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Les petits pas d’Uma

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Le tennis n’échappe pas à ce mouvement permanent. Sport de déplacement, jeu de jambes et de pieds, il exécute une chorégraphie en duo qui ne serait qu’insuffisamment magnifiée sans ses… chaussures. Les demi-pointes du joueur ne sont rien sans talent ; mais qu’est-ce qu’un joueur orphelin de ses chaussures ? 

Un pas en arrière. Deux. Trois. La semelle silencieuse, attentive. Quatre. Cinq. Whooshwhooshwhoosh. Six. Sept. Whoosh, un regard… Tzing – et le fléau s’élance dans un hoquet strident –, flexion, esquive… Respiration. Soudain, le tap-tap-tap des petits pas qui s’accélère, le frou-frou d’une lame qui pare, puis frappe d’estoc, de taille. Elle recule ! Course vers l’avant, un saut, un cri, un Bam retentissant et le fléau s’écrase sur la poitrine d’Uma Thurman. Une fois, la voilà désarmée ! Deux fois… Elle est à terre. 

Cette scène, le cinéphile la connaît forcément. Et elle se termine bien, même si l’on ne se risquera pas à décrire la façon dont finissent Gogo Yubari, psychopathe patentée en tenue jupette courte-chaussettes hautes agressive, et ses yeux résolument maniaques. Spoiler : une affaire de pied de table et de clous mal placés. 

Quand Kill Bill est sorti en 2003, les moins hémophiles ont eu, durant quelques semaines, les yeux rivés sur cette Uma Thurman à la blondeur souvent sanguinolente. Souvenez-vous, c’était cette drôle d’époque où l’on pouvait aimer les katanas bling-bling en inox et les chemisettes dragons aux manches trop larges, tout en étant bercé par la douceur du Bang-Bang de Nancy Sinatra… Mais, dans les salles obscures, entre deux flots d’hémoglobine, ce qu’on a rapidement remarqué, ce sont les pieds d’Uma.

Fétichisme ? Non. On aime les petons, là n’est pas la question. Mais on les apprécie encore plus lorsqu’ils revêtent leurs Tai-Chi jaunes, ces guêpes de chaussures créées par Kihachiro Onitsuka, fondateur de la marque Asics, idéales pour la pratique des art martiaux. La semelle est fine, l’allure élégante, les tiger stripes d’Asics raient de noir leur or orangé… Feinte, esquive, fente ou parade, gageons-le : si La Mariée de Kill Bill enchaîne les prouesses martiales, c’est parce qu’elle est portée par ses Onitsuka Tiger et son petit jeu de jambes. 

 

Le jeu de jambes est « le trait d’union reliant tous les coups du tennis »

Le jeu de jambes. Que l’on manie une lame aiguisée ou que l’on préfère une activité un peu moins salissante, le jeu de jambes fait partie des apprentissages fondamentaux. Le tennis ne fait pas exception, même si le jeu de jambes et la chaussure qui lui permet de s’exprimer y tiennent plus de la performance physique que de la Bonne Paie ou du Monopoly. D’ailleurs, personne ne parle vraiment de jeu lorsqu’on évoque cette notion… Gaël Monfils le résume très bien avec ses mots simples et pragmatiques : « Le jeu de jambes, c’est surtout ce qui te permet d’atteindre chacune des balles que te propose ton adversaire. Si tu joues arrêté, tu n’as aucune chance d’être performant dans le tennis moderne. » Et Kill Bill n’aurait pas excédé les cinq longues minutes de son générique d’ouverture. 

Le jeu de jambes est « le trait d’union reliant tous les coups du tennis que vous pouvez être amené à exécuter au cours d’une série d’échanges », dissertaient Pierre Darmon et Jean Couvercelle dans l’un de ces vieux ouvrages didactiques des années 60, le Tennis en dix leçons. C’est « l’ensemble des mouvements, équilibres, rotations, flexions, impulsions, appuis, démarrages, arrêts, sauts nécessaires pour permettre à votre corps d’être placé au bon endroit au moment voulu et dans la bonne position par rapport à la balle ». Uma Thurman partageait donc quelque chose avec Rafael Nadal afin d’éviter les coups de Djoko Yubari, attaquante de fond de court capable d’étouffer son adversaire par son omniprésence.

