Alex Gough « Regarder l’avenir avec optimisme »
Fondée en 1975, l’Association professionnelle de squash (PSA) est l’instance internationale chargée de l’organisation des tournois de squash professionnels sur les circuits masculin et féminin. Grâce à ses partenaires, elle a toutefois élargi son champ d’action en contribuant au développement du squash de plusieurs manières : visibilité (rendre ce sport le plus télégénique possible et accessible à un maximum de monde), prestige, technologie et engagement social. De quelle manière la PSA met-elle concrètement en œuvre ces projets ? Réponses avec son directeur général, Alex Gough.
Courts : Comment le squash a-t-il évolué en général à travers le monde ?
Alex Gough : L’univers du squash professionnel a connu une croissance spectaculaire au cours des dernières années, notamment aux niveaux du prize money et du nombre des nationalités représentées sur le circuit PSA World Tour. Nous avons aussi accompli d’importants progrès dans des enjeux qui nous tiennent à cœur tels que l’égalité et la parité hommes-femmes en matière de gains et d’accès à la pratique du squash.
De plus, les contrats de diffusion avec les chaînes Eurosport Player, DAZN, BT Sport et Astro ont amplifié le rayonnement mondial du circuit professionnel et permis au squash de toucher un public encore plus large qu’auparavant.
C : Ces changements se limitent-ils au circuit professionnel ?
A.G. : En réalité, la progression du squash dépasse les frontières du monde professionnel. Nous avons en effet signé un mémorandum d’entente avec la Fédération internationale de squash (WSF) dans le but de définir une vision commune pour l’avenir de ce sport à l’échelon mondial.
Ensemble, nous travaillons à élaborer une stratégie mondiale ciblant entre autres les objectifs suivants : décrocher une place aux Jeux olympiques, gonfler les niveaux de participation, et favoriser le développement d’installations de squash en collaboration avec les fédérations nationales.
C : Quelles sont les mesures concrètes prises en ce moment par la PSA en matière de prize money et de visibilité ?
A.G. : Le 1er mars, nous avons annoncé que les Championnats du monde 2019-20 de la PSA deviendront le premier tournoi de squash d’une dotation s’élevant à 1 million de dollars. Ce montant sera réparti équitablement entre les joueurs des tableaux féminin et masculin. Cela illustre la remarquable dynamique actuelle.
De plus, le Windy City Open du mois dernier a acquis le statut de tournoi PSA World Series le plus rentable de l’histoire, fort d’une dotation totale de 500 000 dollars, répartie équitablement, alors que l’ensemble de nos sept tournois World Series, à une exception près, affichent un prize money équivalent au moment où je vous parle.
L’ampleur des gains a atteint un record historique lors de la saison 2016-2017 grâce à une croissance de 5,2 % par rapport à la saison précédente. À ce jour, le circuit professionnel brasse en tout près de 6 millions de dollars en prize money et nous tablons sur des résultats très encourageants pour cette année, notamment en raison de la hausse de la dotation du Windy City Open.
C : Comment évolue SQUASHTV ?
A.G. : Depuis son lancement en 2010, la plateforme SQUASHTV n’a cessé de gagner du terrain, à tel point qu’aujourd’hui notre offre dépasse le cap des 500 matchs durant la saison.
En 2017, nous avions déjà annoncé deux nouveaux partenariats prometteurs censés booster la qualité de nos services. D’une part, le projet interactiveSQUASH1 a permis de mettre au point un système de traçage en temps réel appelé « Mo Track », capable de mesurer des indicateurs tels que la distance parcourue par les joueurs ainsi que les aspects d’ordre tactique.
Cette technologie a beau être toujours en phase de test, on se réjouit d’ores et déjà de ses possibilités car il s’agit du meilleur moyen de commercialiser le squash jamais inventé dans l’histoire.
D’autre part, on s’est associé à une entreprise du nom de Sports Data Labs pour récolter des données liées au rythme cardiaque des athlètes, intégrées d’ailleurs lors de la diffusion du Windy City Open en février. Ces informations permettent de mettre en lumière les contraintes auxquelles sont soumis sans relâche nos joueurs sur le terrain, ainsi que toutes les qualités athlétiques requises pour devenir un joueur de squash professionnel digne de ce nom.
