Photo © Adrian Brune

Bâtisseurs

© Antoine Couvercelle

Ils sont ceux qui entourent et préparent le joueur. Qui lui permettent de toucher ses limites et de les repousser. Et qui l’accompagnent pour être meilleur… sur le court, mais aussi en dehors. Focus sur ces bâtisseurs de l’athlète, du coach au préparateur physique, en passant par les kinés, les scientifiques et les laboratoires, à l’image de NHCO Nutrition®

 

Construire. Déconstruire. Reconstruire. Il y a le joueur de tennis qui, toujours, souhaite apprendre et progresser, adepte jusqu’au-boutiste de la fameuse citation apocryphe d’Antoine Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Oui, pour cet athlète qui entretient l’espoir de vivre un jour l’ivresse d’une remise de trophées sur le court central d’un tournoi du Grand Chelem, rien n’est jamais perdu et tout doit contribuer à paver et niveler le chemin qui mène à cet Eden sportif. 

Mais c’est oublier que « rien ne se crée » non plus, que la transformation est une traversée, un changement qui peut s’apparenter à une simple évolution… comme aux plus profonds bouleversements. C’est aussi ce que son corps raconte, jusque dans ses plus petites unités vivantes, aux tréfonds des cellules. « Quand le joueur de haut niveau fait un effort intense, il détruit ses fibres musculaires, mais c’est en s’entraînant qu’il incite son corps à mieux se reconstruire et à gagner en puissance musculaire et en performance», explique Maud Belicchi, Directrice Recherche et Développement au sein des Laboratoires NHCO Nutrition®, remémorant quelques lointaines leçons de SVT passées à rêvasser plutôt qu’à noircir des cahiers. Résultat ? « Son objectif, dès la fin de son effort, est de les reconstruire. »

Construire. Déconstruire. Reconstruire. Des verbes qui font résonner leurs nuances aux oreilles averties des latinistes : « construire », c’est étymologiquement « construere », « bâtir », « entasser par couches », le tout avec structure. « Avec ». Une préposition qui a son importance : cette plongée rapide dans les pages d’un Gaffiot qu’il a fallu retrouver entre le Lagarde et Michard d’un vieil oncle et un reliquat suranné de cours encartonnés offre un écho surprenant, mais profond à la vie du joueur de tennis. 

 

« Mon corps est mon outil de travail »

Car on ne naît pas joueur de haut niveau. On le devient à force de construction, d’une structuration progressive qui ne peut se faire seule, mais avec : le coach, le préparateur physique, le préparateur mental, le kiné, l’expert nutritionniste… Tous participent au chantier. À sa préparation et à sa création. « La performance est une notion globale », confirme Frédéric Fontang, coach de Félix Auger-Aliassime. « Tous les aspects sont à prendre en compte, de la nutrition à la biomécanique, si on veut atteindre le plus haut niveau et durer. En tant qu’entraîneur, je suis exigeant dans mon approche à 360 degrés avec Félix. »

Il y a le soin apporté à l’accessoire, au matériel, mais surtout celui que le joueur accorde au tout premier de ses outils : son corps. Une réalité sur laquelle s’étendait longuement Pierre-Hugues Herbert dans une chronique pour Tennis Addict : « Mon corps est mon outil de travail. Il est irremplaçable. Si je le casse, ce n’est pas le genre de chose que je pourrai aller changer chez Leroy Merlin… Depuis mon plus jeune âge, mon entourage a toujours mis l’accent sur mon hygiène de vie et m’a fait comprendre qu’il fallait que je prenne soin de mon corps. » L’entourage, ce sont aussi ces différents experts qui contribuent au chantier. « Les meilleurs joueurs du monde voyagent quasiment tous avec des personnes chargées exclusivement de prendre soin d’eux (masseur, ostéopathe, préparateur physique, diététicien) », continue P2H. « Novak Djokovic avec son régime sans gluten, ses séances de yoga et ses deux kinés en est un très bon exemple. Tout comme Serena Williams qui voyage, elle, avec son cuisinier sur les tournois. »

Charlotte Ducos, responsable de la préparation physique pour la All In Academy, abonde. « C’est un travail d’équipe, dont le chef d’orchestre est l’entraîneur-tennis. C’est évidemment lui qui dicte, puisque la préparation d’un joueur dépend de la planification des tournois et de ce que le coach veut travailler. » Il y a les staffs médicaux qui permettent d’établir très précisément le profil physique du joueur avec ses faiblesses et ses pathologies. « Et nous aussi, du côté des préparateurs physiques, on a nos petits tests : est-ce que le joueur est fort du haut du corps, du bas, du devant, du derrière ? est-ce qu’il y a un déséquilibre ? On répète ces tests régulièrement tout au long de l’année pour vérifier que le travail physique mis en place fonctionne. Et on s’adapte. »

Adaptation, le mot est lâché. Car, comme pour tout chantier, les imprévus sont légion. Et le temps manque toujours… « C’est effectivement difficile de caler de grosses périodes de préparation physique dans l’année », confirme Charlotte Ducos. « Pour nous, l’objectif, c’est que le joueur n’arrête jamais complètement de travailler. Tout stopper, c’est faire un pas en arrière. On essaie de le faire comprendre à nos jeunes joueurs : ce travail contribue à prendre soin de leur corps, à le préparer à ce qu’il va endurer. Parce que l’on ne travaille pas seulement le développement physique ; on bosse aussi à prévenir l’apparition des pathologies. »

