Exposition Vogue Paris au Palais Galliera : les 100 ans du magazine
Par Myriam Bouguerne
À l’heure du tout numérique et de la sphère grandissante des influenceurs, alors que l’on peut désormais « shopper » en ligne sur le site de Vogue.fr, l’objet magazine revêt soudain une importance capitale. On le voit comme l’un des derniers refuges des années fastes de cette ligne exigeante de la mode où de nombreuses personnalités artistiques et littéraires contribuaient à donner le ton. Un manifeste d’une époque révolue qui ressurgit sous nos yeux à travers cette rotonde circulaire, qui ouvre le parcours, constituée de plus de mille couvertures en zigzag selon un parti pris scénographique en immersion.
L’exposition « Vogue Paris 1920-2020 », retardée d’un an en raison de la pandémie, retrace effectivement toute l’histoire du magazine à travers une rétrospective développée de façon chronologique et met en évidence le rôle majeur du magazine dans la diffusion de la création artistique, la célébration de Paris comme capitale internationale de la mode et – surtout – la construction du fantasme de la parisienne. Elle foisonne d’œuvres et de documents issus pour la plupart des archives de magazine, suscite l’intérêt et démultiplie les lectures, soutenues par des cartels explicatifs clairs et synthétiques.
Elle convoque et met notamment en lumière le talent des grands illustrateurs, et particulièrement des photographes, que Vogue Paris a promus : Hoyningen-Huene, Horst, Bourdin, Klein, Newton, Watson, Lindbergh, Testino, Inez & Vinoodh… Mais aussi les collaborations exceptionnelles avec de grands couturiers tels que Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld.
L’exposition se découvre également comme un « who’s who » de la mode française au cours des 100 dernières années, avec des photos de personnalités comme Catherine Deneuve, Kate Moss ou encore Jeanne Moreau. Elle souligne par ailleurs l’importance de la mode pour la société en général, les photos sélectionnées illustrant leurs époques successives, qu’il s’agisse d’images de période de guerre des années 1940 ou de celles marquant la crise économique des années 1970.
Aux commencements de Vogue Paris, le tennis.
Le 13 juin 1920, Suzanne Lenglen remporte ses premiers internationaux de France. Le pays la découvre et c’est un véritable choc. Son jeu est époustouflant. En effet, avec son footwork, son coup d’œil, sa frappe de balle, son service par le haut et son jeu à la volée, elle s’impose après-guerre comme le chef de file de l’avant-garde tennistique. Le journal britannique Morning Post, « lenglenophile », remarque que la Française fait « vieillir d’un siècle le jeu de fond de court stéréotypé des Anglaises ». Et tandis que les uns ne voient en elle que trépidation, les autres constatent qu’elle a tout simplement transformé en jeu athlétique une distraction féminine.
Si son jeu fascine, ses allures de femme fatale ont le même effet. En nette rupture avec les tenniswomen de son époque, elle est le plus souvent vêtue d’une jupe plissée de soie blanche s’arrêtant juste sous le genou, un cardigan sans manche, des bas retenus par des jarretières et un épais bandeau de tulle pour maintenir ses cheveux. Elle incarne très vite le summum de l’élégance et une certaine idée de la femme parisienne.
À cette époque, la gestuelle sportive attire l’attention des artistes modernes, sensibles à l’esthétique de la vitesse, et la championne intrigue, au-delà des spectateurs avertis, la nouvelle génération de peintres, écrivains, sculpteurs et cinéastes. Mais elle plaît aussi aux grands noms de la mode et notamment à la maison d’édition de magazines Condé Nast. En effet, il n’y a pas de hasard… Le 15 juin 1920, exactement deux jours après le sacre de Suzanne Lenglen à Roland-Garros, Vogue Paris voit le jour et choisit de mettre le tennis à l’honneur pour sa première couverture. Réalisée par l’artiste américaine Helen Dryden, elle montre deux dames sur un court de tennis. Elles sont chics, émancipées, à la fois séduisantes et séductrices et représentent parfaitement le mythe de la Parisienne que le magazine fera perdurer pendant un siècle. Durant les années qui suivront, le tennis sera en couverture de Vogue à deux reprises : en novembre 1921 et en juin 1932.
Si vous souhaitez contempler ces œuvres fascinantes, et vous imprégner de leur histoire, il faudra vous dépêcher car l’exposition se termine le 30 janvier.