L’importance des jambes, et plus précisément des pieds, dans le tennis est telle que des rapprochements assez uniques sont régulièrement faits avec… la danse. Darmon et Couvercelle professent d’ailleurs ce traditionnel exercice auquel on s’est tous un jour essayé, enfoncé dans un sofa renflé, face à la télé, à suer sang et eau sans bouger : fixer les jambes des joueurs en faisant abstraction du court et des coups. « Vous découvrirez à quel point elles sont en action permanente, réalisant un véritable ballet. »

 

Cours de danse et danse sur le court : des arts de l’espace du mouvement

Le mot est lâché. « Le tennis est plus qu’un sport, c’est un art au même titre que la danse. » Le moindre des passionnés connaît cette citation de Bill Tilden. Son contexte a sombré dans l’oubli, le nom de son auteur n’en est plus loin non plus. Mais la sémantique fait mouche. Par ses jambes qui le déplacent à grands ou petits pas dans un environnement restreint par la géométrie, par ses bras qui exécutent une technique aux fondamentaux qu’on aimerait absolus – serait-ce plus simple ? Pas sûr ! –, mais qui ne peuvent qu’être relatifs à chaque situation et à leur infinité de variables, le corps du joueur raconte bien des histoires, à l’image de la danse. 

« L’instrument de la danse est le corps humain. Ce corps possède trois dimensions, peut donner une infinité de courbes, de lignes, de poses, sans pour cela se déplacer, et produisant déjà par ceci une gamme de phrases plastiques. Tout en modifiant les courbes et en variant la vitesse, le corps peut effectuer sur le sol les dessins les plus divers, et même, décoller du sol. » La pensée tennistique trouve un certain écho dans ces réflexions d’Igor Fosca, danseur et chorégraphe décédé en 1993, rassemblées sur un site qui lui est consacré. Les dimensions, les phrases plastiques, la modification des variables… Nulle chorégraphie au tennis, mais une improvisation permanente en duo.

Peut-on comparer, pour autant, la programmation du Philippe-Chatrier à celle du Palais Garnier ? Assurer qu’un Toni Nadal bonhomme a quelque chose de l’émacié Angelin Preljocaj ? Ou que les petits pas de Roger Federer évoquent les mouvements de Pina Bausch ? On ne s’y risquerait pas. « On peut voir une forme de chorégraphie dans un échange au tennis. Mais la différence, c’est la violence des coups qui suivent les déplacements », estime Gaël Monfils, grand danseur parmi les danseurs du circuit, avant de nuancer : « Il me semble qu’Ivan Lendl avait pris des cours de step pour améliorer son déplacement sur le terrain. Il peut donc exister une complémentarité entre les deux. » Ivan, son faciès de glace, sa géométrie soviétique. Et son step. 

© Asics

Et si la chaussure idéale chaussait déjà vos pieds ?

Comme la danse, le tennis est une science du rythme, du relâchement, de l’équilibre ou du point d’équilibre. C’est aussi ce qui permet à Uma Thurman d’enchaîner les saltos arrière pour éviter le manriki gusari, ce gros fléau japonais, de notre étudiante un poil caractérielle. « Je dirais que la meilleure façon de se déplacer au tennis est de trouver le bon équilibre », raisonne Rene Zandbergen, responsable produit chez Asics. « Le bon équilibre qui correspond à ses propres qualités de joueur de tennis. » Cela passe par des chaussures adaptées. Dans Kill Bill, La Mariée a ses Onitsuka Tiger jaunes, LA paire adaptée à son mètre 80, sa silhouette longiligne et son style, tout en souplesse et en… équarrissage. 

« La bonne chaussure, pour moi, c’est tout bêtement une chaussure qui réponde à mes attentes, continue Monfils. Elle doit être réactive pour me permettre de démarrer rapidement, avoir beaucoup de stabilité pour les reprises d’appuis et être confortable, bien entendu, sachant que je peux être amené à les porter quatre ou cinq heures en match. » Une danseuse échangerait-elle ses demi-pointes avant d’entrer en scène ? Certainement pas. Monfils non plus : « La chaussure fait presque partie intégrante de mon corps. Je la sollicite énormément, car je mets beaucoup de force dans mes courses et mes déplacements. Elle m’apporte du contrôle et de la stabilité. »