2022 BNP Paribas Open-Indian Wells © Ray Giubilo

La science des acides aminés

Si la préparation et la prévention font partie du quotidien du joueur, certains athlètes poussent la rationalisation de leur corps plus loin en mettant la science à contribution. L’analyse biomécanique, par exemple, comme ce fut le cas de Daniil Medvedev avec sa gestuelle au service. La réalité virtuelle également : à l’INRIA à Rennes, on a développé un serious game en VR qui permet aux gardiens de but, en football, de travailler l’anticipation des mouvements « en suivant des cibles de couleur qui bougent dans tous les sens », explique-t-on du côté de l’institut. Pourquoi pas le tennis ? « Il y a des zones cérébrales liées à la concentration, la douleur, l’appétit… plusieurs zones spécialisées qui peuvent communiquer », confie Maud Belicchi. « À force d’entraînement, on peut stimuler certaines connexions cérébrales qui nous permettent, grâce à la répétition et au travail, d’être sollicitées plus facilement et de créer des réflexes. Le cerveau est élastique : plus vous en stimulez des zones différentes, plus les neurones développent de nouvelles connexions entre eux. Il se passe la même chose dans le cerveau du sportif. En fonction des exercices qu’il réalise et à force de répétitions, il ancre une routine jusque dans ces neurones. C’est ainsi qu’il peut modifier son cerveau, ses réflexes, sa rapidité, son contrôle musculaire… » 

Mais la nutrition et la micronutrition sont elles aussi des sujets d’innovation propres à participer au bâti du joueur de haut niveau. Au sein des Laboratoires NHCO Nutrition®, on a ainsi développé le concept d’Aminoscience®. L’explication ? « Le laboratoire a tout simplement intégré les acides aminés dans ses compléments alimentaires », indique Maud Belicchi. La poésie chirurgicale du vocabulaire scientifique a ceci de paradoxal qu’elle est d’une justesse absolue – mais évoque une polysémie d’univers inconnus aux oreilles béotiennes. « Toutes nos protéines sont composées d’acides aminés. Il en existe des centaines, mais seule une vingtaine d’acides aminés sert à fabriquer des protéines, protéines qui servent, elles, à faire les fibres musculaires, entre autres. »

Pas besoin d’être prix Nobel pour le supposer : si les fibres musculaires s’avèrent fondamentales pour le promeneur solitaire qui flâne d’un pas rêveur, à quel point le sont-elles pour Rafael Nadal lorsqu’il vient claquer son ultime volée de revers après 5 h 24 de match en finale du dernier Open d’Australie ? « Un sportif, dans le cas d’une activité intense, a un métabolisme accru. Il a donc besoin de plus de nutriments. On va lui apporter plus d’acides aminés pour faire plus de protéines et, ce faisant, plus de fibres musculaires. Améliorer : c’est vraiment le but des compléments alimentaires. »

Certains acides aminés peuvent être utilisés pour la reconstruction musculaire. Directement assimilables, ils servent immédiatement à faire et à refaire du muscle. D’autres vont davantage permettre de prendre de la masse musculaire ou de faire une sèche en forçant l’organisme à puiser dans ses graisses tout en préservant ses muscles. D’autres encore participent à la prévention de pépins physiques : « On travaille d’ailleurs beaucoup sur l’articulaire », confirme Maud Belicchi. « Avec, d’un côté, le renforcement et le confort articulaire et, de l’autre, le tendineux pour limiter les risques de blessures. Les compléments alimentaires constituent alors une bonne alternative au traditionnel anti-inflammatoire qui soulage ponctuellement le sportif : ils proposent des ingrédients et des substances naturelles pour une utilisation de fond. »

 

« Anima sana in corpore sano ! »

« Avec un corps bien préparé et des nécessités physiques honorées, l’on peut s’attacher à préparer la tête », assénait Nick Bollettieri dans son Tennis Handbook. D’autant que pour Frédéric Fontang, « le physique et le mental sont liés. Pour moi, ils ne font qu’un et on en a la preuve au quotidien si on prend soin d’écouter son corps et son esprit. Ce sont des vases communicants. Il est important pour un joueur de haut niveau d’être stimulé en dehors des limites pour progresser, mieux se connaître et se dépasser lorsque les circonstances le demandent. » Charlotte Ducos va plus loin : « Technique, physique et mental doivent s’imbriquer complètement. Mais je mettrais presque le mental au-dessus des deux autres. Courir, frapper des coups droits, des revers… Ils savent tous le faire. Ce qui fait souvent la différence, c’est la gestion des émotions sur le terrain. »

L’objectif final de ce chantier global ? Être un meilleur joueur de tennis. Mais surtout… « Être une bonne personne ! », s’exclame Charlotte Ducos. « C’est l’essentiel et c’est aussi ce que l’on essaie d’inculquer aux jeunes joueurs : quels individus veulent-ils être sur et en dehors du court ? » Exactement ce que confiait Ashleigh Barty l’année dernière, après son titre à Wimbledon : « Je me sers de toutes mes expériences pour progresser et devenir une meilleure personne. Le tennis m’a beaucoup appris, certes, mais devenir une bonne personne, c’est ça ma vraie priorité. »

Construire. Déconstruire. Reconstruire. Et devenir ! 

 

Article publié dans COURTS n° 12, printemps 2022.