Nous avons également entrepris de ne pas restreindre la SQUASHTV aux tournois du PSA World Tour cette saison, en couvrant par exemple les British Juniors et les British Nationals en 2018, et en filmant une partie des College National Team Championships en 2017, conformément à notre volonté de devenir le véritable QG du squash.
C : En parlant de technologie, la PSA planche-t-elle sur des projets pour améliorer les conditions de jeu des joueurs ?
A.G. : L’idée, à terme, est de fournir aux joueurs les informations tirées du système «MoTrack». Il leur sera possible d’inférer leurs propres points faibles (de même que ceux de l’adversaire) et d’intégrer ces données à leur méthode d’entraînement. Toujours dans la même logique, ils auront également accès aux données biométriques de Sports Data Labs.
C : Quid de la reconversion des anciens joueurs de squash professionnels ? Ont-ils accès à une formation spéciale ou à des cours de management ?
A.G. : L’été dernier, la Fondation PSA a acquis le statut d’association caritative officielle au Royaume-Uni. L’une des raisons ayant présidé à sa création est d’aider nos athlètes non seulement pendant leurs carrières professionnelles mais aussi après.
À cet égard, la fondation a organisé une journée « carrières post-squash » lors de l’édition 2017 du Canary Wharf Classic, rassemblant des intervenants de domaines variés venus conseiller les joueurs pour mener au mieux la transition du squash professionnel à un schéma de carrière plus traditionnel une fois venu le temps de remiser leurs raquettes.
Un autre événement du même type a vu le jour en novembre de l’année passée, cette fois à Hong Kong, visant à offrir aux joueurs des débouchés en matière d’enseignement et des opportunités de réseautage.
Enfin, nous avons, toujours par le biais de la Fondation PSA, officiellement piloté la Squash University à Chicago, une plateforme d’apprentissage destinée à aider les joueurs à gérer leur carrière comme de véritables auto-entrepreneurs, en invitant des experts issus des milieux académique et entrepreneurial.
C : Comment expliquez-vous la suprématie égyptienne tant du côté masculin que féminin ?
A.G. : Historiquement, l’Égypte a toujours marqué ce sport de son empreinte, grâce à des joueurs tels que F.D. Amr Bey, Mahmoud Karim et Abdelfattah AbouTaleb, vainqueurs du British Open – l’équivalent des Championnats du monde à l’époque – dans les années 1930, 40 et 60.
Il a ensuite fallu attendre Ahmed Barada, l’ex-numéro 2 mondial, pour que l’Égypte renoue dans les années 90 avec les sommets, après sa fameuse finale à l’Al Ahram Open disputée en face des pyramides, un exploit réitéré en 1999 lors des Championnats du monde.
Barada, de même que son successeur, le quadruple champion du monde Amr Shabana, a inspiré beaucoup de jeunes du pays. La génération égyptienne qui règne actuellement dans le haut du classement est la preuve vivante de cette émulation.
L’Égypte compte par ailleurs un nombre élevé de joueurs au niveau junior, avec pour conséquence une compétition féroce et un écrémage laissant uniquement les meilleurs atteindre le sommet de la hiérarchie, tout en affrontant des adversaires d’un calibre identique d’une semaine à l’autre.
C : La PSA étudie-t-elle l’évolution du nombre de joueurs à travers le monde ?
A.G. : Nous tenons régulièrement à jour le nombre de membres répertoriés internationalement, tout en cherchant à promouvoir ce sport à l’échelon mondial aux côtés de la Fédération internationale de squash.
Grâce aux contrats signés ces dernières années avec les principaux diffuseurs au niveau mondial, nous jouissons désormais d’un ancrage solide dans presque chaque continent.
Cette visibilité inédite permet de toucher de nouveaux téléspectateurs au sein de marchés jusqu’alors hors de portée, et d’offrir aux aspirants joueurs de nouvelles idoles et modèles d’inspiration.
Notre organisme caritatif, la Fondation PSA, a aussi joué un rôle de premier plan dans le rayonnement du squash grâce au projet ReBound, qui consiste à distribuer matériel et équipements de squash usagés au profit de communautés urbaines défavorisées pour leur permettre de profiter des joies du squash.