Une chaussure. Un pied. Un jeu de jambes. Un véritable challenge à relever pour les ingénieurs qui ne vivent que pour nos pédicules. « Une bonne chaussure de tennis doit permettre au joueur de jouer à son meilleur niveau, renchérit Rene Zandbergen. Les joueurs, du loisir au professionnel, le disent tous : ils ont besoin d’avoir pleinement confiance en leur chaussure et en sa façon de s’adapter au jeu qu’ils veulent pratiquer. » 

 

Asics Gel Resolution 8, un challenge de l’équilibre et de la technologie au service du jeu de jambes

Mais qu’est-ce que ce « jeu » ? Répondre à cette question, c’est définir des styles, dessiner de grandes lignes, catégoriser le mouvement. « Nous nous basons sur deux styles de jeu qui correspondent à une grande majorité des joueurs. Il y a le joueur tout-terrain, qui se déplace à gauche, à droite, mais va aussi au filet et, forcément, doit reculer pour se replacer. Et puis le joueur de fond de court qui a tendance à rester derrière ou sur sa ligne, se déplaçant principalement à gauche ou à droite. Pour les joueurs tout-terrain, on va chercher à offrir plus de légèreté et de flexibilité sur l’avant-pied, afin qu’ils soient plus rapides dans leurs déplacements. Pour un joueur de fond de court, c’est différent. Les chaussures Asics vont offrir plus de stabilité sur les côtés et au niveau du médio-pied. L’objectif : que le joueur puisse aller vite d’un côté à l’autre, en conservant un maximum d’équilibre quand il freine et repart. » L’équilibre, encore, et des technologies développées par la marque pour maximiser l’efficacité de la chaussure. Le Dynawall pour accroître cette stabilité au milieu du pied et sur les déplacements latéraux ; le Trusstic System pour assurer le soutien de la voûte plantaire sans rien négliger du déroulé naturel du pied. 

Certes, ce n’est pas la technologie qui a permis à La Mariée de résister à sa confrontation avec Gogo Yubari. Mais sur un court de tennis où la survie, le désespoir, l’affrontement ne sont que cathartiques, ce sont les plus petits détails qui font la différence. « Ce qui permet à Djokovic, Goffin ou Monfils d’être si performants dans leur jeu de jambes, c’est un mariage parfait entre tous ces petits détails, leurs prédispositions biomécaniques, leurs conditions d’entraînement et leur préparation mentale. » La Gel Resolution 8 est un bel exemple de la façon dont ces différents paramètres, alliés à la technologie, permettent au joueur d’être toujours meilleur. « Elle est optimisée pour le joueur de fond de court, explique Rene Zandbergen. C’est une chaussure d’un niveau supérieur en matière de stabilité et de confort. Elle profite de la technologie Dynawall sur les côtés, créant une stabilité latérale optimale, sans rien sacrifier à l’amplitude de mouvement. En d’autres mots, même si elle est vraiment stable, la chaussure reste flexible et capable de se tordre dans les directions demandées. Mieux, avec sa semelle extérieure sur toute la longueur, la Gel Resolution 8 propose encore plus d’adhérence. Enfin, la technologie Dynawrap améliore le maintien du pied sur la semelle intermédiaire, notamment dans les déplacements latéraux. » 

Complexe, non ? Pas tant que ça. Si l’on constate bien les torsions et ruptures subies par une paire de chaussures sur un court de tennis, si l’on visualise aisément le grand écart morphologique entre Gaël Monfils, Uma Thurman, Angelin Preljocaj et un(e) troisième série, si l’on a su, un jour, au détour d’une leçon d’anatomie qu’un pied était constitué de 26 os et 16 articulations potentiellement sollicités différemment, on ne peut qu’imaginer ce que serait la chaussure parfaite… ou ce qu’elle ne doit pas être. Car le seul à pouvoir résoudre cette équation du jeu de jambes et du point d’équilibre, c’est le joueur, c’est le danseur, c’est La Mariée tailladée des pommettes aux pieds. Comment cette dernière s’en sort-elle ? Un peu par ses Tai-Chi audacieuses. Beaucoup par sa virtuosité martiale. 

Surtout grâce à Tarantino. Mais, non, décidément, on ne vous souhaite pas qu’il écrive les scenarios de vos prochains matchs de tennis… 

 

Article publié dans COURTS n° 7, printemps 2020.