C : Quelle est la probabilité de voir le squash devenir un nouveau sport olympique en 2024 ?
A.G. : On a bon espoir qu’il se hisse enfin parmi les sports olympiques à Paris en 2024. Notre sport a d’ailleurs récemment bénéficié d’une superbe vitrine en apparaissant aux Jeux olympiques de la jeunesse à Buenos Aires en octobre (réservés aux jeunes athlètes âgés de 14 à 18 ans, ndlr). Il s’agit pour nous d’un signal très positif.
Le squash a participé à cet événement en tant que sport de démonstration et on estime à 25 000 le nombre de personnes qui ont assisté de leurs propres yeux aux performances prévues. Plus de 2 000 enfants ont participé aux séances d’initiation organisées au cours de la semaine, tandis que Christophe Dubi (le directeur exécutif des Jeux olympiques) a eu la gentillesse de monter sur le terrain et de s’essayer lui-même au squash.
De plus, nous avons lancé un projet avec la Fédération internationale du squash, baptisé SquashFORWARD et destiné à œuvrer pour les jeunes générations en leur donnant les moyens nécessaires pour devenir les artisans de l’avenir de ce sport.
Autre raison de regarder l’avenir avec optimisme : le côté innovant de ce sport, comme l’atteste notre collaboration avec des partenaires tels que interactiveSQUASH et Sports Data Labs au cours des derniers mois afin d’améliorer la diffusion et l’image du squash.
Sans parler des avancées réalisées dans la parité hommes-femmes aux niveaux du prize money et de l’accès à la pratique du squash.
Cet été, nous avons publié des statistiques montrant une réduction de l’écart des salaires hommes-femmes à hauteur de quasiment un tiers par rapport à l’année précédente. On se réjouit également de la tenue en février du premier tournoi de squash doté de 1 million de dollars de gains à l’occasion des Championnats du monde organisés à Chicago, un montant qui sera réparti équitablement entre les athlètes masculins et féminins.
C : En ce qui concerne les autres fédérations de sports de raquette tels que le tennis, y a-t-il collaboration ou échange entre la PSA et l’ATP/la WTA par exemple ?
A.G. : J’entretiens une bonne relation avec Mark Webster, le CEO de l’ATP Media, et on discute fréquemment des évolutions intervenant dans le monde du sport.
L’ATP nous a déjà aidés en faisant part de son expertise relative au bien-être des joueurs et à l’ATP University. Elle a toujours répondu présent lorsqu’il s’agit de fournir des conseils, spécifiques ou généraux.
Nous avons aussi échangé avec la WTA en ce qui concerne le développement des athlètes, un choix payant puisque les informations obtenues ont grandement contribué à définir certaines de nos stratégies.
C : Que pensez-vous du rassemblement des fédérations de squash, de tennis et de badminton au Qatar ?
A.G. : Notre sport y a indubitablement gagné. Depuis la fusion des différentes fédérations, le tournoi du Qatar Classic a atteint de nouveaux sommets aux niveaux de l’image et de la production. Comme annoncé récemment, les Championnats du monde 2019/20 de la PSA se dérouleront au Qatar en novembre prochain.
Je tiens à saluer le travail remarquable fourni par les organisateurs là-bas pour orchestrer un spectacle de classe mondiale. D’où notre impatience de travailler avec eux au cours des mois à venir.
C : À partir de quel classement un joueur de squash professionnel peut-il vivre de son sport ?
A.G. : À force de travailler d’arrache-pied pour assurer à un joueur de squash professionnel une carrière viable et durable, on a réalisé des avancées sur deux fronts : la hausse du prize money et l’amélioration de l’accès à la pratique du squash tant pour les athlètes masculins que féminins sur le circuit de la PSA.
Notre prize money de la saison pour la campagne 2017/18 a atteint le record de 6,42 millions de dollars, tandis que le joueur qui a remporté le plus de gains a engrangé près de 300 000 dollars en prize money seulement.
On a aussi observé une nette hausse des gains pour les joueurs évoluant dans le top 100 et nos prévisions initiales pour le reste de la saison sont teintées d’optimisme.
Interview publiée dans Courts n° 3, automne 2018.